Tableau 4 : Monologue
...donc, nous inventions quelque de neuf dans chaque village histoire de faire grandir la peur. Nous savions - ce que chacun sait depuis toujours, que la terreur sacralise ceux qui l'exercent à condition qu'ils soient sans pitié...Nous avions commencé banalement par des fusillades, des pendaisons, des incendies. Tout cela fabriquait des martyrs à trop bon compte...Cet inhumain, comprenez-moi, était trop humain. Il y manquait la dimension de l'irrémédiable. Pas de remède pour un type à qui on coupe les doigts, puis les mains puis les bras avec une régularité sans hésitation...Cette boucherie impressionne moins que le geste inexorable et mécanique du hacheur...Evidemment, avant que la cérémonie ne commence, on a rassemblé tout le village, les enfants compris, et à peine a-t-on tranché menu le premier bonhomme qu'on en saisit un autre au hasard - vraiment au hasard, ni suspect ni arrogant...Les membres, à eux seuls, suffisent à fournir un beau tas de viande car on ne hache pas le buste. On coupe tout juste la tête si l'individu remue encore...Ensuite on appelle les chiens pour nettoyer la place. Les chines, généralement, reniflent puis s'enfuient. Alors on convoque les cochons, et ils bâfrent à tous les coups, si bien que nous avons fini par répertorier ce supplice sous la rubrique "la vengeance des porcs"...La cérémonie se déroulait dans le silence, un silence scandé par des coups. La victime, au bout de trois ou quatre mutilations, était bâillonnée par la douleur et s'évanouissait...Après les coups de plus en plus sonores dans l'état de suspension provoqué par la terreur, c'était le bruit des mâchoires, mais la meilleure trouvaille fut l'hélico. On en pendait un ou deux, par les mains ou par les pieds, sous chacun de nos trois hélicoptères...Ils prenaient de la hauteur puis jouaient à se poursuivre en rasant les arbres. Au bout d'un petit quart d'heure, il ne restait pas grand-chose des pendus...Des haillons de viande, du sang dans les branches, ça faisait beaucoup d'effet...Pourtant, rien ne saurait adoucir la déception finale du bourreau quand il constate, une fois de plus, que la victime s'obstine à ne mourir qu'une seule fois...
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