"Prenons un domaine où la dégénérescence est de notoriété publique: celui de la politique. Il est même possible d'en faire une mesure objective; il suffirait de comparer les débats de politiciens d'il y a un siècle, 50 ans, 30 ans avec ,par exemple, celui qui en 2007 opposa la Mère-de-quatre-enfants au Vrai-mec-qui-en-a-et-qui-s'en-sert pour en analyser, non pas le contenu, mais la forme: combien d'adjectifs, combien de verbes sont-ils utilisés, quel temps, quelles figures de style, etc. L'appauvrissement du langage de ces professionnels de la parole issus des meilleures écoles de la République est arithmétiquement démontrable, et il n'est que le signe de la pauvreté concomitante de leur pensée. La raison n'en est pas bien mystérieuse. Non seulement l'avilissement propre à l'exercice de leur fonction s'est trouvé multiplié par la grâce de l'audimat et des conseillers en communication, mais encore leur pouvoir effectif s'est réduit à peau de chagrin. Dès qu'une décision est d'importance, elle est externalisée, déléguée à des technocrates et représentants de lobbies, le pantin élu ayant pour seule charge de la "communiquer" dans le poste. Dans ces conditions, il est clair qu'une personne douée pour la rhétorique, mue par un idéal ou même avide de pouvoir réel évitera soigneusement d'entamer une carrière politique, laissant la place à ceux qui ne savent pas faire autre chose, ou, pire encore, ont une revanche à prendre sur l'existence"
"Certes, il est futile de dénigrer encore la cuistrerie politicienne, mais il n'en va pas autrement ailleurs, dans les médias par exemple: un journaliste soucieux d'enquêtes minutieuses, de longs reportages, d'indépendance d'idées et de style n'a aucune place dans le paysage médiatique actuel. refusant d'avilir ce à quoi il croit, il s'abstiendra d'y entrer, laissant aux jocrisses de troisième ordre le soin de nous désinformer. Lui se cherchera une autre source de revenus et fera usage de son talent, par exemple en publiant ses enquêtes sur un réseau électronique indépendant. on pourrait sans peine multiplier les exemples où l'exercice d'une profession est contrarié par une vocation véritable. il est de grands disparus tel Alexandre Grothendieck, le Rimbaud des mathématiques, qui avait radicalement rompu avec le milieu scientifique parce qu'il ne supportait pas la collusion de celui-ci avec l'état et l'industrie, et médite depuis trente ans à l'écart du siècle."
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