Aristocrate
individualiste, marqué par l'ésotérisme, il a cherché à
concilier l'action politique contre(-révolutionnaire avec les
doctrines traditionnelles affirmant la nécessité d'une
« restauration historique » de la civilisation
traditionnelle dans des ouvrages comme « Révolte contre le
monde moderne » (1934) et « Chevaucher le tigre »
(1961).
« Erudit
de génie » (Marguerite Yourcenar) pour les uns ou « triste
et insensé personnage » (Umberto Eco) pour d'autres. Evola est
le théoricien d'un élitisme antimoderne fondé sur la référence à
une tradition « aryo-nordique » définie par la
« mythologie solaire » et le « principe
aristocratique mâle », opposé au « principe féminin »
de la démocratie. Après-guerre, son œuvre devient une référence
de la nouvelle droite italienne, française et américaine ainsi que
des milieux néo-fascistes, tant européens qu'américains.
Quelques
« pensées » :
"C'est
le bourgeois qui, peu à peu, a présenté comme naturel ce qui, en
d'autres temps, aurait semblé une hérésie absurde : l'idée selon
laquelle l'économie est notre destin, le gain notre but, le
marchandage et le trafic les seules formes d'action ; et puis l'idée
que le confort, le bien-être, le welfare, sont l'essence de la
civilisation."
"Regime
Fascita" (3 avril 1934)
"S'il
y a jamais eu une civilisation d'esclaves dans les grandes largeurs,
c'est bien la civilisation moderne. Aucune culture traditionnelle n'a
vu d'aussi grandes masses condamnées à un travail aveugle,
automatique et sans âme : esclavage qui n'a même pas pour
contrepartie la haute stature et la réalité tangible de figures de
seigneurs et de dominateurs, mais est imposé de façon anodine à
travers la tyrannie du facteur économique et des structures d'une
société plus ou moins collectivisée."
"Révolte
contre le monde moderne »(1934)
Voilà
la limite de l'acceptable et c'est en cela que l'on voit la
différence entre la réflexion du progrès et celle de la
supériorité.
"Comment
ne pas comprendre que s'il y a égalité, il ne saurait y avoir en
même temps liberté ? Que le nivellement des possibilités,
l'identité des devoirs, la reconnaissance réciproque rend
impossible la liberté ? Répétons-le : la liberté vraie n'existe
que dans la hiérarchie, dans la différence, dans l'irréductibilité
des qualités humaines ; elle existe seulement dans les sociétés où
l'on favorise dans un petit groupe le plus complet développement des
possibilités humaines, même au prix de la plus grande inégalité
vis-à-vis des autres."
"Impérialisme
payen (1928)
« L'inégalité
est vraie de fait pour la seule raison qu'elle est vraie de droit,
elle est réelle pour la seule raison qu'elle est nécessaire. Ce que
l'idéologie égalitaire voudrait dépeindre comme un état de
justice, serait au contraire, d'un point de vue plus élevé et à
l'abri des rhétoriques humanitaires, un état d'injustice. C'est une
chose qu'Aristote et Cicéron avaient déjà reconnue. Imposer
l'inégalité veut dire transcender la quantité, veut dire admettre
la qualité. C'est ici que se distinguent nettement les concepts
d'individu et de personne. »
Les
Hommes au milieu des ruines (1953)
« Le
principe selon lequel les hommes sont tous libres par
nature et
possèdent tous des droits égaux est une véritable absurdité
puisque par nature les
hommes ne sont pas égaux. Quand on a dépassé le stade simplement
naturaliste, être une personne
n'est
pas une qualité uniformément distribuée, elle ne peut constituer
une dignité égale pour tous et dérivant de la simple appartenance
d'un individu à l'espèce biologique « homme ». »
Les
Hommes au milieu des ruines (1953)
« La
liberté (premier terme de la trilogie révolutionnaire) doit être
comprise et défendue de façon qualitative à la mesure de chaque
personne : à chacun doit être dévolu la liberté qui lui revient,
mesuré par la stature et la dignité de sa personne et non par le
fait abstrait et élémentaire de son état d'homme ou de citoyen. »
Les
Hommes au milieu des ruines (1953)
« Il
est, bien commode d'oublier que dans l'histoire, aussi bien la
dictature que la démocratie absolue, nécessairement démagogique,
n'ont été que des exceptions, et que la norme est faite de régimes,
majoritairement monarchiques, basés sur un principe légitime et
reconnu d'autorité. »
«
Il Conciliatore » (15 mars 1969)
« La
sphère politique se définit par des valeurs guerrières et
hiérarchiques, héroïques et idéales, anti-hédonistes et d'une
certaine façon anti-démonistes, qui la détachent de l'ordre de
l'existence naturelle et végétative; les vraies forces politiques
sont des fins en grande partie autonomes (non dérivées), elles sont
liées à des idéaux et à des intérêts différents de ceux de
l'existence pacifique, de la pure économie, du bien-être physique,
elles renvoient à une dimension supérieure de la vie, à un ordre
distinct de dignité. Cette opposition entre la sphère politique et
la sphère sociale est fondamentale. »
Les
Hommes au milieu des ruines (1953)
« Une
phrase de Tacite résume lapidairement ce qu'il est advenu depuis
lors de la Révolution libérale : Ut imperium
evertant, libertatem praeferunt ; si perveterint, libertatem ipsam
adgredientur –
c'est-à-dire : Pour renverser l'État, ils en appellent à la
liberté; une fois la liberté acquise, ils l'attaqueront elle
aussi. Platon avait déjà dit : « Sur aucun autre régime
politique, la tyrannie ne grandit mieux et ne s'installe plus
solidement que sur la démocratie, et c'est ainsi que de l'extrême
liberté naît la servitude la plus entière et la plus âpre.»
Libéralisme et individualisme n'ont eu que la fonction d'instruments
dans le plan général de subversion mondiale : ils lui ont ouvert
les digues. »
Les
Hommes au milieu des ruines (1953)
« La
prétendue amélioration des
conditions sociales ne
doit pas être considérée comme un bien, mais comme un mal, si le
prix en est l'asservissement de l'individu au mécanisme productif et
au conglomérat social, la dégradation de l'État en État de
travail, l'élimination de toute hiérarchie qualitative, l'atrophie
de toute sensibilité spirituelle et de toute capacité héroïque au
sens le plus large. »
Les
Hommes au milieu des ruines (1953)
« Quand
bien même la race des vrais hommes n'aurait pas entièrement
disparu, l'homme moderne conservant bien peu de ce qu'est la virilité
au sens supérieur, il resterait aujourd'hui le problème de la
capacité de l'homme vrai à racheter, « à sauver la femme dans la
femme ». Le risque serait plutôt qu'aujourd'hui l'homme vrai, dans
la majorité des cas, serait tenté par l'autre maxime, conseillée
par le vieux Zarathoustra : « Tu vas chez la femme ? Alors n'oublie
pas le fouet ! » – si dans ces périodes progressistes, il était
possible de l'appliquer impunément et avec résultat. »
Chevaucher
le Tigre (1961)
« La
vision du monde peut être plus précise chez un homme sans
instruction que chez un écrivain, plus précise chez un soldat, un
aristocrate ou un paysan fidèle à la terre que chez un intellectuel
bourgeois, un professeur ou un journaliste. »
Les
Hommes au milieu des ruines (1953)
« Ce
sont surtout les représentants d'une droite au sens supérieur,
traditionnel, qui devraient contester le mythe bourgeois de la
culture et entretenir la défiance qu'on peut avoir pour les
intellectuels, sans avoir d'égards pour ceux qui jouissent d'un
prestige aux yeux du grand public et qui, d'autre part, sont très
habiles à copiner pour maintenir leurs positions dans la presse et
l'édition. »
Il
Conciliatore » (15 novembre 1971)
« Est
digne du nom d'homme – vir –
celui qui a en lui sa propre norme, qui se montre actif face à la
réalité, refuse d'en subir la violence, s'entend à la diriger ou,
quand cela devient impossible, à lui barrer la route.
«
Rassegna Italiana » (octobre 1939)
« Face
à la psychanalyse doit prévaloir l'idéal d'un Moi qui n'abdique
pas, qui entend rester conscient, autonome et souverain face à la
part nocturne et souterraine de l'âme et au démon de la sexualité
; un moi qui ne se sente ni refoulé, ni psychotiquement divisé,
mais réalise un équilibre de toutes les facultés humaines
ordonnées par une signification du vivre et de l'agir. «
Orientations
(1950)
« Il
n'y a pas de croissance économique ou de prospérité à la
séduction de laquelle on doive céder quand le prix à payer serait
une limitation essentielle de la liberté et de l'espace nécessaire
pour que chacun puisse réaliser ce qui lui est accessible au-delà
de la sphère conditionnée de la matière et des besoins de la vie
ordinaire. »
Les
Hommes au milieu des ruines (1953)
« S'il
devait être question d'une réaction de fond contre le système, ce
qui revient à dire contre les structures de la société et du monde
moderne en général, selon moi, il y a peu de perspectives [...] Il
ne s'agirait pas de contester ou de polémiquer mais de tout faire
sauter : ce qui, à ce jour, est évidemment de l'ordre de la
fantaisie ou de l'utopie, en laissant une bonne place à l'anarchisme
sporadique. La chose possible et importante est l'action de défense
intérieure individuelle, pour laquelle la formule adaptée est : «
Fais en sorte que ce sur quoi tu n'as pas prise, ne puisse avoir de
prise sur toi ».
Interview
à Gianfranco de Turris « Il Conciliatore » (15 janvier 1970)
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