Portrait du migrant en arrivant
par Alexis Nouss
« Le migrant comme sujet
politique
Les migrants ne sont pas que des
victimes, passives, cibles de la globalisation économique ou de régimes
répressifs, fuyant la misère ou le désert, la torture ou la mort, des individus
privés de droits, amputés de leur identité et de leur mémoire. Ce sont
pleinement des sujets, des sujets politiques, c’est-à-dire des acteurs avec
lesquels et à partir desquels il est possible d’in venter un nouveau projet
démocratique, un avenir européen plus égalitaire et plus juste, fondé sur la
solidarité et la libre circulation pour tous. Un sujet politique -comme l’ont
été le citoyen au XVIII° siècle ou le prolétaire au XIX° siècle – au prisme
duquel se lit un ensemble de questions sociétales telles que l’emploi, la citoyenneté,
l’habitat, la croissance, la démographie, l’environnement, les relations
internationales, la culture.
Au prisme duquel apparaissent
aussi d’autres figures en souffrance dans les villes et en milieu rural :
le sans-abri, le pauvre, le chômeur, l’handicapé, le déclassé, tous ceux qui n’ont
plus droit au banquet commun. Car les gouvernements européens traitent les
personnes migrantes comme ils traitent leurs populations précaires ou démunies,
pratiquant l’exclusion envers les unes comme envers les autres. L’acuité de la
situation migratoire agit comme un révélateur de problématiques connexes et non
moins urgentes qui participent du même dysfonctionnement général, révélant une
crise aux manifestations diverses. Il faut y trouver des réponses, car le
risque est réel et imminent de laisser les populismes, sectarismes et extrémismes
de tout genre répondre en piétinant les principes républicains de liberté et d’égalité
pour tous qui trament l’idée européenne. Si on prend le migrant comme
indicateur et l’accueil de l’autre comme indice du fascisme, l’Europe actuelle,
outre les gouvernements autoritaristes, voit ses barrières contre le fascisme
singulièrement érodées. Une démocratie à venir, jugeait Derrida, est toujours à
venir, mais cette imminence peut aussi trouver concrétude dans une historicité.
La nôtre en accuse l’urgence. Parce qu’il est sujet politique, propre à s’insérer
dans une démocratie, la réactualisant par sa venue même, le migrant se définira
par un mode de parole spécifique soutenant un droit d’exil, à distinguer du
droit d’asile en ce qu’il est partagé avec celui qui vient et non la seule
prérogative de celui qui accueille ».
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