jeudi 7 septembre 2023

Article de Georges Bataille tiré de "La chronique sociale" sur Pinard de la Boulaye:


"L'occasion de jeter les yeux sur de tels livres peut sembler rare, du moins au premier abord, mais l'indication "38 ° mille" sur le premier (d'autres du même auteur et de la même provenance mentionnés sur la couverture, atteignent 45.60 et jusqu'à 74 mille). renverse l'étonnement que l'on éprouve à parcourir ces pages d'une démence plate : elles engagent en effet une partie massive de nos contemporains.
Il est probable d'ailleurs, si l'on excepte un certain contingent professionnel de prêtres, que la majeure partie de cette clientèle est féminine: et, en effet, il semble que la mentalité de l'auteur, tant au point de vue intellectuel qu'au point de vue sentimental, est fixé au point ù son développement s'arrête chez le plupart des femmes (ou, pour être plus juste, des "dames"). Choisissons , à peu près au hasard, une phrase: elle ouvre, à notre avis, des abîmes :" sans doute, écrit le révérend père, seriez-vous tout disposés à croire que Jésus se fut décidé à se rendre présent sous les espèces du pain et du vin, ne serait-ce que pour la consolation de sa mère". Le Jésus-Dieu de l'éloquent jésuite , à la mesure de celui qui le conçoit, ne peut être défini que comme une dame, dépouillée si l'on veut de ses aspects ridicules les plus voyants, mais bornée dans sa conduite aus limites ordinaires des dames, à la fois doucereuses et chargées d'ennui , de la vieille bourgeoisie parisienne.
Comme pour la plupart des femmes pieuses, le cadre de la famille est pour lui de la plus grande importance: alors que l'Evangile l'a représenté méprisant non seulement la famille en général mais sa propre mère , on donne à ce personnage , qui sût être scandaleux, un aspect qui lui permettrait de passer inaperçu dans les salons de la bonne société moderne".

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