dimanche 25 octobre 2020

Lignes N°60: L'étranger et l'hospitalité

 

                        Portrait du migrant en arrivant   

                                    par Alexis Nouss

 

« Le migrant comme sujet politique

Les migrants ne sont pas que des victimes, passives, cibles de la globalisation économique ou de régimes répressifs, fuyant la misère ou le désert, la torture ou la mort, des individus privés de droits, amputés de leur identité et de leur mémoire. Ce sont pleinement des sujets, des sujets politiques, c’est-à-dire des acteurs avec lesquels et à partir desquels il est possible d’in venter un nouveau projet démocratique, un avenir européen plus égalitaire et plus juste, fondé sur la solidarité et la libre circulation pour tous. Un sujet politique -comme l’ont été le citoyen au XVIII° siècle ou le prolétaire au XIX° siècle – au prisme duquel se lit un ensemble de questions sociétales telles que l’emploi, la citoyenneté, l’habitat, la croissance, la démographie, l’environnement, les relations internationales, la culture.

Au prisme duquel apparaissent aussi d’autres figures en souffrance dans les villes et en milieu rural : le sans-abri, le pauvre, le chômeur, l’handicapé, le déclassé, tous ceux qui n’ont plus droit au banquet commun. Car les gouvernements européens traitent les personnes migrantes comme ils traitent leurs populations précaires ou démunies, pratiquant l’exclusion envers les unes comme envers les autres. L’acuité de la situation migratoire agit comme un révélateur de problématiques connexes et non moins urgentes qui participent du même dysfonctionnement général, révélant une crise aux manifestations diverses. Il faut y trouver des réponses, car le risque est réel et imminent de laisser les populismes, sectarismes et extrémismes de tout genre répondre en piétinant les principes républicains de liberté et d’égalité pour tous qui trament l’idée européenne. Si on prend le migrant comme indicateur et l’accueil de l’autre comme indice du fascisme, l’Europe actuelle, outre les gouvernements autoritaristes, voit ses barrières contre le fascisme singulièrement érodées. Une démocratie à venir, jugeait Derrida, est toujours à venir, mais cette imminence peut aussi trouver concrétude dans une historicité. La nôtre en accuse l’urgence. Parce qu’il est sujet politique, propre à s’insérer dans une démocratie, la réactualisant par sa venue même, le migrant se définira par un mode de parole spécifique soutenant un droit d’exil, à distinguer du droit d’asile en ce qu’il est partagé avec celui qui vient et non la seule prérogative de celui qui accueille ».

 

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