dimanche 19 mars 2023

Censure ou Sensure? Par M.A.


Dans "L'outrage aux mots", Bernard Noël écrit:

"Humiliation. Le racisme, c’est un regard qui vous classe sans appel. Qu’importe où il vous range, il a ouvert la différence et rien ne l’efface plus."

Ce texte qu'il a écrit est magnifique mais il est douleur.
Douleur parce il est issu d'une souffrance,
la souffrance de voir un de ces ouvrages emprisonnés dans la "censure" (Le château de Cènes") mais en préférant celle-ci plus franche et plus directe que la SENSURE, cette machine infernale qui permet à ceux qui maitrisent de vider les mots importants et qui portent à rêver de leurs sens premiers véritables qui leur donnent justement cette force cette puissance évocatrice pour les remplacer par des termes fades délavés qui lissent les vocables les discussions les normalisent les banalisent et où l'être passionné devient un fou hystérique bon à enfermer ou dont on doit se méfier au minimum
ce temps du "en même temps"
du en même temps de l'inertie de la mystification de la subordination de la parole qu'elle soit sacrée ou anodine
de celui qui parle sans contradiction le dernier qui parle à forcément raison


La lutte contre la censure a été une lutte de tout temps pour dire liberté
liberté de dire ce que l'on veut de ce que l'on a envie de dire
au delà de la morale, de ses propres morales, de celle de la société, de celle de la chrétienté,
pouvons-nous écrire ce que nous ne faisons pas
ce que nous ne ferons pas
cette littérature de ce que nous ne ferons pas n'existe pas puisque personne n'en parle
elle est muette et non silencieuse elle est licencieuse car elle se passe presque sous cape
par contre la morale souple s'adapte à l'érotisme commercial à la pornographie bon chic bon genre de la sphère post-mai 68
Les Christine Angot peuvent écrire ce qu'elles veulent elles font parties du sérail

Quelles sont les limites que nous pouvons nous fixer pour ne pas sentir de limites à la liberté celle des autres la nôtre
ou un dogme quelconque qui nous donne les autorisations?
C'étaient ces réflexions que la censure nous amenaient à avoir

Mais comment se défendre devant la SENSURE quand chacun pense détenir la définition de chaque terme
dans ce monde où les experts de tout et de n'importe quoi apparaissent à chaque coups de pieds dans une poubelle
ceux qui savent nous expliquer ce qu'il faut absolument lire penser écouter aller voir
ceux qui sont mauvais ou bons
les "islamo-gauchiste" "l'ultradroite" ou "l'ultragauche" le "wokisme" etc etc...

Je le recite:

"La censure bâillonne. Elle réduit au silence. Mais elle ne violente pas la langue. Seul l’abus de langage la violente en la dénaturant. Le pouvoir bourgeois fonde son libéralisme sur l’absence de censure, mais il a constamment recours à l’abus de langage. Sa tolérance est le masque d’une violence autrement oppressive et efficace. L’abus de langage a un double effet : il sauve l’apparence, et même en renforce le paraître, et il déplace si bien le lieu de la censure qu’on ne l’aperçoit plus. Autrement dit, par l’abus de langage, le pouvoir bourgeois se fait passer pour ce qu’il n’est pas : un pouvoir non contraignant, un pouvoir “ humain ”, et son discours officiel, qui étalonne la valeur des mots, les vide en fait de sens - d’où une inflation verbale, qui ruine la communication à l’intérieur de la collectivité, et par là même la censure. Peut-être, pour exprimer ce second effet, faudrait-il créer le mot SENSURE, qui par rapport à l’autre indiquerait la privation de sens et non la privation de parole. La privation de sens est la forme la plus subtile du lavage de cerveau, car elle s’opère à l’insu de sa victime. Et le culte de l’information raffine encore cette privation en ayant l’air de nous gaver de savoir. Ce processus fait partie de la paupérisation actuelle - une forme de paupérisation elle aussi très subtile puisqu’elle consiste à donner une aisance qu’elle supprime en créant sans cesse des besoins qui maintiennent l’aliénation, mais en lui enlevant son caractère douloureux."

M.A.  19/03/23

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