Le développement de la technique, la richesse sociale, la division du travail, ont tellement progressé, les classes possédantes et non possédantes se sont tellement éloignées les unes des autres, que la lutte de classe « s’est transformée en la forme la plus essentielle, la plus générale, la plus durable, de la lutte pour l’existence des individus dans 1a société ». Avec la concurrence croissante, notre sentiment social, notre sentiment vis-à-vis des membres de notre société, c’est-à-dire notre morale, a vu sa force diminuer. Avec la lutte de classe, notre sentiment social vis-à-vis des membres des autres classes, c’est-à-dire notre morale vis-à-vis d’eux a également diminué, mais elle est devenue d’autant plus forte vis-à-vis des membres de notre propre classe. En effet, la lutte de classe en est déjà arrivée à un point tel que, pour les membres des classes les plus importantes, le bien de leur classe est devenu identique au bien public, au bien de la société tout entière. Au nom du bien public, on ne soutient que les camarades de classe et on engage résolument la lutte contre les autres classes. Si donc la nature de la morale la plus élevée réside dans l’oubli de soi, le courage, la loyauté, la discipline, l’attachement à la vérité, le sens de l’équité et l’aspiration à respecter et à glorifier son prochain, l’effet de ces vertus ou instincts se transforme continuellement du fait de la propriété, la guerre, la concurrence et la lutte de classe.
Dans la concurrence, c’est une question vitale de conserver
le marché pour soi, d’étendre la clientèle. La stagnation y est déjà le début
du recul. Au fur et à mesure que la concurrence s’aiguisera, c’est-à-dire au
fur et à mesure que la technique et le marché mondial se développeront, ce
fabricant aura des sentiments moins sociaux, il pensera plus fortement à
l’autoconservation, c’est-à-dire au profit le plus grand possible. Car, plus la
concurrence est aiguë, et plus le danger du déclin est grand. Ce fabricant
peut-il suivre les commandements les plus élevés de la morale à l’égard de ses
ouvriers ? La question est risible. Même s’il est par nature un homme bon, même
s’il a un sentiment particulièrement fort à l’égard de ceux qui souffrent, il
sera quand même obligé de donner à ses ouvriers un salaire suffisamment bas pour
que son usine lui rapporte un grand profit. Pas de profit ou bien un petit
profit signifie la stagnation. L’entreprise doit être agrandie, de temps en
temps rénovée, sinon, en quelques années, elle prendra du retard par rapport
aux autres entreprises et, après dix ans, elle ne sera plus concurrentielle. I1
faut donc que l’exploitation ait lieu, et même les mesures les plus douces, les
plus favorables aux ouvriers, doivent encore être telles qu’elles ne portent
finalement pas atteinte au produit, au profit. C’est à dessein que nous
mentionnons un capitaliste qui ressent encore quelque chose pour son personnel
; la plupart ne sont pas ainsi ; chez la plupart, le sentiment social est
depuis longtemps déjà tué par le fait de faire du profit, et ceux qui prennent
les mesures les plus favorables, le font encore souvent par ruse, par un
intérêt personnel bien compris, pour enchaîner les ouvriers encore plus
solidement à l’usine et pour en faire des esclaves qui rapportent encore plus.
Prenons maintenant comme deuxième exemple un homme politique
auquel les classes capitalistes ont confié leurs intérêts dans un parlement.
Cet homme-là peut-il suivre la morale la plus élevée, supposée éternelle, à
l’égard de la classe laborieuse ? Non, même pas s’il le veut. En effet,
l’équité, c’est-à-dire l’aspiration à donner à chacun les mêmes droits, est un
commandement de la plus haute morale. Mais la classe capitaliste en tant que
telle périt si elle donne les mêmes droits aux ouvriers. Les mêmes droits, cela
signifie premièrement, les mêmes droits politiques, et deuxièmement, la
possession commune de la terre et des moyens de production. Tant que cela
n’existe pas, il n’y a pas de droit suprême, pas de justice suprême. Un
politicien bourgeois peut-il y parvenir ? Non, car ce serait le suicide de sa
classe. II doit s’y refuser. Et plus la lutte de classe devient ardente en
raison du développement de la technique, plus les travailleurs progressent en
nombre, en force et en organisation, plus la possibilité de leur prédominance devient
nette, et plus le politicien bourgeois doit se refuser de manière résolue à
faire quelque chose de significatif pour les ouvriers. Les politiciens
bourgeois doivent faire taire leur sentiment social pour les travailleurs et
n’écouter que la voix de l’autoconservation. Exactement comme pour le
capitaliste individuel, c’est pour la classe tout entière une question de vie
ou de mort. Mais dans la mesure où le sentiment social pour les travailleurs
disparaît, c’est un sentiment de solidarité avec les autres classes possédantes
qui naît chez ce politicien bourgeois – représentant d’une des classes
possédantes, comme nous le supposons –, tandis que la lutte et la concurrence
politique persistent sur d’autres points avec elles. Et cette haine de classe
comme cet amour de classe deviennent chez ce politicien plus forts au fur et à
mesure que le contraste entre les classes possédantes et non possédantes
devient plus rude, du fait de la technique. C’est ce qui explique que des
hommes politiques qui, avant qu’ils ne se soient retrouvés dans la pratique de
la politique – par exemple dans un parti d’opposition ou bien dans un jeune
parti bourgeois – étaient emplis d’un sentiment social pour les travailleurs,
le perdent dès qu’ils ont à mener la lutte pratique contre les travailleurs. La
pratique tue ce sentiment et fait renaître la solidarité de classe avec les
possédants.
Deux tendances d’esprit sont possibles pour le politicien
bourgeois ou le capitaliste, qui, du fait du développement de la technique et
du mode de production, en arrive à être en contradiction avec la classe
ouvrière. Ou bien il avoue qu’il ne peut pas suivre et qu’il ne suit pas les
commandements de la morale la plus haute à son égard. Il devient alors cynique,
il étouffe avec un « cela ne va pas » la voix qui lui dit ce qu’il reconnaît
lui-même comme « bien ». Ou bien il dit qu’il reconnaît et suit la morale la
plus haute. II devient alors un hypocrite dont les paroles et les actes sont en
contradiction aiguë entre eux, qui dissimule ses actes antisociaux derrière de
belles paroles sonores. Et l’hypocrisie devient particulièrement répugnante
quand, comme chez Kuyper, la religion et la dévotion s’y associent. Mais de
tels phénomènes ne sont pas des péchés personnels mais, comme nous le
démontrons, une conséquence nécessaire du développement des forces productives.
[(*) Deux tendances d’esprit sont possibles aussi bien chez
les capitalistes et leurs représentants politiques que chez les travailleurs et
leurs représentants. Ou bien le travailleur ne considère que la lutte
quotidienne. Son sentiment moral se limite alors à un cercle étroit, par
exemple à celui des collègues de sa profession. Ou bien il considère avant tout
le but final, le socialisme. Son sentiment moral s’étend alors à tout le prolétariat,
et il peut embrasser en outre toute l’humanité. Le cynisme ou l’hypocrisie sont
les deux phénomènes généraux nécessaires chez la classe dominante, l’étroitesse
peu exaltante et l’enthousiasme révolutionnaire chez la classe dominée. II y a
chez les deux naturellement de nombreuses nuances (NDA).]
Dans les mines prussiennes, on n’embauche pas de contrôleurs
ouvriers, car l’on craint qu’ensuite les grandes masses des mineurs deviennent
politiquement et économiquement trop puissantes. En 1903, on a laissé les
cheminots hollandais simplement mourir de faim, mais en 1871 les combattants de
la Commune ont été tués en masse parce que la bourgeoisie considérait que
c’était nécessaire pour son pouvoir de faire une grosse peur au prolétariat.
Inversement, l’ouvrier ne mentira pas à son patron et il ne le trompera pas
s’il le peut. En général, cela correspond à son intérêt de classe de ne pas le
duper. Mais là où l’intérêt de sa classe exige la violation du commandement
moral, il le violera. Mais c’est précisément sur ce point-ci que seront élevées
des objections par des sociaux-démocrates eux-mêmes, par des ouvriers en lutte.
Ils reconnaissent que les capitalistes violent sans cesse les commandements de
la morale dans la lutte de classe, qu’ils agissent de manière déloyale, fausse,
insincère, brutale, contre la classe opprimée afin de maintenir leur
oppression. Mais le socialisme signifie en effet justement une morale
supérieure ; les ouvriers en lutte n’ont pas besoin de ces moyens, et
lorsqu’ils les appliquent de manière exceptionnelle, nous devons le leur
reprocher.
« Plus le capitalisme devient vigoureux, notamment
depuis la découverte de l’Amérique et des Indes, plus rapidement et fortement
le commerce et l’industrie grandissent, la production pour son besoin propre
diminue dans le pays et augmente pour la vente, plus les produits deviennent
des marchandises et tous les hommes des producteurs de marchandises, plus la
lutte sociale de tous contre tous sous le capitalisme devient générale et difficile
du fait d’instruments et de moyens de communication sans cesse meilleurs, et
plus l’homme devient solitaire dans la vie économique et donc aussi dans son
esprit. Les hommes en viennent de plus en plus, avec le développement du
capitalisme moderne, à être sous la domination de leurs produits ; les produits
ont en quelque sorte un pouvoir humain sur eux ; ils sont eux-mêmes dominés
comme s’ils étaient des choses et tout reçoit une valeur d’échange abstraite en
plus de la valeur d’usage que les produits ont pour les hommes. »
«C’est pourquoi, la nature, la matière, sont passées de plus
en plus à l’arrière-plan dans la religion. Dieu est devenu de plus en plus un
esprit fantomatique, abstrait, loin de la réalité. Le vieux mépris chrétien
pour la « chair » n’y a pas peu contribué. Et la séparation entre le travail
intellectuel et le travail manuel, qui s’est approfondie au fur et à mesure du
développement de la technique et de l’extension de la division du travail, et
dans laquelle le travail intellectuel revenait aux classes possédantes et le
travail manuel au prolétariat, cette séparation donc était aussi la cause,
comme dans le monde grec, que la matière était complètement omise dans la
religion. C’est pour toutes ces raisons que le philosophe Kant a désigné
simplement toutes les choses temporelles et spatiales comme des phénomènes
auxquels il ne revenait pas d’existence réelle. Le philosophe Fichte
reconnaissait seulement un sujet spirituel ou le moi, le philosophe Hegel
voyait un esprit absolu qui établit le monde comme la manifestation de son soi,
lequel monde en arrive finalement â la conscience de soi et retourne dans
l’être spirituel absolu. »
«« Le prétendu caractère anti-religieux de la
social-démocratie fait partie des malentendus les plus tenaces qui sont
utilisés comme une arme contre nous. Nous avons beau prétendre encore de
manière sans équivoque que la religion est une affaire privée, la vieille
accusation revient toujours de nouveau. Or c’est l’évidence même qu’il doit y
avoir une raison à cela ; s’il s’agissait simplement d’une affirmation sans
fondement, sans la plus légère apparence de justification, elle se serait déjà
depuis longtemps révélée impropre comme arme et elle aurait disparu. En effet,
il existe pour des têtes ignorantes une contradiction entre notre déclaration
et le fait que, avec l’accroissement de la social-démocratie, la religion
disparaisse de plus en plus dans les milieux ouvriers, et également que notre
théorie, le matérialisme historique, soit en contraste abrupt avec les doctrines
religieuses. Cette prétendue contradiction, qui a déjà troublé de nombreux
camarades, a été exploitée par nos adversaires pour démontrer que notre
proposition pratique, qui laisse chacun libre de sa religion, ne serait qu’une
hypocrisie, une dissimulation de nos visées anti-religieuses réelles, et ceci
en vérité dans le but de gagner à nous en masse les travailleurs religieux. «
Nous réclamons que la religion soit considérée comme l’affaire privée de chaque
individu, que chacun doit déterminer pour soi sans que d’autres y aient à dire
ou à prescrire quelque chose. Cette revendication est née comme quelque chose
d’évident pour les besoins de notre pratique. Il est en effet parfaitement
exact que nous avons de la sorte gagné à nous en masse des travailleurs sans
religion et des travailleurs religieux de différentes confessions, ce qui
signifie qu’ils veulent s’associer à une lutte commune pour leur intérêt de
classe. L’objectif du mouvement ouvrier social-démocrate n’est autre qu’une
transformation économique de la société, que le passage des moyens de
production à la propriété collective. Il est donc normal que l’on tienne à
l’écart tout ce qui est étranger à cet objectif et tout ce qui pourrait
conduire à des différends entre les ouvriers. Il faut toute l’étroitesse de vue
intéressée des théologiens pour nous imputer, au lieu d’un objectif ouvertement
reconnu, un autre objectif secret, l’abolition de la religion. On ne peut pas
en fin de compte être surpris par celui qui oriente toute sa pensée vers des
subtilités religieuses et qui n’a donc pas un regard pour la grande détresse et
la magnifique lutte des prolétaires, s’il ne voit dans le bouleversement
libérateur du mode de production et le changement spirituel et religieux, qui
va de pair avec lui, qu’un passage à l’incroyance et s’il passe devant
l’abolition de la misère, de l’oppression, de la servitude et de la pauvreté,
comme devant quelque chose d’indifférent. « C’est du besoin du combat pratique
qu’est né notre principe pratique à propos de la religion, il en résulte déjà
qu’il doit aussi se trouver en accord avec notre théorie, laquelle fonde le
socialisme totalement sur la pratique de la lutte quotidienne. Le matérialisme
historique voit dans les rapports économiques la base de toute la vie sociale ;
il s’agit toujours de besoins matériels, de luttes des classes, de
bouleversements du mode de production, là où la façon d’envisager les choses
antérieurement, et celle des combattants eux-mêmes, découvrait des discordes et
des luttes religieuses. Les idées religieuses ne sont qu’une expression, un
reflet, une conséquence, des rapports de vie réels des hommes, et donc au
premier plan des situations économiques. Aujourd’hui aussi il s’agit d’un
bouleversement économique, mais pour la première fois dans l’histoire, la
classe qui doit l’accomplir, est clairement consciente qu’il ne s’agit pas de
la victoire de n’importe quelle conception idéologique. Cette claire
conscience, qu’elle puise dans la théorie, elle l’exprime dans la revendication
pratique : la religion est une affaire privée ! ; cette revendication est donc
aussi bien une conséquence de la claire connaissance scientifique que du besoin
pratique. « Il résulte de cette conception, à savoir celle que le matérialisme
historique a de la religion, qu’elle ne peut pas du tout être mise dans le même
sac que l’athéisme bourgeois. Ce dernier s’opposait de manière directe et
hostile à la religion parce qu’il voyait en elle la théorie des classes
réactionnaires et l’obstacle principal au progrès. Il ne voyait dans la
religion que stupidité, insuffisance de connaissances et d’instruction ; c’est pourquoi
il espérait pouvoir extirper la foi aveugle des paysans et des petits bourgeois
stupides par le rationalisme scientifique, en particulier par la science de la
nature. « Nous voyons au contraire dans la religion un produit nécessaire des
conditions de vie, qui sont essentiellement de nature économique. Le paysan
auquel les caprices du temps procurent une bonne ou une mauvaise récolte, le
petit bourgeois auquel les conditions de marché et de concurrence peuvent
occasionner une perte ou un profit, se sent dépendant de puissances
mystérieuses supérieures. Contre ce sentiment immédiat, la science livresque, à
savoir que le temps est déterminé par des forces naturelles et que les miracles
de la Bible sont des légendes inventées de toute pièce, ne sert à rien. Les
paysans et les petits bourgeois s’opposent à ce savoir, même si c’est à
contrecoeur et de manière méfiante, car il provient de la classe qui les
opprime et parce qu’eux-mêmes, en tant que classes en déclin, ne peuvent pas y
trouver d’arme, de salut, et pas même de consolation. Ils ne peuvent s’imaginer
du réconfort que par des moyens surnaturels, dans des représentations
religieuses. « C’est l’inverse pour le prolétaire qui a une conscience de
classe ; la cause de sa misère est là clairement devant lui, dans la nature de
la production et de l’exploitation capitalistes, laquelle n’a pour lui rien de
surnaturel. Et puisqu’un avenir rempli d’espérance lui est proposé, qu’il sent
que le savoir lui est nécessaire pour qu’il puisse briser ses chaînes, il se
jette avec une ferveur ardente dans l’étude du mécanisme social. C’est ainsi
que toute sa conception du monde, même s’il ne sait rien de Darwin et de
Copernic, est une vision non religieuse ; il ressent les forces avec lesquelles
il a à travailler et à combattre comme de froides réalités séculières. Et donc
l’irréligiosité du prolétariat n’est pas une conséquence de certaines leçons
qui lui auraient été prêchées, mais un sentiment immédiat de sa situation.
Réciproquement, cette disposition d’esprit qui naît de la participation aux
luttes sociales a pour effet que les travailleurs se saisissent avec
empressement de tous les écrits rationalistes et anti-théologiques, de Büchner
[II semble qu’il s’agisse de Friedrich Büchner (né en 1824), naturaliste et philosophe
matérialiste allemand, auteur de « Force et Matière » (1855) et de « Nature et
Esprit » (1857). Büchner est un vulgarisateur et un polémiste populaire qui
militait pour la méthodes scientifique expérimentale. (NdT).] et de Hackel
[Ernst Hackel (1834-1919), biologiste et philosophe allemand, fut un partisan
convaincu de la théorie de l’évolution et il popularisa le travail de Darwin en
Allemagne. II est aussi considéré comme le père de l’écologie. Pour certains,
il est à l’origine d’une classification des races, par leur hiérarchisation
dans un cadre évolutionniste, et il serait donc un précurseur de la doctrine
biologico-politique nazie. (NdT).)], afin de donner, par la connaissance des
sciences de la nature, un fondement théorique à cette manière de penser. Cette
origine de l’athéisme prolétarien a pour conséquence que le prolétariat ne le
fait jamais apparaître comme un objet de lutte contre ceux qui ont des opinions
différentes ; ses seuls objets de lutte sont ses conceptions et ses buts
sociaux qui constituent l’essentiel de sa vision du monde. Les prolétaires qui,
en tant que camarades de classe, vivent sous la même oppression, sont ses
camarades de lutte naturels, même si les effets mentionnés sont absents chez
eux en raison de circonstances particulières. I1 y a en effet de telles
circonstances particulières, abstraction faite de la force de la tradition qui
opère partout et qui ne peut être vaincue que progressivement. Les prolétaires
qui travaillent dans des conditions dans lesquelles des forces naturelles
puissantes, terribles, imprévisibles, les menacent de mort et de perdition,
comme les mineurs et les marins, garderont souvent un fort sentiment religieux,
alors qu’ils peuvent être en même temps des lutteurs vigoureux contre le
capitalisme. L’attitude pratique qui résulte de cet état de choses est encore
souvent méconnue de nos camarades de parti qui croient devoir opposer à la
croyance chrétienne nos conceptions comme « une religion supérieure ». «
Concernant la relation entre le socialisme et la religion, c’est donc
exactement le contraire de la façon dont nos ennemis théologiques se la
représentent. Nous ne faisons pas renoncer les travailleurs à leur croyance
antérieure par la prédication de notre théorie, le matérialisme historique, mais
ils perdent leur croyance à la suite de leur observation attentive des rapports
sociaux qui leur fait reconnaître l’abolition de la misère comme un objectif à
portée de main. Le besoin de comprendre ces rapports de plus en plus
profondément les conduit à étudier les écrits matérialistes-historiques de nos
grands théoriciens. Ceux-ci n’agissent pas de manière hostile à la religion,
car la croyance n’existe plus ; au contraire, ils produisent une appréciation
de la religion en tant que phénomène historiquement fondé qui ne disparaîtra
que dans des circonstances futures. Cette doctrine nous préserve donc de faire
ressortir des différences idéologiques comme ce qui est important, elle met au
premier plan notre but économique comme la seule chose qui soit importante, et
elle exprime cela dans la revendication pratique : la religion est une affaire
privée. » »
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