Comme
toutes les autres sciences, et encore davantage qu'elles, la biologie
n'a commencé à faire de réels progrès que depuis le moment où,
devenue anarchiste, elle ne reconnut plus ni Dieu, ni maître, ni
prêtres, ni philosophes.
L'explication
théologique de la vie, présentée comme une émanation immatérielle
de la puissance divine, suffit longtemps aux esprits paresseux
asservis aux disciplines ecclésiastiques et fut imposée aux
penseurs libres par la force coercitive de l'Église, appuyée sur
les deux institutions types d'autorité ; l'Inquisition et l'État.
Elle satisfaisait les premiers en les dispensant de recherches
difficiles et dangereuses ; elle bâillonnait les seconds en les
réduisant à des cogitations secrètes et à un enseignement
ésotérique. Chaque tentative d'un exposé rationnel des choses se
heurta à une répression, de cruauté décroissante avec les âges,
mais toujours immuable dans ses desseins de refoulement mental ; la
cigüe de Socrate, le bûcher de Giordano Bruno, l'abjuration
solennelle de Galilée, la rétractation de Buffon. Et c'est
pourquoi, pendant des milliers d'années, la vérité échappa à la
majorité des hommes, malgré le nombre et la vivacité
d'intelligences au moins égales à celles des temps contemporains.
Elle se révéla et triompha lorsque, sous l'action de la vie
elle-même se développant d'une façon tacite et imperceptible le
long des siècles, elle s'épanouit enfin brusquement et, en une
splendide révolution intellectuelle, renversa les idoles et ruina
les temples. Prêtres laïques, les philosophes voulurent voir dans
la vie autre chose qu'elle-même. Ils insufflèrent des abstractions
dans lesquelles ils cachèrent du vide. Pour les vitalistes, les
êtres et le monde en général étaient soumis à l'action d'une ou
de plusieurs « forces vitales », indépendantes de l'âme, principe
distinct immatériel, et des phénomènes mécaniques, chimiques,
physiques de la matière. Cette force vitale, on ne la saisissait
pas, ne la mesurait pas, ne l'expérimentait pas, ne
cherchait
pas à la modifier, on l'affirmait et y ajoutait foi. ― Les
animistes identifiaient cette force vitale avec l'âme, manifestation
purement spirituelle, jouant dans les organismes terrestres et le
cosmos, mais sans s'y confondre, un rôle d'impulsion, de
développement, de direction vers un but défini selon un plan
harmonieux et préétabli. Tout cela n'était que répétition,
piétinement. Chassé par la grande porte, Dieu tentait de rentrer
dans le temple par les vitraux percés. Les hommes de science s'y
opposèrent. La doctrine scolastique et autoritaire veut justifier la
vie par un créateur, hypothèse gratuite et stérile, ou par des
idéologies verbales et sans contenu réel ; elle prétend ainsi
expliquer le connu par l'inconnu. Rompant avec cette méthode
surannée, cessant de méditer et de rêver, le savant moderne ouvre
les yeux, contemple les manifestations présentes de la vie ;
observe, expérimente, suppose, vérifie, conclut s'il le peut, doute
toujours, forge des hypothèses qu'il retrempe constamment par les
épreuves de l'expérimentation. Il tente d'aller du connu à
l'inconnu, d'arriver à celui-ci par des approximations successives
de plus en plus précises ; il tend à la vérité sans jamais se
vanter de l'atteindre. De ces études, de ces expériences, de ces
conjectures, de ces vérifications sortit la conviction que la vie
est un ensemble d'actions et de réactions physicochimiques d'une
extrême complexité, d'origine primordiale inconnue et peut-être
inconnaissable, de devenir ultime incertain, mais d'un déterminisme
actuel rigoureux.
En
effet la chimie, dont l'essor date de la fin de ce prestigieux XVIIIe
siècle, appliqua sa méthode d'analyse à toutes les substances,
tant minérales qu'organiques, rencontrées dans la nature et y
découvrit une composition élémentaire absolument identique ; les
êtres vivants, animaux et végétaux, comme les corps bruts
renferment toujours du carbone et de l'hydrogène, très souvent de
l'oxygène et de l'azote, en combinaisons diverses ; puis du
phosphore, soufre, manganèse, fer, calcium, potassium, sodium,
chlore, iode, arsenic, etc. Le fait devint indéniable, corroboré
par des réactions connues, indéfiniment renouvelables par tous les
chercheurs se plaçant dans les mêmes conditions de manipulation.
Bien plus, l'étude comparée du spectre solaire et du spectre des
divers métaux a prouvé d'une manière péremptoire l'existence,
dans le soleil et dans les planètes, de ces mêmes corps simples
isolés dans les substances terrestres. Magnifique témoignage de
l'unité et de là continuité de la vie dans l'immense univers dont
notre globe n'est qu'une parcelle infime !
L'homme
ne se contenta pas de cette dislocation de la matière organique ou
de ses composants simples. Il reprit les produits de cette analyse et
par des artifices divers en réussit la synthèse, parvint à créer
de toutes pièces les substances bien définies normalement élaborées
par les actions vitales. Ainsi furent successivement réalisées la
synthèse de l'urée par Wobler, celle de l'acétylène par
Berthelot. Cette dernière engendra de nombreuses et très
importantes conséquences théoriques et pratiques. En partant de
l'acétylène, on arriva à former de la benzine ; des alcools, des
éthers, des aldéhydes ; des corps ternaires (hydrogène, oxygène,
carbone) ; des corps quaternaires (hydrogène, oxygène, carbone,
azote) très voisins de l'albumine dont est principalement composée
la matière vivante.
La
physicochimie découvrit que les corps en apparence homogènes, se
décomposent en particules très petites, spécifiquement
différenciées pour chacun d'eux, ayant leurs caractères propres,
pouvant entrer en combinaison plus ou moins stable avec les autres
espèces chimiques, mais reprenant leur état originel lors de la
séparation des constituants du complexe. Ces particules portent le
nom de molécules, visibles au microscope mais invisibles à l'oeil
nu. Leur existence se présume aussi par les phénomènes de
dissolution du sucre dans de l'eau, par exemple : le liquide formé
est une substance nouvelle où l'on ne distingue plus nettement ni le
sucre ni l'eau, mais où les deux éléments se trouvent mêlés,
juxtaposés mais présents et identiques à eux-mêmes puisque
l'évaporation permet de les isoler et de les restituer en leur
nature antérieure : ce qui persiste immuable dans la solution sucrée
et dans le sucre recristallisé, ce sont, sous des structures
dissemblables, des molécules de sucre et d'eau, dont seul le mode
d'agrégation diffère pour donner tantôt un solide, tantôt un
liquide. Un mouvement incessant agite ces molécules, comme le prouve
la diffusion spontanée et réciproque d'un liquide plus léger dans
un liquide plus dense, par exemple celle de l'alcool surnageant
d'abord l'eau d'un vase, puis se mélangeant peu à peu à elle
jusqu'à dissolution parfaite sous l'influence évidente d'un actif
déplacement moléculaire. Il n'y a donc pas pour les particules
élémentaires d'état d'équilibre stable. D'ailleurs, « comme
l'homogénéité, l'équilibre n'est qu'une apparence qui disparaît
si l'on change le grossissement sous lequel on observe la matière.
Plus exactement cet équilibre correspond à un certain régime
permanent d'agitation désordonnée. À l'échelle ordinaire de nos
observations, nous ne devinons pas l'agitation intérieure des
fluides, parce que chaque petit élément de volume gagne à chaque
instant autant de molécules qu'il en perd, et conserve le même état
moyen de mouvement désordonné. (J. Perrin, « les Atomes », page
8.) Ces molécules mobiles ne constituent pas le dernier terme de
l'analyse physicochimique. On y a décelé un ou plusieurs éléments
appartenant chacun à une sorte déterminée, de fonction
irréductible, appelés « atomes », doués d'un mouvement de
gravitation extrêmement rapide. Ces atomes présentent une masse
centrale, véritable « électron positif » autour duquel
tourbillonnent un certain nombre d' « électrons négatifs ». «
Ces électrons ne sont pas matériels, au sens ordinaire du mot : la
matière n'est que l'apparence que prend pour nos sens l'énergie
qu'ils représentent, énergie colossale dont la valeur a pu être
calculée : elle se chiffre, pour un seul gramme, par des millions de
kilogrammètres. Les vitesses de rotation des électrons négatifs
sont, elles aussi, prodigieuses et, fait singulier, elles sont de
même grandeur que les fréquences vibratoires de la lumière, soit
des centaines de trillions par seconde. (J. Anglas, « Depuis Darwin
»). » Ce qui revient à dire que les corps électrisés, électrons
positifs et négatifs, constituent des centres réciproques
d'attraction ou de répulsion, susceptibles de déterminer du
mouvement par l'action du mouvement dont ils sont eux-mêmes animés.
(Edmond Perrier.) Sous des influences diverses, les atomes subissent
des changements dans leur architecture, dont la dislocation engendre
des groupements particuliers d'électrons tous de même charge
électrique, positive ou négative ; cette métamorphose dans l'état
électronique des atomes s'appelle « ionisation » ; et un « ion »
se définit comme une partie d'atome isolée de son groupement
originel, ou comme une réunion de parties d'atome séparées de leur
centre primitif. À l'inverse des atomes composés à la fois
d'électrons de charge positive et négative, les ions ne renferment
que des électrons de même signe négatif ou positif ; ils sont
mutuellement et temporairement indépendants et prêts à de
nouvelles combinaisons atomiques. La Libération des ions et leur
regroupement constituent les phénomènes primordiaux de la chimie
organique et biologique. Les substances naturelles se présentent
sous deux états distincts : cristalloïde et colloïde. Les
cristalloïdes, comme le sel, se dissolvent dans l'eau par une sorte
d'explosion de leurs molécules qui se séparent violemment en
exerçant une forte pression sur les parois membraneuses, qu'elles
traversent facilement (phénomène de l'osmose). ― Les colloïdes,
tels que la gélatine, absorbent de l'eau, fondent mais sans
dispersion de leurs molécules qui, au contraire, restent agglomérées
et ne pénètrent pas les membranes. Ils se composent de particules
microscopiques mouvantes appelées « micelles », Plus volumineuses
que les molécules des cristalloïdes, les micelles ont une
organisation plus complexe, semblable à celle des atomes matsa une
échelle plus grande : masse centrale électronique, autour de
laquelle gravitent des ions libres de signe électrique contraire et
en état permanent d'équilibre instable. La micelle perd des ions,
en acquiert d'autres en incessante agitation. Quand, sous une
influence quelconque, elle perd sa charge électrique, elle se
coagule (phénomène de la floculation). L'état colloïdal s'obtient
expérimentalement par divers procédés chimiques ou physiques. «
Ainsi un arc électrique puissant, qui jaillit dans l'eau entre deux
électrodes de platine, produit une pulvérisation tellement ténue
du métal, que celui-ci prend l'état colloïdal, véritable
suspension micellaire. Par ce moyen et par d'autres, beaucoup de
corps simples, métaux ou métalloïdes, ont été obtenus sous forme
colloïdale : or, argent, soufre, mercure, etc. (J. Anglas, loco
citato, p. 78.) », Ces métaux colloïdaux possèdent le pouvoir de
« catalyse », c'est-à dire de déterminer par leur présence des
combinaisons chimiques, de véritables synthèses organiques. L'étude
de la matière vivante a montré en elle un véritable colloïde très
instable, à micelles électroniques de charge variable, en état
successif mais constant soit de dispersion soit de floculation.
Quelques micelles très ténues, appelées « diastases », jouent le
rôle des métaux catalyseurs et provoquent des synthèses, obtenues
d'ailleurs indifféremment par l'action des diastases ou des
catalyseurs : soufre, phosphore, manganèse, zinc, calcium, contenus
dans les albuminoïdes. Les produits de ces synthèses constituent
les « sécrétions » que la cellule, ou colloïde organique,
déverse dans les glandes, dans la circulation générale ou à
l'extérieur. Qu'elle appartienne à un colloïde organique ou à la
matière vivante, une micelle subit des modifications incessantes ; «
par ses échanges continuels d'ions et de charges électriques avec
le milieu, elle n'est identique à aucune autre, ni à elle exister
malgré ces modifications. Mais cette expérience ne se maintient que
dans une certaine zone d'équilibre qui ne doit pas être dépassée
sous peine de dislocation totale et de mort. Le passage d'un état
d'équilibre à un autre correspond à ce que l'on nomme, pour
l'ensemble d'un être vivant, l'adaptation, la variation ou la
mutation. On a même constaté chez les micelles une véritable
accoutumance ; elles peuvent supporter peu à peu des doses
croissantes d'un électrolyte qui, de prime abord, les auraient
démolies brutalement. (J. Anglas). »
À
ce moment de la science biologique, et malgré que celle-ci en soit
seulement à ses premières acquisitions définitives, il demeure
établi que la vie est un ensemble d'actions et de réactions
physicochimiques dont le mouvement constitue le processus initial.
Dans les minéraux, les végétaux, les animaux, l'analyse découvre
les mêmes corps simples, de structure moléculaire et atomique
identique, mus par de semblables manifestations électroniques,
subissant d'analogues excitations catalytiques et diastasiques pour
se transformer ou produire des substances nouvelles. Mais combien
innombrables, variées, complexes, les formes des choses et des êtres
issus des modes
multiples
d'agrégation de ces molécules primitives ! Et l'ingéniosité des
hommes parvint à recréer de toutes pièces quelques-unes de ces
formes, à dissocier puis à regrouper les éléments primordiaux en
de remarquables synthèses.
Nul,
objecte-t-on, ne réussit à fabriquer dans son laboratoire la
moindre parcelle végétale ou animale vivante capable d'assimilation
et de reproduction. Il est vrai, pas encore. Mais qui oserait en
décréter l'Impossibilité, alors que le génie humain, jusqu'ici
stupéfié par les dogmes religieux, commence à peine ses libres
investigations ? Il y a quelques années, le phénomène de
l'assimilation chlorophyllienne apparaissait mystérieux,
quasi-miraculeux. Sous les radiations solaires, la plante aspirait
dans le sol de l'eau chargée de sels minéraux, captait par ses
feuilles l'acide carbonique de l'air, exhalait de l'oxygène, et, au
niveau de ces mêmes feuilles, réalisait le prodige de la création
de matières organiques, d'hydrates de carbone, fabriquait du sucre
et de l'amidon. Elle absorbait de l'énergie cosmique, c'est-à-dire
du mouvement, prenait des ions, en libérait d'autres, transformait
les charges électroniques et engendrait un nouvel équilibre
moléculaire. La plante créait ainsi une forme supérieure ou plus
développée de vie minérale, la vie végétale, dont va s'emparer
et se nourrir un autre assemblage moléculaire encore plus élevé et
plus complexe : l'animal ; l'homme, élabore à son tour et à son
choix les deux autres états, brut et organique, de la matière.
Pourquoi ce primate intelligent n'arriverait-il pas à reproduire le
troisième, qui est le sien propre ? Ainsi donc, de nos jours, sous
nos yeux, nous voyons se former, se développer, se transformer, puis
disparaître des groupements moléculaires minéraux, végétaux et
animaux, les uns très simples, infiniment petits, composés d'un
seul cristal ou d'une seule cellule, les autres immenses et
merveilleusement compliqués. Nous assistons au passage successif du
même atome de l'état cristalloïde dans la terre à l'état
colloïdal dans les plantes et les bêtes. Dès lors la logique
scientifique impose de confronter aujourd'hui avec autrefois ;
d'aller du connu à l'inconnu ; de rechercher l'origine de la vie
ailleurs que dans une thaumaturgie puérile ou une introspection
illusoire, stérile, et de l'étudier dans ses manifestations
actuelles pleines d'enseignement. Il y a des millions d'années,
comme aujourd'hui, les substances minérales en solution aqueuse à
la surface de la terre subirent l'action des forces électrogènes et
électrolytiques de l'ambiance et se transformèrent en matière
organique par un mécanisme analogue à celui qui réalise la
synthèse du sucre et de l'amidon dans la plante, la synthèse de
l'acide azotique et du chlorure de calcium dans les laboratoires et
les usines. Les colloïdes ainsi constitués continuent à recevoir
l'appoint des particules métalliques (attraction, absorption), qui
par leur action de présence (catalyse) renforcent les réactions
internes ; celles-ci atteignent alors une intensité telle qu'elle
exige une décharge partielle (répulsion, sécrétion) et la
libération d'un fragment élémentaire (reproduction) devenant un
centre nouveau d'agitation moléculaire. Les colloïdes sont devenus
des cellules, ne cessent pas d'éprouver des impulsions indéfinies
de la part des catalyseurs et des diastases, s'agrègent en des
organismes de plus en plus complexes, dont le mouvement, processus
interne et général, devient une fonction différenciée et
extrinsèque. La vie intégrale et riche se manifeste, issue du
minéral pour se parfaire en l'homme. Mais vit-on jamais sortir du
cabinet du plus grand savant le moindre petit homme, ni même la plus
infime cellule ? Non, sans doute, « mais on se rend compte que les
conditions naturelles où la vie s'est élaborée sont probablement
impossibles à réaliser au laboratoire ; car le laboratoire de la
nature fut la planète elle-même avec toutes ses circonstances de
temps, de masse, d'actions multiples dont nous ne sommes pas les
maîtres. En tous cas si l'on arrivait à fabriquer un protoplasma
indéniablement vivant, il différerait forcément de tous ceux qui
existent : il ne serait ni celui d'une algue, ni d'une bactérie, ni
d'un protozoaire déjà connu. Donnerait-il, en évoluant, naissance
à des êtres vivants plus complexes, ceux-ci constitueraient à coup
sûr un nouveau groupe, un nouveau sous-règne bien distinct des
végétaux ou des animaux de notre globe, qui ont leur histoire
ancestrale particulière. (J. Anglas, loc. citato, p. 69). » Ces
forces, créatrices de la vie, d'où viennent-elles, que
représentent-elles ? Elles ne viennent pas, elles sont, et ne
représentent qu'elles-mêmes. Dans tout l'univers accessible à
l'investigation, on les retrouve identiques et immuables. Ainsi, la
fréquence de rotation des électrons atomiques est du même ordre de
grandeur que celle des vibrations de l'éther. D'autre part, « les
phénomènes qui se produisent dans les tubes de Crookes d'où
s'échappent les rayons X, démontrent jusqu'à l'évidence que les
atomes matériels ne sont pas quelque chose de simple. Parmi les
hypothèses qui ont été présentées sur leur constitution, on peut
accepter qu'ils sont formés de petites
masses
matérielles infimes, chargées d'électricité positive, autour
desquelles tournent, comme des satellites autour d'une planète, un
très grand nombre de corpuscules énormément plus petits, dont les
masses sont de mille à deux mille fois plus faibles que celle de
l'atome d'hydrogène, qui est la plus petite quantité de matière
connue (Edmond Perrier). » Enfin l'éther, dans lequel baignent les
planètes, est formé de ces mêmes particules infinitésimales
constitutives de l'atome matériel. Et en dernière analyse et
première synthèse, la vie s'avère une manifestation hautement
différenciée du mouvement qui anime le cosmos. Des esprits, plus
systématiques que vraiment curieux, demandent : qui ou qu'est-ce qui
déclencha le mouvement initial promoteur de la gravitation
universelle ? Quand on leur répond : nous ne savons, ils déclarent
insatisfait le principe de causalité, pas d'effet sans cause, se
disent affamés de logique pure et affirment Dieu ! Dès lors,
puisque rien n'est à soi-même sa propre cause, qui ou qu'est-ce qui
créa Dieu ? Ignorant le commencement, connaissons-nous la fin ? Où
va ce monde incommensurable, constellé d'astres lumineux, parcouru
par un soleil flamboyant contre lequel se blottit une terre frileuse
et frémissante ? Mais va-t-il quelque part ? Ne lui suffit-il pas
d'exister beau, puissant, formidable, énigmatique ? Causalité et
finalité ne sont-ils pas les reliquats de l'infirmité mentale où
l'ignorance condamnait les ancêtres ? La science n'explique pas ;
elle travaille, observe, enregistre, expérimente, réfléchit,
modifie et augmente. Elle étudie et provoque des actions, prévoit
et influence des réactions, suit des enchaînements, établit le
déterminisme des choses, en renouvelle souvent la formation dans des
conditions et en un temps donnés. La science, manifestation de
mouvement, est de la vie. Après avoir agi, chacun peut rêver devant
l'infini, le peupler des créations de son imagination, y voir des
fantasmagories célestes ou infernales. ― En anarchie, comme dans
la vie, tout songe est mensonge.
Dr
ELOSU.
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