Les
sciences sociologiques (Voir : Sociologie) en général
et, partant, les conceptions
sociales,
se trouvant encore dans un état assez primitif, ― les deux
principales d'entre ces conceptions : le marxisme et
l'anarchisme, ne pourraient être considérées à l'heure
actuelle autrement que comme hypothèses, c'est-à-dire des
thèses qui ne sont pas encore scientifiquement et définitivement
établies. Le marxisme, se basant sur l'économie et se
prétendant, de ce fait, scientifiquement satisfait (il s'appelle
même : socialisme « scientifique »), ne prête pas suffisamment
attention aux faits ni aux sciences biologiques. C'est son grand
tort. C'est sa plus grande faiblesse. L'anarchisme, lui,
est-il conscient de l'importance fondamentale des phénomènes
biologiques pour le grand problème social ? En tient-il compte ?
Peut-être, pas suffisamment encore. Mais ce qui importe et ce
qui est certain, c'est que l'anarchisme perçoit bien la voie
de recherches juste, l'indique, l'ouvre, l'a même en
partie atteinte. L'un des plus grands services que Kropotkine ait
rendus à la science et au mouvement
social,
est peut-être précisément d'avoir maintes fois constaté et
souligné l'importance, la nécessité même, de la méthode des
sciences naturelles pour les sciences sociales (contrairement
à la méthode dialectique du marxisme), d'avoir désigné la
biologie comme base naturelle et féconde des recherches et des
conceptions sociales, d'avoir même conçu et exposé une
étude très intéressante destinée à faire reposer la conception
anarchiste sur une certaine base biologique (dans son oeuvre : «
L'entraide comme facteur de l'évolution »). Il n'a pas eu le temps
ou, peut-être, le désir de continuer et d'approfondir ses études
dans ce domaine. Mais il a indiqué la route exacte. D'autres
théoriciens et écrivains anarchistes ont également manifesté un
vif intérêt pour les faits biologiques, ont tenu compte de
l'importance de la biologie pour les études sociales. Plus cette
tendance s'accentuera, plus l'anarchisme s'engagera dans cette voie
et y continuera ses principales recherches, ― plus il deviendra une
conception vraiment scientifique, plus il approchera de la vraie
solution du problème social. Établissant ses bases dans le domaine
de la biologie, il les établira d'une façon incomparablement plus
profonde et plus solide que le marxisme avec son économisme et sa
dialectique. Mais aujourd'hui déjà, l'anarchisme ayant adopté
l'Idée de la prépondérance des méthodes et des faits biologiques
et son hypothèse cherchant de plus en plus à s'y appuyer, cette
hypothèse est beaucoup plus scientifique et, par conséquent, plus
près de la vérité que le marxisme. C'est donc, devant
l'anarchisme que la grande voie des recherches et des efforts
effectivement féconds, la voie de la vérité est ouverte. C'est
l'anarchisme qui cherche juste. Peut-on espérer qu'une hypothèse
vraisemblable : l'anarchisme devienne à bref échéance une vérité
éclatante ?
Peut-être
pas de sitôt. Quel est, en effet, le problème biologique essentiel
dont la solution pourrait confirmer scientifiquement et
définitivement l'anarchisme ? C'est le problème même de
l'évolution, et de la vie comme de l'une de ses manifestations
principales : de leurs facteurs primordiaux, de leurs forces
mouvantes, de leur essence. La biologie, est-elle actuellement ― ou
sera-t-elle bientôt ― en mesure de résoudre ce problème ? Elle
ne l'est pas encore et il est fort douteux qu'elle le soit d'ici au
lendemain. Comme science, la biologie est encore très jeune. C'est
un domaine tout à explorer. Il faut, donc, certainement pas mal de
temps pour que nous y arrivions à des résultats de cette
importance.
Le
problème de l'origine, de l'essence et des forces mouvantes de la
vie et de l'évolution, reste encore grand ouvert. Il attend toujours
sa solution. Or, je suis d'avis qu'avant que ce mystère de la nature
― celui de l'évolution générale ― ne soit dévoilé,
toutes nos théories de l'évolution sociale et de ses facteurs,
toutes nos conceptions sociales, y compris l'anarchisme, resteront
des hypothèses.
L'anarchisme
reste encore une hypothèse car la biologie, et quelques autres
sciences aussi, ne sont pas encore suffisamment avancées. Mais cette
hypothèse a de l'avenir devant soi. Elle a des chances considérables
de devenir vérité, car elle est vivante, sensible, imbue
d'esprit chercheur et créateur surtout, et, qu'elle a heureusement
la tendance de puiser de plus en plus dans la biologie, grande
source véritablement scientifique et féconde des recherches
modernes, seule en mesure de nous amener à la solution vraiment
scientifique du problème social.
VOLINE.
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