Inclination
à faire le bien. Action de faire du bien à quelqu'un. La pratique
du bien. L'habitude de faire le bien. Vertu qui nous porte à venir
en aide à notre prochain. L'homme bienfaisant est celui qui, par ses
conseils, ses encouragement, son soutien ou son argent, se porte au
secours de ses semblables. Le mot bienfaisance se confond
généralement avec les mots Charité et Philanthropie.
Les oeuvres dites de bienfaisance ont, en effet, la même origine,
les mêmes caractères et le même but que les oeuvres dites de
charité et de philanthropie. Ce que j'ai dit de l'Assistance (voir
ce mot) pourrait être répété ici ; car, tout comme l'Assistance,
la Charité et la Philanthropie, la Bienfaisance, dans notre milieu
social où la misère abonde, n'est, le plus souvent, qu'un cynique
calcul ou une abominable hypocrisie : calcul, de la part de ceux qui,
riches à millions, donnent ostensiblement quelques centaines de
mille francs pour garder leurs richesses et apaiser les justes
colères que peut faire gronder chez les pauvres l'insolent étalage
de leur luxe ; calcul, de la part de ceux qui, propriétaires
endurcis, patrons sans entrailles, financiers et commerçants sans
scrupules, achètent à bon marché, pour quelques aumônes
bruyamment distribuées, une réputation imméritée de générosité
et s'entourent de l'auréole de la bonté ; calcul, chez ceux qui, au
cours des rigoureux hivers, sortent de leurs appartements bien
chauds, s'emmitouflent de fourrures et, dans des autos
confortablement capitonnées et douillettement chauffées, gagnent un
lieu de plaisir où ils s'amusent, jouent, flirtent, dansent et
soupent jusqu'au matin, donnant à leur amour du jeu, du jazz-band,
de la galanterie et de la bonne chère, une apparence de
commisération pour les infortunés qui ne savent où reposer leur
tête et à qui ils se garderaient bien d'offrir un refuge ; calcul
encore, chez ceux qui, croyants ou incroyants, réactionnaires ou
démocrates, font de la bienfaisance un des instruments les meilleurs
et un des plus fermes soutiens de leur influence politique et morale
; calcul, enfin, chez ceux qui, sous le couvert d'une foule d’œuvres
de bienfaisance et de secours, recueillent des êtres sans asile,
sans travail, sans pitance, leur fournissent du pain et un gîte en
échange d'un travail souvent excessif et, sous le masque d'une
honorable philanthropie, réalisent ainsi des bénéfices sur le dos,
déjà voûté par le malheur, des meurtris de l'existence. La
véritable bienfaisance fuit ces hypocrisies et ces calculs. Elle
n'use pas de ces pratiques ; elle a mille moyens de s'exercer
utilement, de façon discrète et désintéressée. Sans qu'il lui
soit nécessaire de les chercher, l'être bienfaisant trouve mille et
mille occasions de secourir, de seconder ses semblables. Une bonne
parole, un geste affectueux, un sage conseil, un encouragement
opportun, sont parfois plus secourables et plus efficaces qu'une
aumône ; et lorsque cet encouragement, ce conseil, ce geste, cette
parole accompagnent le secours en argent, ils donnent à celui-ci un
prix inestimable. C'est sous ces formes multiples, que le cœur
suggère et multiplie, que se manifestera, dans une société
libertaire, la propension à faire le bien, c'est-à-dire à se
porter au secours des faibles, des malades, des éprouvés, afin de
leur prodiguer l'appui, les soins et les consolations dont ils auront
besoin. Il est vrai que bienfaisance, charité, aumône,
philanthropie seront, alors, des expressions ayant une toute autre
signification et que tous les sentiments et gestes qu'inspirent
aujourd'hui le dénuement matériel et la détresse morale de nos
semblables ne trouveront à s'appliquer qu'aux vicissitudes et
adversités inhérentes à la nature. Les formes actuelles de la
bienfaisance auront disparu ; elles seront remplacées par celles,
autrement nobles, de la solidarité.
SÉBASTIEN
FAURE.
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