« Or,
si manipulation il y a, elle ne réside pas seulement dans le fait
d'extorquer une décision au groupe. Elle tient aussi, et surtout, à
la façon dont est utilisée la technique de décision pour amener
les travailleurs à accepter , en toute liberté, d'émettre des
comportements qui de toute façon était requis. Et c'est ce
sentiment de liberté de choix qui permettra, par la suite, aux
décisions obtenues de donner lieu aux effets de persévération
susceptibles de se traduire par d'authentiques amorçages, par
exemple, lorsque les travailleurs réalisent, lors de l'application
d'une décision qu'ils sont censés avoir prise – et qui n'est pas
différente de celle qu'aurait prise la hiérarchie, animateur habile
oblige- que celle-ci s'avère plus coûteuse qu'ils ne le
prévoyaient ; que la nouvelle technologie qu'ils ont acceptée
implique une élévation de la charge de travail, une réduction
d'effectifs...Comme les étudiants de Cialdini, n'auront-ils pas
alors tendance à rester sur une décision initiale qu'ils
n'auraient jamais prises en toute connaissance de cause ?
Sans
oublier que le fait d'accepter de participer à certaines prises de
décision – et peut-on refuser longtemps lorsqu'on vous propose de
dire-votre-mot-à-votre-niveau ? - peut parfaitement constituer
le comportement préparatoire qui, par pied-dans-la-porte cette fois,
est susceptible de conduire à l'acceptation d'une implication plus
coûteuse dans la gestion (par exemple à l'acceptation d'horaires
flexibles), implication que n'accepteraient probablement pas si
facilement ceux qui n'ont pas auparavant été sollicités pour
dire-leur-mot-à-leur-niveau. Comme on le voit , de nombreux
dispositifs d'expression, ou de décision, ont au moins des
potentialités manipulatrices. Insistons sur le fait que celles-ci ne
tiennent pas seulement aux processus d'influence et de persuasion que
ces dispositifs permettent, ce qu'on sait depuis longtemps. Ces
potentialités manipulatrices tiennent surtout, pour les salariés
qui acceptent de participer à ces dispositifs, à leur engagement
dans des décisions qui ne sont pas toujours aussi libres qu'on les
présente.Et c'est bien cet engagement, plutôt que les processus
d'influence ou de persuasion, qui peut conduire à une soumission
librement consentie par amorçage ou pied-dans-la-porte. »
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