« A partir de ce moment, on aurait dû dénoncer et refuser tous les compromis et toutes les alliances avec les partis bourgeois. Toute complaisance devait être rejetée ainsi que tout poste au gouvernement et dans les institutions. »
« Nous croyons que si, en juillet 1914, à Berlin et
dans toutes les villes d’Allemagne des centaines de milliers d’ouvriers appelés
par le parti étaient subitement descendus dans la rue alors qu’il en était
encore temps, et que si on avait appris à Pétrograd et à Moscou, à Riga et à
Odessa, à Lodz et à Varsovie, à Kiev et à Kharkov que des centaines de milliers
et même des millions d’ouvriers allemands organisés manifestaient pour empêcher
qu’eux et les ouvriers russes se massacrassent les uns les autres, nous croyons
que en Russie également des centaines de milliers d’ouvriers russes seraient
descendus manifester dans la rue. Nous croyons que, si dans toute l’Europe la
nouvelle que des millions d’Allemands et des centaines de milliers et peut-être
des millions de Russes ne voulaient pas s’entr’égorger s’était répercutée, le
cri de l’Internationale aurait été suivi par au moins des centaines de milliers
d’ouvriers organisés en France, en Italie, en Autriche, en Scandinavie, en
Belgique et aux Pays-Bas. Nous croyons que même en Angleterre [En ce moment
même des grèves se produisent au Pays de Galles.] de nombreux ouvriers auraient
été mobilisés. Nous croyons que partout de très nombreux ouvriers non-organisés
se seraient mobilisés. Un prolétariat qui peut faire une grève générale pour
une revendication mineure, pour une augmentation de salaire, pour une réforme
électorale peut également la faire contre la guerre. Nous croyons que, si la
résistance avait été chaque jour plus forte et plus véhémente en Allemagne, en
Russie et en France - dans les pays qui en principe devaient causer la décision
à propos de la guerre - nous croyons que de nombreux autres pays auraient
connus également de grandes grèves. Peut-être n’aurions-nous pas été encore
assez puissants pour empêcher la guerre. Le capital, la puissante haute finance
- qui domine tout et à qui tout obéit dans la petite comme dans la grande bourgeoisie
l’impérialisme avec son idéalisme, avec son nationalisme et avec ses esclaves
sont encore trop puissants. C’est probablement vrai. Mais, si nous avions
résisté jusqu’au bout et jusqu’au dernier moment, si dans tous les parlements
et jusqu’aux trônes des empereurs et des rois était parvenu le fier refus du
prolétariat mondial qui se serait pour la première fois et à la première
occasion rebellé et aurait refusé de se laisser assassiner dans l’intérêt
exclusif du capital, alors au moins nous aurions fait tous notre devoir. Alors,
en effet, l’unité, la plus haute organisation de l’avenir, la propagande pour
l’avenir d’après-guerre aurait été maintenue par nous, elle aurait été plus
forte, indestructible et gigantesque. Alors nous aurions été l’astre qui guide,
l’unique astre qui guide tous les opprimés du monde qui encore aujourd’hui sont
dans l’obscurité. Alors nous aurions agi en harmonie avec l’évolution du
capitalisme qui, au moyen de l’impérialisme, place l’un en face de l’autre le
prolétariat mondial et le capital mondial. Alors, nous aurions fait de cette
lutte, et peut-être de cette défaite, la base pour la révolution après la
guerre. Alors, nous aurions posé les fondements pour la victoire future. Alors
l’Internationale aurait été vraiment l’Internationale. Rien de tout ceci n’est
arrivé. A cause de l’ignorance et la petitesse des ouvriers, à cause des
tromperies des réformistes et à cause de la lâcheté et de l’indécision des
radicaux, l’Internationale fut défaite. La seconde Internationale, par conséquent,
alla à la ruine parce qu’elle n’était pas internationale. Elle n’était qu’un
conglomérat d’organisations nationales mais non un organisme international.
Elle se proclamait internationale mais elle n’agissait pas et ne pensait pas
internationalement. Elle n’était qu’un complexe d’organisations qui n’étaient
pas internationales et qui n’agissaient pas internationalement. Leur
internationalisme n’allait pas au-delà de ce qui était nécessaire quand
l’impérialisme n’existait pas encore. »
« Alors que la guerre mondiale fait encore rage, les
réformistes et les radicaux sont en train de chercher, en accord avec la
bourgeoisie, un moyen grâce auquel encore une fois ils pourront dévoyer,
affaiblir et tromper le prolétariat après la guerre. Les radicaux, les réformistes
et la bourgeoisie ont même trouvé un moyen grâce auquel détourner à nouveau les
ouvriers de la révolution et les induire à se confier à la bourgeoisie et non à
leurs propres forces. Ce moyen est le désarmement. Ce moyen est la paix
mondiale. Bien évidemment, aujourd’hui comme hier, et spécialement après cette
horrible guerre, la bourgeoisie feindra d’aimer et de désirer la paix. Pendant
ce temps, tous s’arment jusqu’aux dents. Et tout cela dans le but d’endormir le
prolétariat. Et pendant que la bourgeoisie simule ainsi et célèbre plus que
jamais en paroles la paix, les réformistes trouvent de nouveau l’occasion de
marcher avec la bourgeoisie pour trafiquer avec elle dans les élections, pour
passer avec elle des compromis, pour conquérir des mandats et la puissance. Et
toutes ces belles choses peuvent se faire puisque la bourgeoisie veut la paix !
Voilà à quoi sert la paix, le désarmement et les réformistes. Et les radicaux à
leur tour – puisque la bourgeoisie a intérêt au désarmement et veut le désarmement
! – guetteront l’occasion pour retenir le prolétariat de mettre en œuvre
l’action révolutionnaire. Voilà à quoi leur sert le désarmement. »
« Mais l’Allemagne ne pourra pas à la longue supporter
un tel état de chose. Elle s’armera de nouveau et elle cherchera de nouvelles
alliances. Si l’Allemagne l’emporte, elle prendra la Belgique, la Pologne, la
France du nord, les colonies françaises et belges, elle s’assurera la
suprématie sur la Turquie, en Asie Mineure, en Mésopotamie, en Arabie et ainsi
elle s’emparera de la route continentale des Indes britanniques. Et cela
l’Angleterre ne peut le tolérer. Elle s’armera de nouveau. La France et la
Russie feront de même. Si aucun de ceux-ci ne vainc alors tous se réarmeront
encore plus. Immédiatement après cette guerre le monde assistera à une course
aux armements comme on n’en a encore jamais vu. Du sein de cette guerre, nous
le disions déjà au début de cet opuscule, est en train de naître une nouvelle
guerre, un nouvel impérialisme et une nouvelle et plus intense course aux
armements. Les grands et les petits Etats, tous les Etats capitalistes, ceux
qui le deviennent et ceux qui veulent le devenir, avides du sang du prolétariat
international, sont aux aguets comme des bêtes féroces prêtes à sauter sur leur
proie : les peuples faibles et les uns sur les autres. Et quand on retrouvera
les conflits qui sont cause de la guerre d’aujourd’hui, alors de nouvelles
guerres menaceront. »
«La lutte de classe est vaine. De temps en temps, on donne
au prolétariat un pourboire pour l’esclavagisme volontaire, pourboire qui ne
fait que démoraliser encore plus le prolétariat. Tout n’est plus qu’apparence
et que paroles vides. Tout le prolétariat est exténué. Et ces conditions sont
les mêmes dans toute l’Europe. Mais le prolétariat peut choisir aussi l’autre
voie. Il peut choisir la lutte contre l’impérialisme. Il peut entreprendre de
lutter contre sa bourgeoisie et contre son propre nationalisme. Il peut
combattre nationalement le nationalisme impérialiste de la bourgeoisie et des
ouvriers eux-mêmes. Le prolétariat peut, avant toute chose, adopter une
politique nationale qui soit adaptée au nouveau stade du développement du
capitalisme : l’impérialisme. Pour ce faire, il devra annihiler le
révisionnisme et le centrisme à la Kautsky. Le prolétariat peut combattre
internationalement la guerre et l’impérialisme mondial. Il doit, pour ce faire,
fonder une nouvelle Internationale. Si le prolétariat emprunte cette voie, il
s’élèvera toujours plus. Il atteindra un niveau jamais jusqu’ici atteint et
tout ce qu’il a accompli jusqu’ici paraîtra insignifiant. »
« Tant que l’impérialisme et la guerre mondiale
menacent le prolétariat et tant que la pacifique évolution de la lutte de
classe n’est pas assurée ; - en premier lieu, ne pas faire de compromis ou
d’alliances avec un quelconque parti bourgeois, le prolétariat ne doit assumer
aucun poste de responsabilité ; - faire de l’impérialisme l’axe, le pivot de la
politique nationale et internationale ; - repousser, même en cas de guerre,
tous les crédits au militarisme et à l’impérialisme ; - combattre
l’impérialisme et tous les phénomènes concomitants de l’impérialisme comme
obstacles à la lutte syndicale, comme stagnation de la législation sociale,
comme refus ou perte de droits politiques ; et, précisément, combattre
l’impérialisme autrement qu’avec les méthodes habituelles de la lutte syndicale
et de la lutte parlementaire, avec l’action nationale de masse ; - combattre
l’impérialisme et la guerre avec l’action massive du prolétariat international.
Nous invitons le prolétariat international à emprunter cette voie. »
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