"Vous savez, j’ai renié mon passé. Je ne chante plus que l’espoir ; mais pour cela, il faut d’abord attaquer le doute de ce siècle (mélancolies, tristesses, douleurs, désespoirs, hennissements lugubres, méchancetés artificielles, orgueils puérils, malédictions cocasses, etc., etc. ). »
Lautréamont, celui qui fit de Maldoror une calamité, explique qu'il faut y mettre fin mais après les derniers soubresauts. Mais sommes nous libres (les auteurs, les poètes) de choisir, sans paraître rompre avec notre passé suite à des compromissions, de changer de direction? Et, pour sincère que ce changement soit, toute explication paraîtra louche et mensongère.
Dans "Poésie 1", Ducasse (et non plus Lautréamont, nom qu'il lui fallut abandonner pour prouver ce changement), tente de s'en expliquer longuement :
"perturbations, les anxiétés, les dépravations, la mort, les exceptions dans l’ordre physique ou moral […], les abrutissements, les hallucinations servies par la volonté, les tourments, la destruction, les renversements, les larmes, les insatiabilités, les renversements, les imaginations creusantes, les romans […] les singularités chimiques de vautour mystérieux qui guette la charogne de quelque illusion morte, les expériences précoces et avortées, les obscurités à carapace de punaise, la monomanie terrible de l’orgueil, l’inoculation des stupeurs profondes […] »
Michel Surya l'explique dans "Le Polième" comme Bataille l'expliqua avant, posant la question : de quoi donc la poésie est ou serait coupable? :
"Reniement ? Ralliement ? Si l’on veut. Mais reniement de quoi ? Ralliement à quoi ? S’agissant de Lautréamont, il y a, certes, reniement, puisqu’il le dit : « j’ai renié mon passé. » (Bataille voit dans ce reniement paradoxal l’aveu de la faute en soi qu’est la littérature : « Les Poésies de Lautréamont, dit-il, n’est-ce pas la littérature “plaidant coupable” ? ») Mais c’est un reniement qui ne le rallie à rien. À rien du moins qui ait existé par le passé. Renier, on ne le voit pas toujours, c’est nier deux fois : opération par laquelle s’annule toute négation. Qui fait qu’on devient le même que ce qu’on n’a pas voulu être. Qui fait que ce qu’on est devenu est le même que tout ce qu’on voulait ne pas devenir. Un repentir. Or ce n’est pas ce que Lautréamont fait, quoi qu’il dise."
Renoncer à tout pour chanter quoi dorénavant ? Tout comme dans les pays de l'est où les poètes et écrivains devaient chanter "l'espoir" que le communisme représentait pour la population.
"Une première réponse tient dans ce qu’il écrit lui-même : il lui revient dorénavant de chanter « l’espoir » (pauvre mot ; on imagine ce qu’il peut en coûter de s’y réduire)."
M.A. 19/01/25
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