"Domination » est le nom de ce qui l’a emporté. Et il ne conviendrait pas qu’on croie que la domination préexistait à cette victoire. C’est le contraire même qui s’est passé : la domination est le résultat, obtenu après plusieurs années, d’une victoire dont tirent parti même ceux qui ne l’ont pas voulue. Il faut préciser encore : c’est la domination qui s’impose sur le capital, quoique ce soit le capital et lui seul qui l’ait emporté. À l’emporter sur ce qui s’opposait à lui, le capital suffisait. Mais à faire que dure, que s’établisse dans la durée la victoire qu’il avait remportée, il n’y suffisait pas. Domination est le nom qu’il convient qu’on donne à ce qu’a formé, pour s’établir, pour durer, le capital, en s’alliant à ce que la volonté de transparence et d’égalité formait au même moment. La transparence serait assurée par la presse ; l’égalité par la justice. Et ce qui résulterait de cet intérêt dont on n’avait pas jusqu’alors aperçu qu’il puisse devenir commun à l’argent, aux médias et aux tribunaux s’intitulerait le jour venu : la domination.
"Ce qu’il convient qu’on nomme aujourd’hui la domination est d’une sorte toute nouvelle que définit le fait que nul ne s’y oppose plus. Bien d’autres choses peuvent être dites d’elle (et certainement de très subtiles), mais celle-là est essentielle. Elle suffit même à différencier cette domination, à peu près parfaite, de toutes celles qui l’ont précédée (qui n’en étaient que l’esquisse). La différence est considérable en effet entre ce qui interdit de s’opposer à ce qui est, et ce qui permet qu’il n’y ait personne à ne vouloir ce qui est. Ce système de domination est admirable, sans doute, mais le fait est que la trahison de ceux qui conspiraient à sa perte – et qui l’ont rallié quand il n’était plus besoin que nul ne le ralliât tant sa victoire était évidente – a soldé un triomphe symbolique qu’on ne sait plus comment nier."
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire