mercredi 29 septembre 2021

Une culture du viol à la française. Par Valérie Rey-Robert

 "Dès l’âge de 4 ou 5 ans, les filles commencent à inhiber consciemment leur agressivité. Cela va conduire les enfants à rester dans le rôle attendu par le sexe auquel ils appartiennent. Lorsque les parents discutent avec leurs enfants ou racontent des histoires, ils évoquent davantage la tristesse avec leur fille et la colère avec leur fils61 . La colère est vue comme une qualité relativement positive pour un garçon ; on dira qu’il a du tempérament et ne se laisse pas faire, alors qu’une fille en colère sera vue comme hystérique et sachant peu se contrôler. La tristesse correspond davantage à une qualité féminine, plus faite de passivité."


"L’adhésion ou non à ces phrases montre l’hostilité envers les femmes de celui qui y répond :

–Très souvent les femmes flirtent avec les hommes dans le simple but de se moquer d’eux ou les blesser ;

–la plupart des femmes mentent juste pour aller de l’avant ;

–en général, il est plus sûr de ne pas faire confiance aux femmes ;

–je suis facilement irrité par les femmes ;–les femmes sont responsables de la plupart de mes problèmes ;

–je crois que la plupart des femmes ne disent pas la vérité ;

–parfois les femmes m’énervent par leur simple présence ;

–la plupart des femmes sont décevantes ;

–les femmes me traitent de manière injuste."


"Certaines personnes vont trouver des justifications à la violence (violence policière, violence en temps de guerre, châtiments corporels pour les enfants, violence envers les manifestants, torture pour faire avouer des terroristes, violence entre partenaires, etc.). Encore une fois, des chercheuses américaines ont mis un test au point afin d’établir l’acceptation de la violence générale et interpersonnelle, qui peut être définie comme suit :

–Les crimes violents devraient être punis violemment ;

–la peine de mort devrait faire partie de tous les codes pénaux ;

–tout prisonnier mérite d’être maltraité en prison ;

–toute nation doit avoir une armée forte et prête à attaquer en permanence ;

–une nation doit fabriquer des armes ;

–la guerre est souvent nécessaire ;

–punir physiquement les enfants quand ils le méritent en fera des adultes responsables et matures ;

–il est normal pour un partenaire de frapper l’autre en cas d’infidélité, s’il l’insulte ou le ridiculise ou flirte avec quelqu’un d’autre."


"La loi française sur le viol ou sur les agressions sexuelles ne comprend pas le mot « consentement », contrairement par exemple à la loi belge ou canadienne. Le consentement s’y définit plutôt par la négative en affirmant qu’il n’y a pas consentement s’il y a « violence, contrainte, menace ou surprise ». Mais comment définir le consentement, spécialement en matière sexuelle ? Comment s’en assurer ? Le mot consentement existe par exemple dans la loi pour définir les droits du patient. Le personnel soignant doit fournir au patient toutes les informations pour qu’il délivre un consentement libre et éclairé aux traitements qu’on lui propose. Le divorce par consentement mutuel exige que chacune des deux parties s’accorde sur le divorce et sur chacun de ses aspects. Là encore le consentement doit être libre et éclairé. Certaines féministes françaises demandent une évolution du code pénal afin que le mot consentement apparaisse dans la loi. Qu’est-ce que consentir ? La question ne va pas de soi. Consent-on par une formule verbale affirmative claire ? Est-ce qu’un signe de tête suffit ? Est-ce que ne rien dire vaut consentement ? Certains caricaturent les débats sur le sujet en affirmant qu’il faudra bientôt un consentement sur papier pour chaque acte, comme aux États-Unis, ce pays constituant pour certains l’épouvantail à agiter sur le sujet des violences sexuelles."


"L’anthropologue Nicole-Claude Mathieu montrait que les femmes ne consentent pas à leur domination, mais que, comme toute classe dominée, elles sont dominées et oppressées, ce qui les empêche de comprendre totalement qu’elles sont opprimées : « Le maître croit et dit que l’âne aime la carotte. Mais l’âne ne possède pas de représentation d’une carotte sans bâton. Contrairement à son maître. Il ne partage donc pas les mêmes représentations. L’âne consent, tout en espérant la carotte, à ne pas être battu. On pourrait tout aussi bien appeler cela refus que consentement83 . » Elle montrait que les femmes subissent des limitations mentales. Elles sont à la fois liées à des contraintes matérielles (double journée de travail, sous-nutrition par rapport aux hommes, fatigue physique et mentale des soins aux enfants, désarmement en leur enlevant à la fois les outils et armes pour se défendre et en ne leur apprenant pas à le faire corporellement, entrave à l’utilisation de l’espace public, violences physiques et sexuelles) et à une limitation imposée de la connaissance de la société et des règles non dites régissant leurs rapports avec les hommes84 . Définir ce qu’est le consentement des femmes n’est donc pas chose aisée dans une société régie par la domination masculine."


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