La jalousie sexuelle est caractérisée par le besoin
d'exclusivité dans la possession des êtres que l'on aime, ou que l'on désire.
Ce besoin se traduit par la souffrance morale plus ou moins vive que l'on
éprouve, lorsque l'on soupçonne, et surtout lorsque l'on constate, qu'ils
accordent à d'autres que nous leurs caresses, ou brûlent de les leur accorder.
Il en résulte un état de tristesse et de colère, qui peut aller jusqu'au
meurtre et au suicide, tout au moins jusqu'à des violences Communément les jaloux
recourent a toute sorte de stratagèmes intéressés, pour éloigner leurs rivaux,
et ramener à eux seuls l'objet de leurs convoitises. Ils usent tantôt de la
prière et tantôt de la menace ; mettent en valeur des principes moraux et des
arguments sociaux, dont ils paraissaient n'avoir aupa seuls s'abstiennent
stoïque plupart du temps, ces manœuvres ; combien leur résul rendant ridicules
ou odieux, d'achever d'éloigner de nous des personnes que nous aurions voulu,
pour le reste de l'existence, ou tout au moins jusqu'à extinction de notre
flamme, lier à notre destin. La jalousie n'est pas le produit d'un raisonnement
philosophique. Comme l'amour, la haine, la douleur, ou le plaisir, elle surgit
en nous indépendamment de notre volonté, et il ne dépend pas de notre caprice
qu'elle cesse ou non de nous torturer moralement. Mais ceci n'en légitime pas
les excès, et ne comporte point que nous ne puissions réagir contre cette
passion détestable à nous-mêmes et aux autres, comme il nous est loisible de
réagir contre la tyrannie des instincts et l'entraînement des mauvaises
habitudes. L'orgueil est pour beaucoup dans la production de la jalousie. On ne
se contente pas de chercher à plaire ; on voudrait plaire plus que tous les
autres, et n'avoir qu'à paraître pour les éclipser. En conséquence, on se
trouve mortifié lorsque l'on constate que l'on n'attire point tous les regards
et, lorsque se détournent de nous des personnes qui nous sont chères et que
déjà nous avions conquises, la concurrence nous devient insupportable. On voit
ainsi des hommes et des femmes, par pure fatuité, s'efforcer de détruire des
unions, afin de se démontrer à eux-mêmes qu'ils sont irrésistibles et que nul
ne leur peut être comparé. On en voit qui, n'ai colère en apprenant qu'elle
n'est pas, de cet abandon, morte de chagrin et qu'elle a retrouvé, en d'autres
étreintes, le bonheur. Cependant la jalousie paraît être surtout le résultat de
la sélection amoureuse. En effet, on n'est guère jaloux des personnes avec
lesquelles on s'est occasion Le voyageur, obsédé par les senteurs printanières
et qui, dans son isolement, n'a d'au client qui lui succédera sur le lit de la
prostituée. Il n'a pour cette femme aucune préférence marquée. Il sait que la
banalité du service rendu, des centaines et des milliers d'autres femmes
pourront le lui procurer, en échange d'un peu d'argent. Cette compagne d'une
heure ne représente pour lui rien de rare ni de précieux. Il n'en est plus de
même lorsque, après des années parfois de solitude sentimentale, d'expériences
vaines et de contacts décevants, il rencontre enfin : soit la courtisane
experte à lui procurer à un degré inconnu l'ivresse des sens, soit l'épouse
éminemment apte à réaliser son idéal de bonheur familial, soit encore l'intel
avec des caractères différents, représentent pour lui des possibilités, sinon
uniques, du moins tout à fait exceptionnelles, de vivre intensivement sa vie,
et il s'oppose farouchement à ce qui serait sus joyaux qui ne se remplacent pas
avec certitude du jour au lendemain. En de telles circonstances et tant qu'il
ne tourne point à la folie furieuse, ou à la manie de la persécution, le désir
égoïste d'accaparement, identique dans les deux sexes, procède, il faut le
reconnaître, d'une certaine logique. Dans un autre domaine, ils ne s'inspirent
pas de pré positives : l'homme qui souffre à l'idée qu'une gouvernante, trop
souvent indifférente, pourrait être appelée à remplacer, auprès de ses enfants,
leur mère partie en escapade ; la femme qui, ayant trouvé, avec le nid qui lui
convient, une appréhension du mari qui, contraint par la loi de prendre à sa
charge les enfants de sa femme, appréhende d'endosser l'onéreuse responsabilité
de ceux qu'elle pourrait faire avec des amants, ordinairement peu scrupuleux
sur le chapitre de la procréation, lors qu'ils sont assurés de n'en point
supporter les frais. Ce sont là complications d'existence, dues à des sou
pourra faire disparaître une orga subissons. Il n'en serait pas moins utopique
de supposer que l'instauration d'une société communiste serait capable de
supprimer automatiquement, avec le goût de l'exclu antérieurs à la société
capitaliste, et que l'on constate, d'ailleurs, chez beaucoup de nos frères
inférieurs les animaux, en pleine nature. Ce n'est pas chez eux qu'il y a lieu
de puiser les meilleurs bien dans le type d'une humanité dégagée, par
l'éducation, de ses brutalités ancestrales. Cependant il est indispensable qu'à
l'éducation actuelle, qui légitime la jalousie, et lui fournit des excuses et
des armes, au nom de principes moraux abominables, soit substituée, dès à
présent, une éducation plus haute, basée sur le respect de la personne humaine
et la libre disposition de soi. Il n'est ni ridicule ni odieux de souffrir par l'abandon,
d'êtres aimés qui ont pris dans notre existence une importante place. Mais il
est ridicule de ne savoir point se dominer, et de se livrer pour cela à des
extravagances de mélodrame. Il devient odieux, et il est d'ailleurs maladroit,
d'user de la contrainte. Il est stupidement criminel de recourir à l'assassinat
–
Jean MARESTAN.
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