"La Flak aboie et rage. Au loin, les bombes martèlent. Ils s'attaquent à un autre quartier, là-bas vers l'est... Vers l'est! Là, j'ai la trouille, la vraie. Les tripes soudain aspirées, plaquées aux poumons. Maria! Elle est là-dessous, elle aussi! Et si j'allais ne plus la retrouver? Elle est peut-être déjà en bouillie, mêlée à des briques, à des bouts de planches... Je panique. J'avais jamais senti comme ça à quel point c'était possible. Que brusquement elle n'existe plus. Que j'arrive, comme un con, que je coure, comme je cours à elle, et rien : il n'y aurait plus de Maria ! Il n'y en aurait jamais eu. Il n'y aurait que l'espace où devrait se trouver Maria. Et où elle ne serait pas. Elle ne serait que dans ma tête, un souvenir... Non, merde, non ! Ça ne se peut pas ! Elle existe. Maria, je l'ai vue, je l'ai serrée dans mes bras, encore hier soir! Elle est là-bas, elle a peur, comme moi, pour moi, elle bouffe de la fumée, elle mâche des plâtras, elle a la figure barbouillée de larmes, de morve et de suie, elle pense à comment elle va me raconter ça, ce soir, et puis tout à coup elle se dit que je suis peut-être mort, qu'il est possible que je sois mort, très probable, même, oh, merde, non, Maria, je suis là, je suis là, j'ai peur, sois là, Maria, j'arrive, la guerre nous a amenés l'un à l'autre, la guerre est notre amie, elle ne peut pas nous tuer, pas l'un sans l'autre, pas l'un sans l'autre !"
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