L'excès du mal n'est ferment de Révolution
Parallèlement à cette croyance néfaste en l'impossibilité de briser le cercle de fer de la "loi des salaires" , et comme une déduction excessive, tant de cette loi que de la confiance en la venue fatale de la révolution, par le jeu des événements, sans intervention de l'effort des travailleurs, certains se réjouissaient s'ils constataient le grandissement de la "paupérisation", l'accroissement de la misère, de l'arbitraire patronal, de l'oppression gouvernementale, etc...A entendre ces pauvres raisonneurs, de l'excès de mal devait jaillir la révolution! Donc toute recrudescence de misères, de calamités,etc..., leur semblait un bien, -rapprochait de l'heure fatidique.
Erreur folle! Absurdité! L'abondance des maux, - quelle que soit leur espèce-, n'a d'autre résultat que de déprimer ceux qui en pâtissent. Il est d'ailleurs facile de s'en rendre compte. Au lieu de se payer de phrases, il suffit de regarder et d' observer autour de soi.
Quelles sont les corporations où l'activité syndicale est la plus accentuée? Ce sont celles où la durée du travail n'étant pas exagérée, les camarades peuvent, leur besogne finie, vivre une vie de relation , aller aux réunions, s'occuper des affaires communes; ce sont celles où le salaire n'est pas réduit à une modicité tel que tout prélèvement pour une cotisation, un abonnement à un journal, l'achat d'un livre équivaut à la suppression d'une miche sur la table.
Au contraire, dans les métiers où la durée et l'intensité du travail sont excessives, quand l'ouvrier sort du bagne patronal, il est tué physiquement et cérébralement; alors il n'a que le désir,-avant de rentrer chez lui manger et dormir-, d'avaler quelques gorgées d'alcool, afin de se secouer, se remonter, se donner un coup de fouet. Il ne songe pas à aller au syndicat, à fréquenter les réunions, il n'y peut pas songer! - tant son corps est moulu de fatigue, tant son cerveau déprimé est inapte à fonctionner.
De même, de quel effort est capable le malheureux dégringolé dans la misère endémique, le loqueteux que le manque de travail et les privations ont élimé? Peut-être, dans un soubresaut de rage esquissera-t-il un geste de révolte...mais ce sera un geste sans récidive! La misère l'a vidé de toute volonté, de tout esprit de révolte.
Ces constatations - qu'il est loisible à chacun de vérifier et de multiplier- sont l'infirmation de cette étrange théorie que l'excès de misère et d'oppression est un ferment de révolution. Le contraire est seul exact, seul vrai! L'être faible , dont le sort est précaire, qui a une vie restreinte, qui est matériellement et moralement esclave, n'osera regimber sous l'exploitation; par crainte du pire, il se recroquevillera , ne tentera aucun mouvement, aucun effort et croupira dans sa situation douloureuse. Il en va autrement de celui qui par la lutte s'est fait homme, qui, ayant une vie moins étroite, a l'esprit plus ouvert, et qui, ayant regardé son exploiteur en face, se sait son égal.
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