Chapitre III
Ce matin, je suis devant mon café et je
ne sais plus si je suis heureux ou malheureux. Plus exactement, pour le dire
autrement, autrement ou mieux, je ne sais pas si je veux savoir si je suis
heureux ou malheureux. Je ne souffre pas d’être dans ce sentiment indécis.
C’est comme un bien-être doucement mélancolique et pour autant apaisant. Je
suis en paix. Béatement en paix. Une paix dont je n’ai pas les contours car
ceux-ci deviendraient terriblement contraignants si j’en avais la connaissance.
Ne pas savoir comme un besoin rafraichissant après ces années de certitudes. Je
ne sais plus donc je deviens.
Suis-je malheureux de ne plus rien
savoir, n’avoir plus de certitudes à part celle de ne plus vouloir en avoir ?
Je sens que j’ai une parfaite compréhension de ce que je veux chercher. Pas de
la solution mais de la volupté de la recherche qui ne sera à jamais inachevée.
Heureux parce que, de nouveau, je me
retrouve devant une étendue que je sais ne jamais arriver à parcourir. Dont je
n’aperçois pas les horizons. Me plait-il de ne pas voir les limites ?
Cette joie de parcourir en tous sens sans jamais me cogner à des barrières, à
des murs. Pourtant, je ne sais pas où aller en premier, je ne sais par quoi
commencer. De par notre éducation, où tu ne colories que dans les limites, tu
n’es que plus limité par la peur de te déplacer. D’aller où tu n’as peut-être
pas le droit d’aller. Mais peut-on limiter tes déplacements dans un espace qui
n’existe pas ou que tu t’inventes ?
Par contre ce que je sais, mon double,
ma vérité, c’est que je suis en phase boulimique incontrôlable. Je ne sais par
où me tourner sans que j’aie la tête qui tourne. Cet air si pur m’étourdit. Je pense
que j’y arriverais. Ou alors je suis déjà parvenu où je devais aboutir parce
que le but n’est pas un point précis mais un long chemin.
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