« Qui peut être mobilisé », lit-on dans les dictionnaires... C'est qu'en
effet, au point de vue bourgeois, il n'y a guère plus à dire sur un tel mot,
étant donné qu'un fils du peuple, ayant reçu l'éducation laïque et obligatoire
(aussi bien d'ailleurs que celui qui reçut celle de l'école congréganiste) doit
savoir ce qui lui reste à faire quand il plaît au gouvernement de déclarer la Mobilisation
générale. S'il a été jugé bon pour le service, s'il a fait son devoir
militaire, en un mot si rien n'est venu modifier ses aptitudes essentielles
de mobilisable, il est possesseur d'un livret militaire sur' lequel sont
indiqués les jour, heure et lieu où il doit se présenter pour être équipé,
dressé, entraîné et dirigé pour servir et défendre la Patrie. Se
dérober à cette obligation prend immédiatement un caractère de gravité dont la
multitude des mobilisables redoutes les conséquences matérielles et morales et
le risque physique. Pour le jeune homme sous les drapeaux au moment de la
mobilisation, c'est plus simple : il n'a qu'à se laisser conduire sans savoir
où il va ; c'est absolument comme le troupeau qu'on mène à l'abattoir, mais ici
le nom de la destination change : elle s'appelle le champ d'honneur.
C'est à ce champ d'honneur que le mobilisable – et cela est d'une inconscience
effroyable – de lui-même, doit se rendre et être exact, surtout, au rendez-vous.
Le grand souci de la plupart des mobilisables n'est-il pas toujours de savoir
si la feuille du livret militaire leur donnant toutes indications est bien
exacte ? Aussi, n'attendent-il pas, souvent, la visite du gendarme pour les
rectifications possibles et s'en vont-ils, à leurs dépens, à la gendarmerie
pour se renseigner et, bien souvent, se faire rabrouer par les aimables chiens
de garde de l'Ordre, de l'Autorité et de la Propriété. Cela n'empêche nullement
le mobilisable de se croire un citoyen conscient et de se prétendre même un
homme libre !
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