dimanche 10 septembre 2023

"Ce que Guyotat n’aurait peut-être jamais pu imaginer" Tiré de "Je n'écris que ce que lecture dicte" Par M.A.

Guyotat a écrit "Tombeaux pour cinq cent mille soldats" 

Lorsqu’il y a un mort dans les environs directs des personnes, la compassion semble être la règle. La politesse a réglé ces cérémonies et nul ne pense à y contrevenir.

Hugo est là devant le cadavre de son père mais il ne ressent rien. Seuls les autres, ceux qui n’ont jamais vécu avec lui qui ne connaissent pas ce qu’il pensait ce qu’il disait sont tristes pleurent geignent. C’est inconvenant.

Hugo est là devant le cadavre de son père. Il est venu sur demande

« Viens vite ton père va mourir ».

Qui a dit ça ?

Pas sa femme. Surement pas sa femme. Celle-ci d’ailleurs devait être en train de baiser avec un de ses amants au moment où il eut son attaque. Sans doute aurait-elle pu le sauver en appelant les secours si elle avait été là comme elle aurait dû. Mais, au moment de partir du boulot, un de ses collègues lui a glissé la mais sur la chatte et lui a titillé le clitoris. Surprise mais toujours ouverte elle n’a pas eu envie de résister. Ils se sont écartés dans un bureau fermé et ils ont baisé sur une table. Elle a avalé et lorsqu’elle est rentrée en s’essuyant une dernière fois la bouche elle a buté sur le corps de son mari juste derrière la porte.

« Merde ».

« Merde » a-t-elle dit pas parce qu’elle a trouvé celui qu’elle a aimé mort non juste parce qu’elle avait failli se casser la gueule sur le corps qui encombrait l’entrée.

« Faites attention, ne tombez pas comme j’ai failli le faire en entrant avait-elle dit aux secours à leur arrivée.

« C’est pas une idée de mourir derrière la porte au risque de ne pas pouvoir l’ouvrir pour le sauver ».

Et elle a continué.

« Bon là il n’y avait rien à sauver ça doit faire longtemps qu’il doit être mort ».

 

Hugo est devant le corps de son père alors qu’il préférerait être ailleurs.

 

D’ailleurs il ne va pas tarder à partir. Sa mère n’est pas là et son frère est injoignable parce qu’il cherche des chaussettes. Il cherche des chaussettes cela a été sa réponse lorsqu’on lui a dit « ton père est à l’hôpital, il va mourir, viens vite ».

-Oui d’accord mais attends je vais me chercher des chaussettes et je te rejoins ».

 

La mort rejetée loin derrière une paire de chaussettes. Tu te dis « mais alors tu as aimé ton fils pour qu’il fuit ta mort pour une paire de chaussettes. Je m’en fous moi qu’il soit les pieds nus lorsqu’il vient me dire adieu. »

 

« Merde » a dit sa femme lorsqu’elle a buté sur le corps déjà froid du mari.

 

Mais lui aussi au moment de mourir il a dit « merde ». Il a dit « merde ». Mais pas merde à la mort, non, celle-ci il en avait fait sa compagne depuis des semaines. A chaque jour, la survie se faisait au détriment du confort de moments de plus en plus rares de repos. Non, il a dit merde au moment de partir parce que celui qui était présent n’était la chair de sa chair le produit de ses couilles. Celui sur qui il avait misé sa suite sa descendance.

« Merde »  Merde à la vie merde à ce fils merde à toutes les chaussettes de la création. Et merde il vaut mieux partir que vivre encore des heures pour des gens qui ne viendront pas des personnes qui sont plus froides que tous les inconnus de la création. Vaut mieux crever parce que vivre c’est savoir que l’amour n’est que de la merde. La famille est une escroquerie. Un fascisme disent même certains.

Hugo quitte la chambre.

Il n’y a pas de musique triste.

Il n’y a pas de bras qui se tendent. Hugo est seul dans le couloir.

Son père est seul dans la chambre sur le lit.

 

On saute quelques jours qui n’ont aucun intérêt. Aucune douleur de part et d’autres.

Hugo est dans l’église et il entend ce que le curé dit. Il entend les textes choisis et il se dit que rien qui n’est dit ne parle de cet homme mort qui est devant le curé au milieu du chemin de l’église.

Le cercueil est au milieu de l’église. Les gens le regardent et pleurent mouchent chuchotent se tordent les mains. Encore combien de temps va durer la cérémonie ?

Hugo est là. Son père est-il encore là lui qui croyait quand ça l’arrangeait. Son Dieu peut-il se satisfaire d’une croyance circonstanciée à un instant à une maladie ou à une mort qui arrive ? C’est donc un Dieu pour les peureux qui préfèrent croire en l’improbable plutôt que de penser que la mort c’est le rien qui devient réel.

Hugo est devant le cercueil à l’instant de la mort devenue réalité d’un corps que l’on ne voit plus pour une âme soi-disant partie dans l’au-delà.

Qu’y puis-je ?

Et le curé qui parle devant moi que me dit-il que je ne veuille même pas savoir connaitre je ne veux rien espérer qui me soulage un tant soit peu de ce que je vais vivre lorsque ma réalité viendra mettre un terme à ce que j’ai conquis tout au long de ma vie.

Sans plus attendre, il y a le cercueil qui descend et ce bruit qui nous signale que le chemin de retour est impossible, la terre se resserre sur le cercueil sur le cercueil qui couine qui couine le cercueil qui descend qui descend le trou n’a pas de fin la mort sera toujours sans fin je regarde je regarde et peu à peu il sombre il tombe il glisse avec force inexorablement et moi je sais pour le vivre moi-même quand le cercueil de ma pensée tombe en moi. En moi. En moi sombre le cercueil et je ne peux rien faire. Cet instant cet instant qui ne nous appartient pas à jamais seul nous sommes toujours seuls face à trou face à ce trou on est seul. Malgré le monde alentour nous sommes seuls. La mort est ce moment qui nous fait sentir que jamais nous ne sommes accompagnés la mort la mort est la seule amie fidèle. La seule.

Devant le trou que l’on referme, ce trou qui ne se ferme jamais assez pour ne pas hanter les esprits de ceux qui sont encore en vie. Ma mère me maudit à jamais moi et ma famille devant le trou elle m’a maudit elle m’a maudit elle m’a maudit et le trou ne s’est pas rouvert donc je suis seul avec cet héritage. Je suis maudit par ma mère devant la tombe fraichement retourné de mon père et je la regarde cette femme qui s’éloigne du chemin elle va bientôt disparaitre jamais elle ne pourra mourir assez pour payer la facture de tout ce qu’elle a fait elle ne mourra jamais assez pour que j’oublie le mal souhaité voulu fait.

Lorsque je rentre chez moi il y a le vide qui s’est installé je ne peux y faire face je ne peux on ne s’habitue pas au vide à la sensation du vide on tombe ou on fuit je le regarde et il m’attire il m’attire l’attraction dangereuse mortelle définitive.

Il fut un temps où il n’y aurait pas résisté.

 

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