Deux passages d'un des
livres qui composent le Nouveau Testa des Actes, qui passe pour avoir été com
voyage de l'apôtre Paul, font allusion au communisme pratiqué par l'Eglise ou
Communauté de Jérusalem, fondée par les premiers apôtres. Voici ces deux
passages : « Ils persévéraient dans l'enseignement des apôtres, dans la
communion fraternelle, dans la fraction du pain et dans les prières... Tous
ceux qui croyaient étaient dans le même lieu, et ils avaient tout en com
propriétés et leurs biens, et ils en partageaient le produit entre tous, selon
les besoins de chacun. Ils étaient chaque jour tous ensem pain dans les maisons
et prenaient leur nourriture avec joie et sim etc. » (Actes II, 42 à 45). « La
multitude de ceux qui avaient cru n'était qu'un cœur et qu'une âme. Nul ne
disait que ses biens lui appartinssent en propre, mais tout était commun entre
eux... il n'y avait parmi eux aucun indigent; tous ceux qui possédaient des
champs ou des maisons les vendaient, apportaient le prix de ce qu'ils avaient
vendu et le déposaient aux pieds des apôtres, et l'on faisait des distributions
à chacun selon qu'il en avait besoin. » (Actes, IV, 32 à 35). Le communisme
était déjà pratiqué parmi les juifs, par les esseniens ou thérapeutes (asaya,
en syriaque, veut dire médecin), l'une des trois grandes sectes israé et Pline
l'ancien, dans son Histoire Naturelle, ont décrit leurs doctrines, leur genre
de vie, leurs établissements. Voici, d'après l'Almanach Icarien de 1846, un
résumé de la description de Philon, grec d'origine juive : « Parmi la populeuse
nation des juifs qui occupe une partie de cette contrée, il y a une espèce de
gens qu'on appelle Esséniens ; ils sont, je crois, plus de quatre mille. Ils
vivent dans des villages, fuyant les villes à cause de l'iniquité de ceux qui
les habitent. Les uns travaillent à l'agriculture, les autres s'occupent des
arts ; ils vivent en s'aidant et en se secourant entre eux. Ils n'amassent
jamais ni or ni argent, ni ne songent à acquérir de grands fonds de terre pour
s'en approprier le revenu. Ils ne demandent absolument que ce qu'il faut pour les
besoins de la vie. Presque seuls de tous les hommes, ils vivent sans propriété,
par choix et de propos délibéré... Ils ne savent ce que c'est que mar eux ; ils
sont tous libres, tous égaux. Ils condamnent la domination des maîtres, non
seulement comme injuste, mais comme impie, puisqu'elle viole la loi de la
nature qui engendre tous les hommes de la même façon, comme des frères
légitimes, non seulement de nom, mais de fait. L'avarice et l'iniquité seules
ont souillé cette parenté des hommes et mis, au lieu de la confraternité, la
désunion ; au lieu de l'amour, la guerre. Aucune maison n'appartient en propre
à aucun d'eux qui n'appartienne par le fait à tous. Toutes les provisions
qu'elle renferme sont à tous. Un office pour tous les habitants, un vestiaire
commun. Il serait impossible de trouver au même degré, ailleurs que chez eux,
cette confraternité qui fait que des hommes unis par les liens du sang ou par
l'amitié vivent sous le même toit, partagent le même sort, mangent à la même
table, car de tout ce qu'ils ont gagné en travaillant pendant la journée, ils
ne gardent rien comme leur propriété particulière ; mais portant tout à la
communauté, ils en font la propriété de tous. En sorte que les infirmités ne
sont jamais aggravées parmi eux. Les faibles et les malades, et ceux qui en ont
soin, ne sont pas négligés ni abandonnés; ils trouvent leur nécessaire assuré
par le superflu des forts et des valides ; et ils peuvent en jouir sans honte,
car c'est aussi leur propriété. » Les Esséniens, que certains prétendent avoir
été le milieu originel de Jésus, disparurent au temps de la prise de Jérusalem,
sous le règne de Titus. Leurs idées ne périrent pas. Nous les retrouvons, dans
le cours des siècles, reprises par les sectaires anarcho-chrétiens, les
partisans des « milieux libres », les communistes anarchistes sentimentaux.
Qu'il soit question des esséniens ou de la commu Jérusalem, il s'agit d'un
communisme local ou particulier, réservé à des initiés ou à des disciples. Plus
spécialement en ce qui con d'un communisme de répartition, non de production.
On se trouve en pré croyants qui ne se quittent plus, ont aban mais ne veulent
pas que parmi eux il y ait quelqu'un de dénué. Pourquoi ? Parce qu'ils
s'imaginent que la fin du monde est pro règne de Dieu est « à la porte », que
le Christ ait été un personnage de légende ou historique, que les Evangiles
reposent sur des récits plus ou moins falsifiés ou qu'ils aient été fabriqués
pour les besoins de la cause, il n'en est pas moins vrai qu’ils annoncent une
venue prochaine du Messie, pré Les textes sont for ici ne mourront point qu'ils
n'aient vu le fils de l'homme venir dans son règne. » (Math. XVI). « Je vous le
dis en vérité, cette génération ne passera point avant que tout cela n'arrive.
» (Math. XXIV). Ces affir seulement dans les autres Evangiles (Marc XIII, Luc
XXI, même Jean XVI, etc.) mais dans les épîtres de Paul, avec une netteté
indéniable (par exemple, chap. V de l'épître aux Thessaloniciens) . Séduite par
des illuminés ou égarée par des faus l'Eglise chrétienne primi à la Parousie,
au proche retour du Christ. Le communisme de la communauté de Jérusalem fut donc
transitoire, circonstanciel, accidentel. A quoi bon amasser des trésors ou
accumuler des richesses ? A quoi bon se soucier du lendemain, travailler,
produire, puis fin du monde, puisque si court est le temps ? Même auraient-ils
continué à œuvrer au dehors comme artisans ou ouvriers que ce n'était pas sur
une base économique que se fondait le communisme de l'Eglise jérusalémite, il
n'était pas non plus universel ; il se limitait à un certain nombre d'humains,
sélection n'étaient qu'un cœur et qu'une âme ». Il était d'ordre éthique. Mais
les membres du groupe en question étaient-ils autant d'accord que cela ? Si le
livre des Actes au cha lévite, Barnabas, de Chypre, qui ayant vendu le champ
qu'il possédait apporta l'argent et le déposa aux pieds des apôtres, il nous
rapporte aussi l'histoire d'un mé retint par devers lui une par Ananias et
Saphira, tombent foudroyés aux pieds de l'apôtre Pierre, chef de la communauté,
après une apos t-il pas que le communisme prétendument volontaire de l'Eglise
primitive n'allait pas sans opposition et que les dissidents avaient acquis une
telle importance qu'il ne fallut rien moins que le recours à des mises à mort
théâtrales pour inspirer « une grande crainte à l'assemblée » ? L'exemple de la
Communauté de Jérusalem ne fut pas suivi et il est probable que ce fut pour
subvenir à la détresse où les avait plongés cet essai de communisme mal conçu
et mal compris qu'on organisa, un peu plus tard, en sa faveur (dans les autres
groupes chrétiens) les collectes dont nous entretiennent les épîtres
pauliniennes . - E. ARMAND.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire