Tableau 11 : Homme seul.
Silence. Il marche.
On sent qu'il porte lourdement son silence.
...J'ai regardé le ciel. Geste aussi vieux qu'est vieille l'humanité. Le fameux silence des espaces infinis...Il est assez fréquent que cette contemplation vous comble. N'est-il pas insensé que le vide vous comble ? Et plus parfaitement que n'importe quelle union...C'est que le vide n'a pas de restes. Lui seul est absolu. Un absolu de rien. Tout ce que je comprends, et à mesure que je le comprends, me jette au-delà de la chose comprise. Oui, me jette dans le vide. Et le vide anéantit sa compréhension, si bien que me voici, bouche béé, en train de manger du ciel...Ma nuque bientôt se fatigue. Le comble a déjà volé en éclats. J'appelle alors le soleil pour qu'il plante dans mon crâne le coup de grâce dont la pointe empalera mon cerveau, ma langue, puis ma gorge. Je me représente cela ; cette brochette d'organes tournant dans le feu du ciel. Ce feu brûle conscience et pensée, brûle mon JE jusqu'au TU...Je veux...Je voudrais concevoir enfin une image irrésistible. Entendez-moi : une image assez meurtrière pour s'autodestruire en me détruisant à l'instant où je me le représente...Là-haut, le ciel est bleu par-dessus les nuages. La voûte de mon crâne me sépare de ce bleu. Le vide exige ma mort pour devenir mon propre absolu. Je le sais. En vérité, je ne sais rien. Je sens cela, et cela foudroie mon savoir. Cette foudre empale tout ce que j'ai su puis le brûle. Mais quelque chose résiste à la brûlure, quelque chose qui est moi vivant. Ainsi je repousse cela même que j'appelle dans le moment même où je l'appelle. Et ce geste, qui écarte le vide, me déchire. Et cette déchirure dévoile le ciel inverse, qui est en moi mon propre abîme. Là-dessus tombe la nuit de la chair humaine, mais dans son épaisseur rôde un désir, rôde un tourment, rôde la hantise d'un visage qui n'apparait pas, si bien qu'indéfinitivement quelque chose cherche quelqu'un...quelque chose cherche à jamais quelqu'un...
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