vendredi 21 avril 2017

Article dans "Malfamées Filles en colère" Mai 2000

Soyons clair(es) : ce texte n'est pas un texte théorique mais juste un gros aaargh de colère devant les éternelles bipartitions des stéréotypes masculin/féminin. Notre thème de ce soir , mesdames et messieurs, sera la sexualité.

J'ai souvent l'impression , et ce même en lisant des textes féministes ou apparentés, que la sexualité féminine serait  une espèce d'îlot merveilleux, où tout glisse sur du velours , et dont les fondements seraient la tendresse , la compréhension, l'amour et gnagnagna, que les filles auraient une sorte d'incapacité génétique à baiser sans sentiment aucun, même si on admet aujourd'hui qu'elles puissent folâtrer sans que ce soit la grande passion, mais que bon quand même sans ce petit chouilla de sentiment, y'a pas moy'. Ce stéréotype me semble de plus aller souvent de pair avec celui d'une sexualité très soft , très propre et si possible, passive.

Je suppose que, comme toujours ou presque, cela vient du conditionnement des femmes par l'éducation : dans ce cas précis , on leur apprend dès l'enfance à rêver à cette incroyable invention des hommes qu'est l'aliénation volontaire ( l'amour) etc etc on a déjà dû en écrire des tartines sur le sujet, je ne crois rien avoir de neuf à apporter mais ce qui me sidère c'est que même chez les féministes radicales on puisse se complaire à le perpétuer. Pourfendons le chromosome Harlequin, mes sœurs!

Ce qui est encore plus curieux, c'est la coexistence de ce discours avec le discours sur la masturbation , qui , lui affirme clairement la possibilité de prendre du plaisir , comme ça, dans le vent, pour soi un point c'est tout.Vous n'êtes pas amoureuses de vos doigts les filles, non?

Je ne suis pas en train de dire qu'il faille considérer ses partenaires sexuels comme des objets à prendre du plaisir, je ne dis pas qu'il est souhaitable d'avoir des relations avec des personnes pour qui on éprouve la plus profonde indifférence , je dis simplement que c'est possible. (Et ça n'a rien d'incompatible avec le fait qu'on puisse trouver très beau de faire l'amour avec la personne dont on est amoureuse). Qu'il n' y a aucune raison pour que la libido féminine soit plus dépendante des sentiments que la masculine. Que les filles ont encore des réticences à dire qu'elles baisent et qu'elles ne font pas l'amour. Nos zones érogènes , c'est le clitoris, le vagin, , les seins, les oreilles, les pieds, les mains, tout ce que vous voudrez mais pas le coeur. Mais, à la limite , c'est même pas grave d'être sentimentale, ce qui est assez emmerdant c'est qu'on puisse se servir de vos/nos émotions pour appuyer un discours naturaliste.

J'en viens à mon deuxième aaarrgh qui est lié au premier: c'est une certaine image de la féministe-coincé du cul qui commence à me brouter sérieusement. ( note pour les garçons: ça veut dire "casser les couilles" mais pour les filles.) Donc petit récapitulatif salutaire: être féministe , c'est reconnaître l'existence de l'oppression patriarcale qui est celle d'un groupe dominant -le mâle hétéro- sur plusieurs groupes : les femmes, bien sûr, dans leur ensemble, quelque soit leur genre ou leur sexualité , mais aussi les homos, les transgenres et les hommes pas assez virils, et donc lutter contre ces oppressions.

Donc, dans cette définition du féminisme, je ne vois rien qui implique un quelconque rejet  ni de la sexualité, ni même de formes particulières de sexualité  ( la question du SM en particulier est toujours polémique ) .
 Toute forme de sexualité librement choisie est compatible avec une pensée  féministe, y compris les rôles de soumission, à condition que ces rôles soient clairement pensés et assumés comme tels , et qu'ils ne puissent être suivis d'effets dans les autres circonstances de la vie. En revanche les féministes reconnaissent aux femmes et aux hommes le droit de refuser la sexualité dans son ensemble ou que certaines pratiques puissent leur poser problème ( la pénétration par exemple ) et en souhaitant que les femmes qui les rejettent n'aient plus à craindre l'éternel "frigide" suivi de l'éternel ricanement qui va avec.

Sur ce, je me permets de vous laisser      Marie-Jo






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