Les collégiens et les lycéens qui, dans
leurs classes de rhétorique et de philosophie, ont dû lire Les Provinciales, de
Pascal, ont une idée de ce que les guerres des ecclésiastiques, sur des pointes
d’aiguilles, ont de vieillot, de désuet et de ridicule pour notre âge. Ils ont
assez entendu parler de jansénisme pour se rendre bien compte de l'importance
que l'on attribuait à ce mot au XVIIe siècle et pour faire désirer étudier plus
à fond la vie et l'œuvre du fondateur de cette secte. L'énorme ouvrage que
Sainte-Beuve a tiré du cours sur Port-Royal, professé par lui à l'Académie de
Lausanne, fait mieux comprendre l'attachement des maîtres de Pascal -
Saint-Cyran, Arnauld, Nicole, etc. - à une idée qui nous paraît à présent si
vide de sens pra reviennent à chaque instant dans les articles des gran n'est
pas oiseux de parler de cette secte dans notre Encyclopédie. Le clergé
catholique cherche toujours à induire en erreur les fidèles du sanctuaire. On
affirme que le catholicisme n'a pas de sectes et néanmoins elles y foisonnent,
mais il faudrait d'abord s'entendre sur la définition du mot secte. Tous les
ordres religieux, - innombrables, - bénédic cordeliers, trappistes, chartreux,
jésuites, etc. (pour les hommes), carmélites, ursulines, etc., etc. (pour les
femmes), sont de véritables sectes, et diffèrent bien plus entre eux de règle
de vie, d'organisation, de costume, que la plupart des sectes protestantes,
qui, souvent, ne diffèrent que par le nombre de laïcs et d'ecclésiastiques dans
leurs synodes ; d'autres, comme les églises libres des cantons romands de la
Suisse, comme les églises libres de France, de Belgique, comme les indépendants
et congrégationalistes en Angleterre, ne diffèrent des églises nationales que
parce que leurs pasteurs ne sont pas salariés par l'Etat, mais sont payés par
leurs fidèles. D'autres sectes, comme les méthodistes des diverses sortes
(wesleyens primitive, new connexion), ne diffèrent par aucun dogme des autres
pro dans la même paroisse. Les presbytériens d'Ecosse ne diffèrent des
protestants réformés de France, de Suisse, de Hongrie, etc., que par le nom.
D'autres sectes protestantes ne sont guère que des sociétés d'abstinence, de
végétariens, comme devraient l'être les moines catholiques. Mais ce qu'il y a
de plus étonnant, c'est que les catholiques ne savent pas qu'il y a des sectes
romaines, soumises au pape, lesquelles envoient des députés au Conclave, et
dont les prêtres se marient, donnent la communion sous les deux espèces - pain
et vin - et disent la messe dans la langue du pays au lieu du latin. La plus
répandue de ces sectes romaines est l'Eglise Uniate, nommée quelquefois à tort
catholique grecque, car il y a fort peu d'uniates en Grèce et dans les autres
pays les prêtres uniates ne se servent pas de la langue grecque. Les uniates
sont très nombreux dans la Galicie orientale et septentrionale, en Volhynie,
dans la Ruthénie Blanche, en Roumanie, en Bulgarie. L'Eglise uniate a un
patriarche a Lwiv (Lvov, Léopol, ou Lemberg) et un autre a Czernowitz, en
Boukovine. Les anarchistes, dans des discussions avec des catholiques, pourront
toujours démontrer que l'Eglise romaine a toujours tenu ses fidèles dans
l’ignorance et trompé le peuple en affirmant des faussetés. A la fin de cet
article, nous parlerons de l'Eglise chrétienne catholique à Genève, de l'Eglise
vieille catholique en Allemagne et en Suisse allemande ; de l'Eglise catholique
nationale en Hollande, des Mariavites en Pologne, toutes formes modernes du
Jansénisme. Jansenius est la forme latine du nom hollandais Jansen ou Janssen.
A l'époque où naquit le fondateur du jansénisme, c'était encore l'habitude de
latiniser ou d'helléniser son nom comme Ramus (Pierre de la Ra ou Wessal),
Melanchton (Schwarzerde), l'Ecolampade (Hauschein) l’avaient fait. Cornelius
Jansen naquit à Akoi, près de Leerdam, d'une famille catholique, le 28 octobre
1585, et mourut de la peste le 6 mai 1638. Il étudia la théologie à l'Uni
(Michel de Bag), né à Metin, près Ash, en Belgique. Baïus était chancelier de
l'Université qui l'envoya au Concile de Trente. Par deux fois le pape Pie V
(1567 et 1569) condamna les idées de Baïus. Ce fut toujours le seul recours de
l'Eglise catholique, condam d'erreur. Baïus, qui n'était pas intrépide, se
soumit, comme le fit l'évêque Dupanloup en 1870-1871, mais en réalité il
conserva ses opinions et fut de nouveau condamné par une bulle de Grégoire XIII
en date du 29 janvier 1579. Baïus montra de nouveau sa pusillanimité en
prétendant renoncer à ses opinions en 1580. Jansenius après Louvain, étudia à
Paris avec l'abbé de Saint-Cyran qui le fit nommer président d'un collège
ecclésiastique à Bayonne (1611-1617). A son retour à Lou enseigna la théologie.
En 1630 il devint professeur régulier à l'Université et, en 1636, le roi
d'Espagne, qui était le souverain des Flandres, charmé par un pamphlet violent
contre la France (Mars Gallicus), le nomma au siège épiscopal d'Ypres. Comme
Baïus, Jansenius était un disciple passionné de saint Augustin. Il avait lu 30
fois les ouvrages de saint Augustin contre Pélage et les hérésiarques qui
avaient adopté ses théories ; il avait lu 10 fois toutes les autres œuvres du
célèbre évêque d'Hippone. L'évêque d'Ypres s'était assimilé les idées
d’Augustin sur la grâce suffisante, il était violemment opposé aux Jésuites à
qui il ne permit pas d'enseigner la théologie à l'Université de Louvain.
Jansenius avait commencé son Œuvre sur saint Augustin en 1627 et, onze ans
après, au moment où il était à l'agonie, il ne l'avait pas encore terminée. Sur
son lit de mort il recommanda à ses disciples de publier cet ouvrage ; les
jésuites et le nonce du pape à Cologne firent des démarches nombreuses pour
empêcher cette publication qui leur était odieuse. L'œuvre parut pour in-folio,
édités par Liberus Froidmont et Kalen, sous les auspices de l'Université ; le
titre en est : Augustinus, seu Doctrina Augustini de Humanae Naturxe Sanitate,
Acgritudine et Medicina adversus Pelagianos et Mascilienses. L'ouvrage fut
bientôt après réimprimé à Paris (1641) et à Rouen (1643). Jansenius y expose la
doctrine de saint Augustin sur la grâce irrésistible et l'absolue élection ou
réjection, en employant souvent les paroles mêmes du saint africain. Il
repousse la raison dans les questions religieuses. Augustin n'avait-il pas dit
: Credo quia absurdum ! Je crois parce que c'est absurde. Il appelle la
philosophie la mère de toutes les hérésies ; il accuse les jésuites et surtout
Fonseca, Molina et d'autres, de semi-pelagianisme. Les jésuites, furieux,
crièrent à l'hérésie, en disant que l'œuvre de Jansenius reproduisait les
propositions de Baïus, condamnées par le pape, et Urbain VIII le mit à l'index
par la bulle ln eminenti (1647). Les amis de Jansenius dans les Pays-Bas, parmi
les évêques et presque tous les professeurs des Universités, se soumirent,
quoique à regret, à la bulle In eminenti. Toutefois, en France, la résistance
fut plus sérieuse, les libertés de l'Eglise gallicane, en opposition à l'Eglise
ultramontaine, avaient accoutumé les esprits à une certaine liberté de
jugement. Fénelon, le célèbre évêque de Cambrai, avait, dans son for intérieur,
adopté les idées jansénistes, mais il n'était pas assez coura pour résister aux
objurgations de Bossuet, et il dut se rétracter. D'un autre côté, l'abbé de
Saint-Cyran et Antoine Arnauld, éminent docteur en Sorbonne, sa sœur Angélique,
abbesse d’un couvent de l'ordre de Citeaux à Port-Royal-des-Champs, Pascal, et
de nom Royal, se déclarèrent partisans des doctrines jansénistes. Lorsque
Innocent X, en 1653, dénonça comme hérétiques 5 propositions extraites des
œuvres de Jansenius, par Cornet, syndic de la Faculté de théologie de la
Sorbonne, la majorité des jansénistes nia que lesdites propositions eussent été
comprises par l'auteur dans le sens qui les avait fait condamner. Toutefois,
Alexandre VII insista pour que le clergé français signât une déclaration par
laquelle il repoussait les susdites propositions, comme venant de Jansenius.
Louis XIV, obéissant à la volonté de Bossuet, voulut appliquer les ordres de
Rome. Le roi déclara même dans une assemblée du clergé, en 1600, qu'il
considérait que son devoir religieux était d'exterminer les jansénistes. La
Sorbonne condamna les doctrines d'Arnauld et les Lettres provinciales de
Pascal. Le pape et le roi ordonnèrent la signature d'un formulaire de foi
(1665) rédigé par les évêques ; les jansénistes parurent se soumettre, tout en
conservant leurs opinions. Le pape Clément IX, plus tolérant d'abord, voulut
rétablir la concorde parmi les catholiques par son décret Pax Clementina, mais
la publication des Réflexions morales sur le Nouveau Testament, œuvre anonyme
d'un membre de la congrégation des Oratoriens, mit le feu à la poudre. L'auteur
était le théolo Pasquier Quesnel qui, persécuté pour ce livre, dut se réfugier
à Bruxelles, auprès d'Arnauld, dont il reçut le dernier soupir. Arrêté en 1696,
il fut emprisonné à Malines, d'où il s'évada en 1703, et mourut à Amster églises
jansénistes. C'est encore un exemple de l'intolérance romaine. Les malheurs de
Quesnel doivent nous servir d'avertissement et nous faire honnir la domination
d'un pouvoir prétendu divin. Louis XIV, qui avait pris le goût des persécutions
religieuses en révoquant l'édit de Nantes, en envoyant aux galères des milliers
de paisibles protestants, en ruinant l'industrie française par la fuite à
l'étranger de ses plus distingués représentants, écouta les insinuations de
Clément XI et fit détruire Port-Royal, obligeant le plus grand nombre des jansénistes
à se réfugier dans les Pays-Bas. Clément XI, dans sa consti tirées du livre de
Quesnel, comme hérétiques, dange pieuses. Un grand nombre d'ecclésiastiques
français et de laïcs, avec l'archevêque de Paris, le cardinal de Noailles,
attaquèrent cette constitution et, en conséquence, furent dénommés
anticonstitutionnistes. Un décret papal en date du 2 septembre 1718 menaça
d'excommunication tous ceux qui ne se soumettraient pas sans condition. Quatre
évêques (Mirepoix, Mont défendirent cet appel et dont plusieurs étaient opposés
au jansénisme, furent nommés rappelants. Le Parlement résista fermement aux
décrets du Saint-Siège. La Sorbonne vacillait ; forte le Chapitre général de
l'Oratoire résolut, en 1727, de ne pas accepter la bulle Unigenitus. Un diacre,
François de Pâris, considéré par le peuple comme un saint, s'était vu fermer la
carrière épiscopale par son refus d'adhérer à la bulle Unigenitus ; il se
retira au faubourg Saint-Marceau, à Paris, où il se livra à des macérations,
des veilles qui ébranlèrent sa santé, mais le rendirent encore plus populaire.
Mort en 1727, il fut enterré dans le cimetière Saint-Médard qui devint un lieu
de pèlerinage, de nombreux miracles s'y faisaient, disait-on, les femmes y
tombaient en pâmoison, en d'horribles convulsions. Le gouvernement fit fermer
le cimetière et interdit les processions qui s'y rendaient. Les Français sont
frondeurs, et aussi vît-on des affiches portant ces mots : « De par le Roi,
défense à Dieu de faire miracle en ce lieu ». Cependant, lorsqu'un décret royal
devint loi par l'enregistrement au Parlement (1730), la résistance des
jansénistes fut graduellement supprimée. Les Oratoriens finirent par accepter
la bulle en 1746. Cependant il s'éleva de nouvelles difficultés. L'archevêque
de Paris, Christophe de Beaumont, par bulle Unigenitus, fit de l'opposition au
Parlement et aux ministres qui avaient des ten l'empêcha pas de commander à ses
prêtres de refuser la communion à tous ceux qui n'ac Benoît XIV en 1756. Le
parti jansé La plupart des membres ecclésiastiques des Etats-Généraux de 1789
étaient jansénistes. A la Restauration, le jansé le Second Empire les
jansénistes eurent un organe officiel : L'Observateur catholique. En Italie,
plusieurs évêques, partisans des réformes de Léopold II de Toscane et de
Napoléon, comme Ricci, évêque de Pistoïa, et Capece-Latro, archevêque de Tarente,
passent pour avoir été jansénistes. Tandis qu'en France le jansénisme restait
une école théologique, dans les Pays-Bas il devint une secte régulière. En
1704, Codde, vicaire apostolique de l'archevê le Chapitre refusa d'admettre la
validité de cette déposition. En 1723, le Chapitre élut un archevêque d'Utrecht
qui fut consacré par l'évêque français de Babylone in partibus, qui avait dû se
réfugier à Amsterdam. Le pape, informé de l'élection, répon à un concile
général futur, appel qui a été répété par tous ses successeurs. L'arche
nombreux évêques, plus de 100 de ces lettres sont conservées dans les archives
de l'église d'Utrecht. Après la mort de l'évêque de Babylone, l'ar (élu en
1739) rétablit le siège suf 1758, pour assurer la succession apostolique. En
1856, les évêques jansénistes publièrent une pro proclamation du dogme de
l'Immaculée-Conception. Les jansénistes exercent une grande influence intellec
Hollande, où ils sont fort estimés, bien que l'immense majorité de la
population de la Hollande soit protestante. Le concile œcuménique du Vatican, en
1870, fit faire un grand progrès au jansénisme. Quelques remarqua dogme de
l'infaillibilité du pape. Ils se séparèrent avec éclat de l'Eglise
ultramontaine et fondèrent l'Eglise vieille catholique. Leurs évêques furent
consacrés par l'archevêque janséniste d'Utrecht. Il y a beaucoup d'églises
vieilles catholiques dans l'Allemagne catholique ; des Facultés de théologie
vieille catholique existent dans plusieurs Universités. A Genève, le
gouvernement auquel appartenaient plusieurs catholiques libéraux, interdit la
publication du dogme de l'infaillibilité qui met l'autorité ecclésiastique
au-dessus de la constitution civile. Le Conseil d'Etat (Conseil des ministres
de la République génevoise) s'empara des églises catholiques du canton et
nomma. des prêtres libéraux qui fondèrent une Eglise catholique nationale. On
fit appel au Père Hyacinthe Loison, le grand orateur qui, lui aussi, n'avait
pas voulu admettre l'infaillibilité. Mais Hyacinthe Loison ne tarda pas à se
quereller avec ses ouailles. Son mariage choqua les vieux catholiques encore
partisans du célibat des prê qui ne dura pas longtemps. Les villages catholiques
de la république du canton de Genève, annexés en 1815 à Genève par le congrès
de Vienne pour écraser le protestantisme dans la Prusse calviniste, étaient
restés fermement attachés aux anciens prêtres ; les nouveaux, nommés par le
gouver prêtres français opposés au dogme nouveau, ne surent pas gagner
l'affection de leurs paroissiens. Les églises étaient vides ; les catho
nouveaux lieux de culte. Enfin l'Etat rendit aux catholiques romains l'église
NotreDame, la principale église catholique de la ville, ne conservant au culte
national que deux églises. Les catholiques jansénistes sont appelés catholiques
chré encore 2 ou 3 prêtres et publient un petit journal. Quoique haïs par les
catholiques romains, les prêtres catholiques chrétiens sont grandement estimés
de la population. La séparation des Eglises et de l'Etat votée par le peuple,
rend la position économique des catholiques chrétiens difficile, tandis que les
églises catholiques ultramontaines reçoivent de grandes sub catholiques
chrétiens ont été consacrés par les évêques jansénistes de la Suisse allemande.
A Berne, le Kultur Kampf avait été des plus violents. Le gouvernement bernois
avait fait défendre la lecture du Syllabus dans les églises catholiques.
L'évêque de Bâle, Lachat, résidant à Saleure, déclara qu'Il ne reconnaissait
pas les ordres du gouvernement et que le pape était au-dessus des
gouvernements. Tous les prêtres du Jura bernois se déclarèrent solidaires de
l'évêque et résolus à ne pas obéir aux lois. Le gouvernement les expulsa tous
et ferma les cou d'une guerre violente. Le gouvernement ayant fait appel à des
prêtres français opposés au Syllabus, entre autres à l'abbé Deramey, professeur
en Sorbonne, les paroissiens fuyaient les églises, attaquaient les nouveaux
curés toutes les fois qu'on les rencontrait seuls. On coupait les arbres des
jardins des curés, on enduisait d'excréments les poignées des portes des curés
appelés intrus. Quand les femmes des leaders catholiques rencontraient les
nouveaux curés, elles se frappaient sur les fesses, de sorte que le journal Le
Frondeur, de Délémont, avait créé l'ère du « salut à la mode ». Les curés
libéraux avaient lancé plusieurs journaux, mais les ultramontains possédaient
beaucoup d'argent et leur autorité excitait la haine contre les jansénistes.
Enfin le Conseil fédéral suisse ordonna au gouverne d'organiser un plébiscite
sur la question des prêtres. La majorité réclama ses anciens curés et les
prêtres libéraux durent quitter la Suisse. Il n'y a plus que quelques églises
vieilles catholiques : à Bienne, à Berne, etc. Une Faculté de théologie vieille
catholique existe encore à Berne ; les professeurs ont été consacrés par l'évêque
janséniste suisse. Les étudiants, à la fin de leurs études, deviennent curés
des paroisses catholiques nationales, mais le mouvement ne progresse guère ;
quand un catholique romain est con libre penseur et ne s'arrête pas à moitié
chemin, au jansénisme ou au protestantisme. - G. BROCHER.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire