Discours N°6 : Nous devons manger correctement
Manger aussi est une
question qu’il nous faut aborder le plus clairement possible : en
regardant les choses du point de vue de l’avenir, de notre propre avenir.
S’il nous faut aborder cette
question, c’est parce que notre situation à tous n’est pas du tout la même que
celle de ceux qui nous ont précédés dans cette place de relégués de la société.
Et cela peut quelque fois nous amener à nous tromper nous-mêmes sur notre
propre situation.
La situation des gens
pauvres et des gens aux revenus modestes s’est modifiée de telle sorte aujourd’hui
que si beaucoup de choses d’un côté semblent s’être spectaculairement
améliorées, on peut déjà voir que, de sous bien d’autres côtés, elles sont tout
aussi désastreuses qu’auparavant. Sinon plus.
Il n’y a pas si longtemps
encore, les pauvres étaient ceux qui, avant tout, n’avaient pas assez à manger.
Ils manquaient de protéines, de lait, de sucre et des choses essentielles pour
vivre. Aussi, leur première revendication était du pain, de la nourriture,
parce que la faim est une chose insupportable au quotidien et que l’impossibilité
de nourrir ses enfants est intolérable aussi. Mais cela pouvait aussi être
révoltant aux yeux de tous. D’abord parce qu’avoir faim était considéré depuis
toujours comme la plus grande injustice qui soit et que, d’autre part, chacun
se doute plus ou moins de ce que peut être la faim.
Mais pour nous, aujourd’hui,
la pauvreté ce n’est pas la faim à proprement parler, le manque de ceci ou cela , ce n’est pas la faim car nous
trouvons au supermarché la baguette de pain à 80 centimes d’euro, des haricots
en conserve à 2 euros les 800 grammes et du poulet de la communauté européenne
à 4.5 euros le kilo.
De plus, il existe un
certain nombre d’aides possibles pour ceux qui n’ont pas de travail, comme les
allocations familiales, les allocations de chômage ou le revenu de solidarité
qui permettent d’aller au moins deux fois par mois au supermarché pour y
acheter à manger.
Est-ce que cela veut dire
pour autant que tout va bien et nous vivons dans le confort ?
Certainement pas !
Aujourd’hui, on peut
effectivement acheter de quoi manger pour pas cher. Mais dans ce monde, là comme
ailleurs, ce qui n’est pas cher ne vaut rien. Pire : la plupart du temps
on le paye deux fois, d’abord avec son argent et ensuite avec sa santé parce
que c’est empoisonné.
En réalité, les choses
portent le même nom depuis longtemps : « poulet », « haricots »,
« bœuf », « veau », mais ce qu’il y a derrière leur nom n’a
plus grand-chose à voir avec ce que c’était au temps où on leur a donné ce nom.
Et cela, parce que leur existence et leur « production », comme on
dit, on « produit » du blé, des fruits ou des légumes, on ne les « cultive »
plus. On « produit » de la viande de ceci, de cela, on n’élève plus
des poulets, des pintades, des veaux, des bœufs ou des moutons.
Si chaque poulet élevé a
besoin d’un espace de 100 m² par jour pour se développer et vire, pour cent
mille poulets, il faudrait 10 millions de m², soit 10 km² : vous voyez la
différence : la surface d’une ville. Ce ne ferait pas les mêmes poulets, c’est
évident.
Et là-dessus, si vous
comptez les travaux d’aménagement, les bâtiments, la nourriture, la main-d’œuvre
pour élever cent mille poulets, comme ça vous arriverez à un prix de revient de
30 euro le kilo de poulet, et étant donné les revenus de la majorité des gens
vous ne trouverez pas cent mille personnes tous les jours pour acheter le
poulet à 30 euros le kilo. Alors que si vous les entassez sur 5000m², que tout
y est automatisé et que la nourriture est artificielle pour compenser le fait
qu’ils ne bougent pas et ne voient pas la lumière, vous pouvez en vendre cent
mille à 3 euros. C’est simple, ca fait cent mille bestiaux qui n’ont jamais mis
les pattes sur le sol ni vu un grain de mais de leur courte vie.
Mais il faut bien entendu qu’avec
leurs pattes tordues et molles, leur manque de plumes et de chair glauque, ils fassent
envie.
C’est comme ça depuis
toujours, la nourriture c’est le meilleur appât qui existe pour attraper les
poissons, les oiseaux, les rats, les félins et tous les animaux en général. Et
le poulet que l’on achète n’est pas un poulet, c’est un appât. C’est un leurre
pour attraper les gens qui pensent qu’ils vont pouvoir manger un poulet pour
pas cher. Et qu’importe donc comment a été fabriqué ce poulet, son rôle de
poulet s’arrête au moment où vous l’achetez, son rôle c’est de ressembler à un
poulet et d’en avoir l’odeur, la forme, presque le goût.
Après l’avoir acheté,
normalement il faudrait le jeter. En réalité, il faudrait même ne l’acheter que
pour le plaisir de l’acheter ou de le jeter, de le mettre dans le frigo ou de
le mettre à cuire, mais juste pour ce genre de raisons parce que si on s’avise
de le manger par la suite, c’est là que les ennuis commencent.
La nourriture qui est vendue
dans les supermarchés nous détruit à petit feu. C’est elle qui nous cuisine.
C’est la même chose avec la
pêche à la ligne. Les poissons sont devenus méfiants et, de plus, ils sont
devenus malins ; ils reniflent les appâts sans les goûter ou ils les
détachent sans se faire prendre, alors on a inventé pour les mystifier des
appâts qui sont plus appétissants que nature, avec des exhausteurs de goût, des
parfums de toutes sortes qu’on ajoute pour les rendre plus attirants que les
mouches, les sauterelles ou les vers ordinaires.
Eh bien, avec nous c’est la
même chose : depuis que les gens ne meurent pas suffisamment de faim pour
manger les nourritures industrielles telles qu’elles sont en vérité, pour les
faire acheter on y ajoute des produits pour renforcer le goût, on y ajoute des
saveurs, des parfums, de la couleur.
Et c’est tout ça qui nous
détruit la santé. Tout ça : toute la fausse graisse qui donne au poulet un
aspect dodu et appétissant alors qu’il n’y a que de l’eau et du mauvais gras
dedans, avec les produits pour les couleurs et les goûts, et que même les os ne
sont pas des os mais des sortes d’éponges à peine solidifiées. Et c’est la même
chose avec tout le reste, avec tout ce qu’on mange.
Bon, tout cela pour dire deux
choses : la première c’est que nous devons refuser cette nourriture pour
ne plus risquer de devenir difformes, enflés, fragiles du cœur et des artères à
cause d’une nourriture pas chère mais qui nous ruine la santé ; la seconde
c’est que si les gens plus riches recherchent des produits biologiques, ce n’est
pas seulement pour se distinguer, même s’ils en parlent sans arrêt pour faire
les malins. C’est qu’en fait ils ont compris, eux aussi, que c’est leur santé
qui est en jeu et ils ,e cherchent pas à rigoler avec ça parce qu’ils veulent
se protéger et se perpétuer, pas se suicider. Donc, ce n’est pas parce qu’ils
sont odieux qu’il faut faire le contraire de ce qu’ils sont odieux qu’il faut
faire le contraire de ce qu’ils font. Nous aussi nous devons réclamer l’accès à
une nourriture saine. Mais pourquoi bio ? Là, je l’accorde, cette histoire
de bio est un label pour distinguer les petits-bourgeois qui veulent se montrer
plus « conscients » plus « malins », c’est leur obsession.
Et ils se font attraper avec ça comme les poissons, dont on parlait tout à l’heure.
La question, c’est pas bio ou pas bio, c’est d’arriver à refuser ce qui n’est
pas naturel, pas correctement cultivé ou élevé pour que ça disparaisse de l’alimentation.
Un point c’est tout.
Bien sûr si l’on devait
manger comme les riches tout serait beaucoup trop cher et, étant donné nos
moyens, nous ne mangerions plus à notre faim. C’est une évidence. Mais l’autre
évidence c’est que nous allons mourir et dégénérer physiquement à petit feu si
nous continuons à manger ce qui est à notre portée.
Et il nous faut trancher
cette question. Non pas en choisissant une misère contre une autre, mais d’abord
en regardant les choses en face : nous sommes pauvres, parce qu’être
pauvre c’est ne pas avoir suffisamment à manger et comme ce qui est à notre
portée empoisonne et qu’il faut le refuser, c’est exactement comme si nous n’avions
pas suffisamment à manger. C’est un choix hypocrite qui nous est donné :
se faire empoisonner lentement ou n’avoir pas assez à manger.
C’est un point important car
la fausse nourriture qui nous est vendue ne devrait pas exister ; elle ne
sert qu’à faire croire que nous avons de quoi vivre comme il faut et que ce
système est un progrès humain. Et par-dessus le marché elle sert à nous
extorquer notre argent. C’est sans doute la première fois dans l’histoire que l’on
voit des gens donner tout l’argent qu’ils ont pour se faire empoisonner en
masse.
Mais à cela, je voudrais
ajouter un point : cette fausse nourriture est vendue et non donnée car si
elle était donnée personne n’en voudrait, ou presque. Cela signifie que le fait
de l’acheter sert à se faire que ce qu’on achète a de la valeur, que ce n’est
pas rien, pas un leurre, une pacotille.
Voilà ce que je propose :
Il faut que nous nous
réunissions. Il le faut pour parler de tout ça, mais surtout pour agir. Il nous
faut nous réunir au moins une fois par mois et faire la liste entre nouqs de ce
que chacun a entendu dire par son médecin et qui concerne les dégâts de la
nourriture sur notre santé, les produits à éviter avec tous les détails que
nous aurons pu réunir sur le danger qu’ils représentent et les afficher à la
porte des hôpitaux, des écoles, des
centres de santé et, par-dessus tout, à la porte des supermarchés. Et s’ils les
enlèvent, il faudra les remettre jusqu’à ce qu’ils se fatiguent.
Deuxièmement nous pourrions
commencer à nous nourrir par nous-mêmes aussi, collectivement. On pourrait
demander à utiliser certains terrains laissés à l’abandon dans les cités, ou se
cotiser et s’associer pour acheter des terrains agricoles que nous pourrions
cultiver et où nous pourrions élever des poules pour les œufs et la viande. Il
y a suffisamment de femmes, de jeunes et d’hommes sans emploi pour s’en occuper
à tour de rôle sans que cela prenne beaucoup de temps à chacun, et là ce que
nous ferions nous appartiendrait à tous.
Je le répète cette question
de santé est fondamentale. Elle l’est aussi du point de vue de nos motivations
et de notre engagement à changer le cours des choses. Comment nous
présenterons-nous non seulement devant nos proches, nos voisins, nos
concitoyens, mais aussi devant tous ceux qui vont nous voir et s’interroger sur
qui nous sommes, ce que nous voulons, etc ? Nous devons penser à l’allure
que nous présentons au monde et, par-dessus tout, donner à nos enfants le goût
de la vie qui vient et non pas celle d’un présent misérable continue et sans
espoir. Pensez-vous qu’il soit avantageux pour nous que nous nous présentions
avec des corps bouffis, sans énergie, avec des difficultés pour respirer, pour
reprendre notre souffle, avec des chutes et des hausses de tension qui nous rendent
incapables de quoi que ce soit, avec des claudications et des démarches d’infirmes ?
Pensez-vous que nous
pourrons manifester dans les rues comment ça et donner de nous une image
prometteuse de l’avenir, quelque allure enviable pour les autres ?
Non ?
Alors en avant !