Pris dans son sens le plus étendu, le mot juge s'applique à toute
personne qui apprécie et se prononce sur n'importe qui, n'importe quel sujet,
dans n'importe quelle circonstance. Les croyants disent de leur Dieu qu'il est
: le Juge infaillible, parce que sachant tout et pénétrant les plus secrètes
pensées de tous, il ne peut se tromper ; le Juge impartial, parce que,
au-dessus et en dehors de toute passion et de toute influence, il échappe à toute
pression intérieure ou extérieure qui serait susceptible d'altérer son
appréciation ou de modifier son arrêt ; le Juge suprême, le Sou confirmant
toutes celles qui ont pu émaner de juges subalternes ou de tribunaux infé Ces
qualités d'infaillibilité, d'impartialité et de souveraineté, proclamées ainsi
inhérentes à l'exercice de la véritable équité, ne peuvent appartenir qu'à
Dieu. Cette thèse, qui n'a d'autre fon voie de conséquence, toute idée d'un
autre juge ou d'un autre jugement s'imposant à la conscience humaine. Elle
proclame, toujours déductivement, que tout juge humain, quels que soient son
savoir et son intégrité, ne peut que rendre des sentences d'une justice
relative, douteuse, sujette à caution, entachée d'er passible d'iniquité. Pris
dans un sens plus restreint et appliqué au « social », le juge est un homme qui
a pour fonction spéciale de rendre la justice au nom du pouvoir souve Loi
elle-même est censée être l'expression de la volonté populaire. Celle-ci a
cessé - personnelle : Dieu ou le chef, pour devenir celle d'une volonté
impersonnelle et collective : le peuple. Un juge est donc, présentement, un
homme dont la fonction spéciale est de rendre la justice au nom de la Loi. Or,
d'une part, la Loi (voir le mot Loi) est, dans le temps et l'espace,
essentiellement variable et contra les arrêts rendus au nom et en application
de la Loi sont nécessairement varia contradictoires ; d'autre part, la Loi se
formule presque toujours en un texte obscur et incertain, qui ouvre la porte
aux interprétations les plus diverses, voire les plus opposées ; à telle
enseigne que, soumise à l'appréciation de deux juges, la même cause peut être
tranchée - et c'est fréquemment ce qui se passe - de deux façons opposées, bien
que l'un et l'autre juge se flattent également de conformer leur décision à la
Loi. Est-il possible que, dans ces conditions, le juge soit à même de se
prononcer infailliblement, impartialement, souverainement ? « Si le juge avait
le pouvoir de lire dans la conscience et de démêler les motifs afin de rendre
d'équitables arrêts, chaque juge serait un grand homme. La France a besoin de
six mille juges ; aucune génération n'a six mille grands hommes à son service,
à plus forte rai (Balzac). La fonction dont le juge est investi, qu'il soit élu
ou nommé, ne lui confère ni lumières exceptionnelles, ni vertus spéciales. Même
dans l'exercice de sa fonc le juge reste un homme comme les autres : sur qui
passe, violent et brutal, le souffle des passions, que courbe l'intérêt aux
aspects multiples et changeants, que poussent, tantôt dans un sens et tantôt
dans le sens contraire : le souci de la carrière, la crainte de déplaire aux
puissants de l'heure, l'espoir de se rendre favo l'opinion publique. Sur lui
pèse de tout son poids le joug de l'habitude et le métier a raison du scrupule.
Le juge en exercice n'est bientôt qu'un jugeur. Il devient rapidement, comme
disait Balzac, « une pâle machine à considérants, une mécanique appliquant le
code sur tous cas, avec le flegme des volants d'une horloge »... Lié à la
lettre de la Loi, le juge correctionnel se voit dans l'obligation de n'admettre
que dans une mesure limitée les circonstances atténuantes. Pousser
l'appréciation de celles-ci jusqu'à l'acquittement du délin le caractère
impératif de la Loi ; ce serait fausser la lettre de celle-ci en lui
substituant un esprit qui en serait la négation. Aussi, rares, très rares sont
les juges qui, passant outre, prononcent l'acquittement d'un prévenu contre
lequel la preuve est faite qu'il a commis un acte tombant sous le coup de la
Loi. Le juge qui place le respect de la véritable jus exception ; il est un
phénomène, une sorte de monstre au sein de l'espèce. Il se distingue, il se
sépare tant et si bien de l'ensemble que, pour témoigner en faveur de cette
séparation, l'esprit public le désigne en le quali cas du Président Magnaud
qui, à la suite de plusieurs sentences d'acquitte faveur de prévenus dont le
texte de la Loi commandait la condamnation, fut appelé « le bon juge ». Le juge
de carrière est soumis à une sorte de défor cette déformation est plus ou moins
profonde; mais elle est générale et le nombre est infime des juges qui n'en
portent point le sceau. La fonction de juge installe celui qui l'exerce dans un
milieu de corruption, de mensonge, de lâcheté, de turpitude, de servilité et de
vice qui, lentement mais sûre entier. L'air qui circule dans les prisons, les
cabinets de juges d'instruction, les prétoires et les couloirs des Palais de
Justice, est impré qui, à la longue, pénètrent et saturent le juge, l'inclinant
à voir des coupables partout. Par l'éducation qu'il a reçue, les relations
qu'il entre mène et le milieu dans lequel il vit, le juge devant lequel comparaissent
un riche et un pauvre, est naturellement plutôt sympathique au premier. Il
accorde aux déclarations du « Monsieur » une con diable ». S'il attribue sans
difficulté, à l'homme de la classe privilé généreux, il attribue aussi aisément
à l'homme de la classe déshéritée des sentiments bas mis au service d'intérêts
sordides. Et, cette déformation professionnelle s'accentuant avec l'âge, le
juge se rend peu à peu coupable des pires injustices, sans en avoir conscience,
à son insu et, par conséquent, sans qu'il en ressente le moindre regret, le
plus mince remords. La fonction de juge est, d'une façon générale, entou
confiance. Et, pourtant, il n'en est pas qui mérite moins cette estime et cette
con plus loin et plus haut la recherche de la vérité, l'artiste qui puise
l'inspiration dans le culte de la Beauté, l'inventeur qui poursuit nuit et jour
la découverte d'un appareil ou d'un procédé destiné à diminuer l'effort pénible
de l'homme ou à augmenter sa puissance de domination sur les éléments naturels
; je comprends et trouve bon que de tels hommes bénéfi l'humanité recueille de
leur labeur. Mais le Juge ! Le juge, conscient de la délicatesse et de la
gravité de ses fonctions, l'homme qui, appelé à se prononcer sur la liberté,
les intérêts et l'honneur des autres, se rend compte que, quel que soit le soin
qu'il apporte à ne se prononcer qu'en pleine connaissance de cause, il ne
saurait acquérir la certitude que sa décision n'est pas entachée d'erreur et de
partialité, et qui, pour toucher un traitement, conserver son emploi, se
ménager de l'avancement et s'assurer, pour ses vieux jours, une retraite
suffisante, consent, sans scrupule, à jouer un rôle dans la triste et
scandaleuse tragédie judiciaire, je me demande de quelle inconscience cet homme
doit être frappé, pour qu'il conserve l'estime de luimême et de quel
aveuglement sont atteints ses contemporains pour qu'ils l'honorent de leur estime
et de leur confiance. Par la pensée, je vois un juge distribuant les années de
prison ou de bagne au cours de sa journée ; je l'en peine capitale ; j'imagine
ceux qu'il a condamnés s'acheminant vers la prison, le bagne ou la guillotine,
et j'aperçois le juge rentrant, paisible, calme, serein, le soir venu, au sein
de sa famille. Dans une salle à manger confortable, sa femme et ses enfants
sont assis, près de lui, autour de la table familiale. Si tout sentiment n'est
pas éteint en lui, si l'exercice de sa fonction n'a pas totalement desséché son
cœur, peut il, à ce moment, songer sans frémir au père de famille que sa
décision tient séparé de ses enfants, peut-il pen dénuement dans lequel
l'absence plus ou moins pro et les enfants ? Et si sa carrière « s'illustre »
de quelques condamnations à la peine capitale, se peut-il, à moins qu'il ne se
croie infaillible, qu'il n'éprouve nulle angoisse quand, la nuit, son sommeil
est hanté par l'apparition des têtes que ses réquisitoires ont fait tomber ? Le
juge qui en arrive, par tempérament et par accou odieuse insensibilité (et, par
la déformation professionnelle, c'est le cas de tous ceux qui ont vieilli dans
la carrière), ne mérite aucune consi d'aucune estime. Il ne peut inspirer que
le mépris. - Sébastien FAURE. JUGE IMPOSE, ARBITRE VOLONTAIRE. Il convient de
résumer ici les raisons qui rendent éminemment hostile et répugnant à
l'individualiste anarchiste le fonctionnement du mécanisme judiciaire. L'on
sait qu'après avoir commencé par manifester le caractère d'une réparation, d'un
dédommagement à l'égard de celui au préjudice duquel un tort avait été commis
(ou de ses ayants droit), la répression des délits et des crimes a fini par
revêtir le caractère d'une vindicte, d'une vengeance exercée apparemment au
profit de l'ensemble social, en réalité de ses dirigeants, de ses déterminants
ou de ses privilégiés sur les déshérités, les désavantagés : ceux qui ne
détiennent ni autorité, ni capitaux, ni propriété. Il n'est pas difficile de se
rendre compte que ceux qui ont charge d'appliquer les sanctions pénales ou
disciplinaires que les codes de justice établissent pour répri où ils se
recrutent - les sou acquises qui ne leur permettent pas l'impartialité. En
outre, le tarif des pénalités, les peines accessoires qui les accompagnent si
souvent ne tiennent aucun compte du tempérament, du déterminisme particulier
des délinquants ; ne se préoccupent en rien des circons présidé à l'évolution,
à la formation de leur caractère, de leur façon d'envi vie. L'application des
circonstances atténuantes ou aggra l'arbitraire du distributeur de péna sa
profession à cœur - être un chargé de mission sociale, mais encore se réfère à
des renseignements de police tendancieux et incontrôlés, à une impression
physique, à des condamnations antérieures, si bien que, par la force des
choses, le délinquant est autant puni comme « capable » que comme « coupable »
de la transgression qui l'amène à la barre où il est cité. Sous son apparence
d'impartialité, le jugement du jury renferme autant d'arbitraire. Je ne parle
pas seulement ici du facteur de sentimen le ministère public que par le
défenseur du transgresseur, je fais allusion aux préjugés d'éducation et de
convention qui dominent les jurés lorsque le moment est venu de statuer sur le
cas qui leur est présenté. Que connaissent-ils, d'ailleurs, du criminel qui est
traîné devant eux ? pas davantage que le juge professionnel, et ils ne sont pas
mieux éclairés que lui sur son déterminisme. Ils sont automatiquement obligés
de s'en remettre aux informations que leur fournissent l'accusateur public et
l'avocat, les témoins à charge et à décharge. Il n'existe, pour le délinquant,
aucune garantie qu'il sera jugé impartialement. Mais ce n'est pas seulement
contre le mécanisme du fonctionnement judiciaire que protestent et s'insurgent
les individualistes. Ce qu'ils combattent, ce qu'ils dénoncent, ce qu'ils
critiquent avec véhémence, ce qu'ils posent à la base de leur antagonisme à la
conception actuelle de l'appli infligé aux dominés et aux exploités par ceux
qui les asservissent et tirent profit de leur travail ; c'est le délinquant
contraint de subir le juge qu'il n'a pas choisi, le code et la méthode de
jugement qu'il ne peut récuser. Ce que nient les individualistes, c'est qu'un
être humain s'arroge le droit d'en juger un autre, qu'il s'imagine avoir ce «
droit » soit comme une sorte de délégation ou de mandat d'une collectivité
irresponsable, soit comme une faculté innée. Pour comprendre les mobiles
derniers et profonds qui ont pu pousser un être humain quelconque à commettre
une action dite « délictueuse », il faudrait être cette personne elle-même.
L'avocat le plus consciencieux, le plus expérimenté ou le plus retors n'y
saurait parvenir lui-même, puisqu'il peut arriver que le délinquant ne puisse
plus se rappeler ou se représenter avec précision dans quel état d'être il se
trouvait au moment où l'infraction ou le crime se produisit. Il aurait suffi
d'une circonstance fortuite, d'un accident peut-être minime pour que le délit
ou le crime n'eut pas lieu ou se manifestât sous un tout autre aspect.
D'ailleurs, le défenseur qui prend à cœur sa profession se préoccupe beaucoup
plus de s'assimiler la psychologie des juges, de les émouvoir, que d'analyser à
fond le tempérament ou le déterminisme de son client. De l'avocat général ou du
défenseur, c'est à qui aura le plus d'atouts dans son jeu. C'est pourquoi, pour
gagner la partie, ce dernier parle en juriste devant un tribunal de profession
et en orateur devant un jury. C'est parce qu'il n'est pas possible qu'un
jugement soit rendu avec équité ou impartialité, le jugeur ne pou
l'individualiste aspire à voir devenir courante une mentalité personnelle qui
fasse que le transgresseur s'inflige à soi-même le châtiment de sa
transgression - selon que l'y détermine son degré de sensibilité ou de scrupulosité.
Les individualistes anarchistes rejettent tout autant le juge qui s'impose
bénévolement que celui imposé par l'Etat ou tout autre organe de centralisation
sociale. Parmi les anarchistes, on rencontre trop souvent une manière de juger
ou d'apprécier les faits et les gestes de ses camarades, favorable ou
défavorable, selon que leur conduite ou leur procédé, en telle circonstance
donnée, est conforme ou non avec ce qu'aurait accompli, dans un cas semblable,
celui qui porte jugement, du moins il le suppose. Il est étrange de voir des
hommes aux opinions très libérales, très avant-garde, oublier que dans certains
jugements ou appréciations, ils sont uniquement incités par leurs convictions
personnelles, leur façon de vivre particulière ; le parti pris qu'ils
manifestent détonne toujours, irrite parfois. Qui sait comment ils se seraient
comportés aux lieu et place de celui qu'ils condamnent, eux, les détracteurs de
la vindicte sociale dénommée justice. Tout ce qu'ils peuvent hasarder
concernant leur ligne de conduite future dans tel ou tel cas est du domaine de
la conjecture. Et même quand ces juges bénévoles connaîtraient si exactement
leur propre déterminisme qu'ils sauraient d'avance ce qu'ils feront en telle ou
telle occasion que cela ne les autoriserait pas à porter jugement. Cela leur
permettrait tout au plus d'émettre, par rapport à eux, une opinion personnelle
sur le geste incriminé, non de nuire au camarade qui l'a accompli. On nous
demandera si nous nourrissons l'espoir qu'il ne s'élèvera plus de conflits,
qu'il ne naîtra plus de désaccords, de différends entre membres d'associations,
entre associations même, quand ce ne serait que pour des cas non prévus par les
clauses de l'entente volontaire qui règle leurs rapports mutuels. Nous
répondrons que ces cas seront réduits au minimum, le contrat d'association ou
catalogue des conditions d'association spécifiant les attitudes mutuelles qui
sont la raison d'être de l'association. Des termes du contrat il est facile de
déduire la nature des actions qu'implique le but de l'association, les charges
et les avantages proposés à chacun de ses membres. Une association anarchiste
ne comprenant que ceux qui souscrivent à ses engagements, ceux qui ne les ont
pas souscrits n'ont à s'immiscer en rien dans le caractère et la forme desdits
engagements. Admettons que deux unités humaines, deux associations (ou
davantage) ne puissent solutionner un litige s'élevant entre eux. Acceptons
qu'ils éprouvent le sentiment bien net qu'ils ne se trouvent pas, pour une
raison ou pour une autre, dans la situation d'esprit voulue pour résoudre, avec
toute l'impartialité désirable, le différend qui les sépare ; peut-être parce
que, chez chacun de ceux qui se prétendent lésés, il y a de l'irritation, de la
colère, du dépit. Quoi de plus simple, pour les parties adverses, que de s'en
remettre chacune à un ami, à un compagnon, au courant des circonstances de leur
cas, de leurs tempéraments, etc. Il est infiniment probable que l'avis de
l'arbitre ou des arbitres s'approchera de très près de l'équité « mathématique
». Le conseil fourni par l'arbitre ou les arbitres (qui ne nourrissent
d'animosité à l'égard d'aucune des parties en désaccord), en pleine possession
de leur calme, départagera impartialement ou à très peu près les adversaires.
D'ailleurs, s'ils s'aperçoivent qu'ils ne peuvent arriver à une conclusion
satisfaisante, rien n'empêche les arbitres de s'en remettre eux-mêmes à un
autre, choisi alors par eux sans aucune intervention de leurs commettants, qui
fournirait une sorte d'avis de dernier ressort qui les mettra d'accord. Nous ne
voyons aucune diminution de dignité person est impossible de régler soi votre
semblable et de vous en remettre à un arbitre alors que vous le choisissez en
dehors de toute contrainte étatiste ou obligation centralisatrice. Ici comme
ailleurs, les individualistes anarchistes revendiquent pour la méthode qu'ils
utilisent un caractère absolument et purement volontaire. - E. ARMAND. JUGES.
Les juges composant le Tribunal de Commerce sont les derniers magistrats élus.
Dans les villes où il n'existe pas un tribunal de commerce, le tribunal civil
juge commercialement, c'est-à-dire applique au litige commercial les
dispositions du code de commerce, et la justice n'en est pas moins rendue au
justiciable, qu'il soit ou non commerçant. Sur appel, les jugements du tribunal
de commerce sont déférés à la Cour d'appel, dont la compétence est générale et
sans distinction. On peut trouver au premier degré de juridiction comme au
second la même aptitude du juge pour le litige et la même adaptation du litige au
juge. Les juges du tribunal de commerce sont élus par tous les commerçants
patentés ou associés en nom collectif, domiciliés depuis cinq ans dans le
ressort du tribunal ; la loi ajoute à ces commerçants et associés, les
directeurs de compagnies françaises, les agents de change, etc., etc. Nous ne
saurions entrer dans la minutie de ces détails. La liste électorale est dressée
pour chaque commune par le maire assisté de deux conseillers municipaux. Ne
peuvent être électeurs les condamnés privés de leurs droits civils et civiques,
les faillis non réhabilités. Le tribunal, dont le sectionnement vient d'être
remanié, se compose de juges élus pour deux ans et de juges élus pour un an.
Tout électeur inscrit peut être élu juge s'il est âgé de 30 ans, et tout ancien
juge pourra être nommé président s'il est âgé de 40 ans. Tout juge sortant est
rééligible, mais ne peut être réélu deux fois qu'après un intervalle d'un an
entre ces deux réélections. Venons aux juges qui composent le tribunal de
première instance. Les magistrats appelés à composer le tribunal sont des
juges, les magistrats appelés à composer la cour d'appel ou la cour de
cassation ont le titre de conseillers... Peut être nommé juge tout citoyen
français jouissant de ses droits civils et politiques, s'il est âgé de 25 ans
et s'il satisfait aux conditions suivantes : être licencié en droit, justifier
d'un stage de deux ans au barreau d'un tribunal. A ces exigences a été ajoutée
la garantie d'un examen réglementé par la Chancellerie. Le président du tribunal
et les vice-présidents sont nommés par décret du président de la République
comme les juges. Le nombre des juges que compte un tribunal est fixé par les
pouvoirs publics. Le tribunal, si son importance le comporte, est divisé en
chambres. Le président est de droit président de chaque chambre ; la chambre
qu'il ne préside pas effectivement est présidée par un vice les chambres en
sections, chaque section est pré On appelle juge doyen dans chaque section le
juge le plus ancien, si l'on se réfère à la date de sa nomination. Le président
du tribunal doit être âgé de 27 ans au moins. Le tribunal doit être composé de
trois juges au minimum. C'est une grave question, très vivement agitée, que de
savoir si, pour la plus prompte expédition des affaires et l'évacuation d'un
rôle encombré, il ne serait pas utile et opportun de créer le juge unique,
composant à lui seul une juridiction du premier degré. Cette suggestion s'est
heurtée à une opposition très vive et qui nous semble injustifiée. On semble
craindre chez le juge unique sinon la partialité sans contrepartie, du moins
l'entraînement sans contrepoids. La pratique démontre que, dans les tribunaux
composés de trois juges, l'autorité du président absorbe souvent la
personnalité de ses assesseurs, à moins qu'ils ne se coalisent, cas plus rares,
paradoxe hiérarchique, contre cette autorité majeure . On pourrait concevoir la
création d'un rapporteur qui, placé auprès du juge, recevrait, en temps utile,
avant les débats, les explications des parties et leurs pièces, examinerait
l'affaire et, sans conclure, l'exposerait dans un rapport. Nulle pièce ne
pourrait être introduite au débat que communiquée au rapporteur avant le
rapport et par les soins du rapporteur, sous sa surveillance, à la partie
adverse. Ce procédé ou cette procédure se rapprocheraient du système suisse
qui, à cet égard, est excellent. Les tribunaux de première instance comptent
parmi leurs membres des juges suppléants. Les juges suppléants peuvent siéger,
mais ne prennent part aux délibérations que s'ils sont appelés régulièrement à
compléter le tribunal. Quand, par l'empêchement d'un juge appelé à siéger, le
tribunal n'est pas complet au nombre de trois juges, il peut se compléter soit
en faisant appel à un juge d'une autre chambre ou à un juge suppléant devenu
nécessaire, soit en faisant monter au siège vacant l'avocat ou l'avoué, le plus
ancien d'entre ceux qui sont présents à l'audience. Il n'y a pas des juges
uniquement civils et des juges uniquement correctionnels. Cette division des
juges en deux espèces différentes serait cependant logique. Mais les deux
compartiments ne sont séparés par aucune cloison, les juges sont
interchangeables et soumis au roulement. Les fonctions de juge sont
incompatibles avec les fonctions ecclésiastiques, avec le négoce. La parenté
jusqu'au degré d'oncle et de neveu constitue un autre genre d'incompatibilité
pour l'admission de deux juges dans le même tribunal. Ils ne peuvent se charger
de la défense des parties ; il leur est défendu de « devenir cessionnaires de
procès ou de droits litigieux et de se rendre adjudicataires des biens dont la
vente se poursuit devant leur tribunal »... Parmi les prérogatives des juges,
citons : « l'inviolabilité dans l'exercice de leurs fonctions ; le droit de
commander, au nom de la loi, à tous les citoyens ; la préséance sur les
justiciables dans les actes et cérémonies publiques ; enfin le droit d'imprimer
l'authenticité aux actes émanant d'eux ». Les juges sont inamovibles. Ce
principe a été posé par la Charte de 1814. L'inamovibilité est une garantie qui
a pour but de préserver ou protéger l'indépendance du juge. L'inamovibilité du
juge peut être suspendue par une loi et l'histoire nous enseigne que, dans les
heures de crise, la politique a incliné le pouvoir central vers ce triste
expédient; mais ces coups d'éclat sont des moitiés de coups d'Etat. [Une
récente mesure a supprimé dans maints arrondissements un tribunal qui ressemblait
trop à un avocat sans causes ; les juges de ce tribunal ont été transférés au
tribunal départemental où, en attendant que la réforme s'égalise et se
généralise avec le temps, ils tiennent chaque semaine une audience pour juger
les affaires provenant de leur ancienne circonscription judiciaire]. Pour les
attributions et les actes des juges, voir aussi : jugements, juridiction,
jurisprudence, etc. Si exceptionnel soit le juge, si vaste soit sa compétence
et si ferme sa droiture, et quelque conscience et quelque haute conception
qu'il ait de son rôle, et portât-il sa fonction au niveau d'une mission, son
œuvre n'en sera pas moins relative, contingente et hasardeuse et entachée
d'injustice. Le microscope ne permet pas d'apercevoir ce qu'on appelle l'âme
des choses, cet équilibre mystérieux de molécules qui obéissent à des lois de
gravitation encore inconnues de nous. Le juge, quand il décide, n'a jamais
rassemblé toutes les raisons de décider. Quand il condamne il n'a jamais
pénétré dans les arcanes de cette tête sur laquelle la condamnation va tomber.
Il ignore, il ne peut savoir quelles lois psychiques, quelles influences
ataviques ont mû les rouages de cet automate inconscient, de cet être suborné
par la nature ou déformé par l'éducation. La justice et le droit cherchent à
s'unir. L'un et l'autre sont des compromis entre la violence et la
récrimination avide elle aussi, aveugle parfois, égoïste presque toujours,
qu'ils apaisent et, si sa soif mérite satisfaction, qu'ils abreuvent. La force
prime toujours le droit, mais le droit doit briser la force. « Un arrêt même
médiocre est excellent », disait un conseiller sceptique, car il termine un procès.
Puissent-ils, autant qu'ils existent, finir bien. Peut-être - si l'on peut dire
- est-il heureux pour lui que l'accoutumance aplanisse chez le juge la terreur
de se tromper. Quelle redoutable mission que celle de juger ! Pour un juge
sincère et demeuré sensible, ou seulement conscient de ses redoutables
interventions, quel tourment angoissant que d'oser juger ! - Paul MOREL. Sous
l'ancien régime, on appelait juges royaux, par opposition aux juges des
seigneurs, ceux qui rendaient la justice au nom du monarque. Dans quelques
provinces méridionales, on appelait juge-mage - ou mage - et, dans certaines
localités, grand-juge, le premier juge du tribunal. En Languedoc, juge-mage
était le titre du lieutenant du sénéchal. Le juge d'armes était un officier
royal connaissant des différends relatifs au blason et tenant registre des
personnes ayant droit aux armoiries... Juge était aussi le titre des magistrats
suprêmes qui, de Josué à Samuel, gouvernèrent le peuple juif. Le livre des
Juges (ou les Juges) est le septième livre de l'Ancien Testament relatif à
cette période... En mythologie, devant les Juges des Enfers - Minos, Eaque et
Rhadamanthe - comparaissaient les hommes en quittant la vie...
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