vendredi 2 août 2024

Principes pour une littérature qui empeste par Michel Surya

 Rat, le mot "rat, dans le mot : "littérature.

Rat très présent chez Bataille. Toujours chez Guyotat. Dans les littératures de Bataille et de Guyotat.

(Qu'on entende un peu de littérature, tant de choses qui se font passer pour, surtout en ce moment, en toute inconvenance, qui n'en sont aucunement; que beaucoup sont d'autant plus contents de tenir pour telle, qui ne veulent rien avoir affaire avec vraiment, avec vraiment la littérature, qui effraie...Entre autres irritations intolérables de ce moment).

Bataille, donc, extrait d'"histoire de rats", dans "L'impossible":

...si maintenant je pense - en ce moment le plus lointain d'une défaillance, d'un dégoût physique et moral - à la queue rose d'un rat dans la neige, il me semble entrer dans l'intimité  de "ce qui est", un léger malaisée me crispe le cœur. Et certainement je sais de l'intimité de M., qui est morte, qu'elle était comme la queue d'un rat, "belle comme la queue d'un rat! Je le savais déjà que l'intimité des choses est la mort.

Du putain, vivant entre enchère et charogne, comme du rat, vivant-mourant de la faim du putain, si proches l'un de l'autre sans pourtant pouvoir faire qu'ils soient absolument les mêmes, Guyotat fait et dit qu'il est un "absolu" (on restera longtemps à tenter d'imaginer dans le temps insipide qui est déjà là et vient plus encore qu'un écrivain ait jamais dit que le putain n'est pas moins que Dieu, la beauté, l'amour, l'argent...un absolu). Explicitement : "quelque chose d'insituable entre Dieu, l'Histoire, et ce qu'on connait de l'humanité; et tout simplement [tout simplement, ni plus ni moins, dit la même phrase qui dit "pourquoi il l'aime"], parce que c'est un absolu [...] Absolu qu'il aime jusqu'à l'état nourrisson qui est le sien : "Le bébé-putain, c'est immédiatement de la charogne qu'il mange, enfin de la bouillie, de la bouillie de charogne de rat."

La littérature n'est grande qu'à la condition de (se) représenter une femme aimée belle et morte comme la queue d'un rat (Bataille); et le putain à l'état bébé chérissant la bouillie de charogne de rat dont on le nourrit (Guyotat). Toute autre littérature est de toujours déjà vendue au divertissement.

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