Une distance intime
par Dorothée Legrand
« Pour celui que nous nommons l’étranger, l’épreuve
de l’étranger est d’abord l’épreuve de soi-même comme étranger pour l’autre.
Telle est l’épreuve de l’exil ».
« Chaque fois, le monde n’est plus, et il
faut que je te porte. De ces vers de Paul Célan, Jacques Derrida aura
proposé une lecture interminable – lisons ici une phrase seulement : « il
n’y a plus de monde, c’est la fin du monde pour l’autre à sa mort, et j’accueille
en moi cette fin du monde, je dois porter l’autre et son monde. » Peut-on
entendre cela ? C’est la fin du monde pour l’autre, et j’accueille en
moi cette fin du monde. Exilé, mort, absent à jamais et complètement, pour
l’autre, le monde n’est plus, et j’accueille cela, je le porte, je porte cette
fin du monde, dit Derrida, je porte en moi le monde tel qu’il n’est
plus pour l’autre. C’est la fin du monde – et cela, je le porte en moi .
J’éprouve que le monde n’est plus, et cette épreuve, il faut l’inscrire :
le monde n’est plus et il faut que ça ne soit passé sous silence, le monde
n’est plus et il faut que cela soit porté : inscrit – et c’est
cela, la langue, l’inscription symbolique. »
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