"* Le héros ne meurt pas non plus, mais il ne fait que se survivre, ce qui est la pire ruine pour ce qu’il prétend représenter. Déjà, dans l’œuvre cornélienne, il subit, nous l’avons vu, une mutation – parce qu’il veut s’intérioriser (la recherche héroïque d’un beau Moi qui deviendra la satisfaction souffreteuse de la belle âme) et cependant faire de l’héroïsme le mouvement de l’Histoire : atteindre à la démesure, d’un côté, par l’affirmation d’un « Je » vide qui sera un orgueilleux délire, de l’autre par l’avènement d’une nouvelle forme de domination politique. Dans les deux cas, il s’est déjà perdu. Si le mot héroïsme a un sens, il est tout entier dans une certaine majoration de l’acte considéré en lui-même, lorsque celui-ci, exploit éblouissant, s’affirme dans l’instant et semble être le rayonnement d’une lumière : cet éblouissement est la gloire, elle ne dure pas et elle ne peut s’incarner. De là, nous l’avons vu, que le héros apparaisse toujours plus ou moins comme l’exploiteur de l’acte héroïque : il le substantialise, il y fait carrière. En vérité, l’héroïsme représente à un certain moment et ne représente rien d’autre que l’émerveillement devant le pouvoir d’agir, émerveillement devant ce qui n’est plus la puissance magique accordée par la nature, mais le merveilleux humain donné impersonnellement dans l’action conquérante : comment ! on a pu faire cela ! Et, remarquons-le, le vrai héros, ce n’est pas toujours l’homme qui agit, c’est aussi bien l’instrument d’action, non pas seulement Achille, mais ses armes, non pas Roland, mais Durandal."
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