" Les anarchistes de méthodes traditionnelles ont peur que, par notre exemple et notre prosélytisme, le mouvement anarchiste ne sombre dans une sorte de société plus ou moins ésotérique et hermétique, fermée à l’action et réservée au perfectionnement individuel. Ils ont peur de voir les anarchistes devenir des « moines athées » lucides et clairvoyants certes, mais vivant sur une « autre planète ». Nous pouvons, semble-t-il, répondre à de tels arguments, somme toute assez pauvres, par des questions pertinentes et difficilement résolubles par eux. Qu’est devenu le mouvement anarchiste si ce n’est une chapelle et une pépinière d’en-dehors ?
Aucun anarchiste contemporain,
aucun groupe d’anarchistes n’a aujourd’hui d’influence sur le mouvement ouvrier
et syndical par exemple. »
« On a affirmé et répété à
satiété être les seuls représentants qualifiés d’une révolution intégrale, face
aux marxistes. Soyons plus modestes. Il est ridicule, actuellement, de croire à
une révolution libertaire, voire à une révolution tout court dans nos sociétés
hypercentralisatrices. Il parait impossible à l’heure actuelle de croire ou de
faire croire à un changement brusque, ce serait nier la complexité de l’organisme
social et de l’évolution. Il n’y a pas, actuellement, d’antagonisme majeur
entre marxistes et anarchistes, si ce n’est sur le papier et dans les mots.
Nous devrons dans nos actions futures travailler cote à cote tant avec les
marxistes qu’avec les autres forces de progrès social, allant vers plus de
bien-être, de justice et de liberté. Nous devrons, à défaut de possibilités et
de capacités suffisantes pour assurer le succès d’une révolution, compter avec
ces forces extérieures et les épauler dans leur action quotidienne. Nous
devrons nous contenter du rôle d’appoint et de second plan qui nous caractérise
vu notre petit nombre. Nous devrons abandonner le stade des spéculations
intellectuelles, laisser de côté nos vagues projets de sociétés futures et
essayer de tirer de la société actuelle le maximum possible et, néanmoins, il n’est
pas question, même dans cette optique, d’oublier nos aspirations à « autre
chose » de plus satisfaisant, mais de tenir compte de notre très modeste
potentiel humain. Nous devrons, avant tout et surtout, adapter notre attitude à
nos aspirations et cesser de brailler négativement comme nous l’avons fait
jusqu’alors contre tout ce qui se fait en dehors de nous : notre inaction
et notre détachement des masses nous enlèvent le droit de les renier, nous
vivons parmi elles, nous en sommes partie intégrante et n’avons pas le droit de
les bafouer ni de les sous-estimer. »
« Il ne s’agit plus de
chanter sur tous les toits, sur tous les tons que le syndicalisme est
réformiste ou quasi intégré, mais d’agir néanmoins en son sein pour obtenir
plus de sécurité, plus de loisirs, plus de droits, etc…en un mot d’exiger pour
les producteurs que nous sommes une part plus importante de ce qui existe, et
cette action ne nous obligera nullement à abandonner nos revendications révolutionnaires
et gestionnaires, par exemple. »
« Nous pourrions passer en
revue toutes les activités humaines, partout nous y aurions notre place marquée
et souvent vide. Ce qui fait justement la valeur de l’anarchisme et le
différencie du marxisme, par exemple, c’est avant tout son universalité. L’argument
est trop banal qui nous est opposé : la dispersion de nos forces ; la
belle affaire, rien ne nous empêche de nous réunir périodiquement et d’étudier
ensemble les possibilités qui nous sont offertes, l’argument ne tient pas.
Encore une fois, avons-nous agi différemment jusqu’alors ? Non, mais nous
n’avons pas eu le courage de reconnaitre notre faiblesse numérique, nous avons
voulu faire figure de force unique et universelle face au marxisme. Ayons le
courage de laisser tomber de pareilles affirmations, cessons ce bluff de
soi-disant milliers d’anarchistes qui bien qu’inorganisés auraient une
influence considérable dans l’actuel.
Notre force, notre présence nous
l’imposerons dans l’avenir non avec des mots creux et pseudo-savants, non avec
des journaux ou des revues bien faits certes, mais sans lecteurs, non avec des congrès
administratifs et ridicules par le vide de leurs discussions et la vanité de
leurs résolutions, mais avec des actes concrets et positifs, au nom de n’importe
qui, de n’importe quoi, et même anonymement si nécessaire. »
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