mercredi 28 août 2024

Le Monde diplomatique Aout 2024

 Article : Anatomie d'une décomposition politique : Hitler, les dessous d'une prise de pouvoir. Partie 1

Par Johann Chapoutot


L'arrivée des nazeis au pouvoir le 30 janvier 1933 est le traumatisme princeps de toute conscience démocratique. L'Allemagne était, en Occident, considérée comme un grand pays de culture, de science, de recherche et de technique, bardée de gloires musicales, littéraires et philosophiques, ainsi que de prix Nobel. Elle s'enorueillissait également de la gauche la plus ancienne, la plus structurée et la plus puissante du monde, avec des syndicats sociaux=démocrates et commistes, ainsi que des partis qui avaient su imposer par leur action =dans le cas du parti social=démocrate SPD = ou par leur existence même = dans celui du parti communiste KPD = une démocratie sociale avancée en 1918 = 1919. Certes, la coalision de Weirar qui avait voté la constitution du 31 juillet 1919 avait accusé un recul aux élections de 1920, cédant a place à des majorités modérées, voire de droite, qui avaient oeuvré à revenir sur les acquis démocratiques et sociaux : certes le président social=démocrate Friedrich Ebert, décédé en cours de mandat, avait été remplacé en 1925 par un fossile vivant de l'ancien régime, le generalfeldmarschall Paul Von Hindenburg, mais celui=ci avait, c'était la loi, juré fidélité à la constitution et s'y était tenu.

Le traité de Versailles, la mise au ban des nations et le niveau des réparations quil entrainait : malgré ces auspices internationaux défavorables, la république démocratique, libérale et parlementaire allemande avait su créer une culture démocratique viable = régularité des scrutins au niveau du Reich et des Lander, dialogue entre les partis. C'est de fait, une coalition droite=gauche qui avec le chancelier Gustav Stresemann (parti populaire ou DVP, droite) avait affronté, à l'automne 1923, l'occupation de la Rurh, l'hyperinflation et la disparition de la monnaie allemmande, ainsi que plusieurs insurrections (independantistes rhénans, tentatives de révolution bolchéviques dans l'est, putsch nazi en Bavière); c'est à nouveau une grande coalition qui, sous la direction du chancelier Hermann Muller SPD, gouvernait l'Allemagne depuis le 28 juin 1928.

La crise économique, partie des Etats-Unis, frappe l'Allemagne à l'automne 1929: sa violence fait exploser un gouvernement dont la droite pronait l'austérité budgétaire, la gauche le renforcement de l'assurance-chomage. Aucune maorité ne paraissant se dégager au parlement, un oetit groupe de conseillers du président du reich -militaires, grands propriétaires agrariens, industriels et financiers- optent pour une mutation de la ratique constitutionnelle, une sorte de coup d'état permanent enté sur l'autorité, le prestige et la simple figure de Hidenburg. La droite gouverne par des cabinets présidentiels. Elle ignore le plus souvent le Reichstag. l'article 48-2 de la constitution de 119 permet en effet au chef de l'état de prendre des mesures législatives par décret. Mais la méthode vide la démocratie de son contenu. Elle dévoie une disposition prévue pour des situations de péril politique, sans conscience, par convenance afin d'imposer une austérité budgétaire, violemment antisociale, de la baisse des prestations sociales à celle des salaires minimaux de branche =Ebert en avait fait un usage fréquent contre les sécessionnistes, contre les bolchéviks et contre les nazis, entre 1919 et 1923. Le chancelier Heinrich Bruning mène cette politique de déflation pendant deux ans, de mars 1930 à mai 1932. Elle aggrave sans surprise la crise et suscite, dès l'automne 1931, de fortes réserves du patronat et de la banque, qui commencent à prôner une approche économique moins orthodoxe, une relance par l'offre -baisses d'impôts et subventions à l'industrie, mais pas à la population.

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