L'histoire
prouve que les formes et les méthodes de lutte de la classe ouvrière
et du mouvement syndical sont différentes et multiples. Les grèves
cependant ont été et restent l'une des formes et des
moyens
les plus puissants de la lutte de classes. Les grèves revêtent une
importance particulière, car
elles
éduquent les travailleurs et le mouvement syndical dans l'esprit de
classe et de solidarité, de haine envers la bourgeoisie et ses
instruments. « Les grèves, souligne Engels, sont une
école de combat où les travailleurs se préparent au grand
affrontement devenu désormais inévitable (1). »
D'abord
une action spontanée et isolée, la grève à mesure que s'élève
le degré de la conscience de la
classe
ouvrière, devient une action organisée qui traduit l'esprit de
protestation contre l'exploitation et l'oppression capitaliste. La
classe ouvrière revendique, par la grève, non seulement la
reconnaissance de ses droits niés et des garanties de travail, mais
aussi le droit d'être entendue chaque fois que se posent les
problèmes économiques, sociaux et politiques du pays.
Les
conditions misérables et l'appauvrissement des larges masses
travailleuses dans les pays capitalistes ont inévitablement porté à
des conflits sociaux aigus. La puissante montée du mouvement
gréviste, les manifestations, l'occupation des entreprises et des
institutions capitalistes, de même que les sanglantes échauffourées
avec la police et les forces armées bourgeoises reposent, certes,
sur une base objective. Loin d'avoir un caractère « émotionnel »,
elles sont le résultat et l'expression concrète d'une prise de
conscience politique plus nette de la classe ouvrière et des autres
masses exploitées, de l'exaspération des contradictions entre le
travail et le capital, de la crise profonde dans laquelle se débat
le capitalisme.
Dans
les pays capitalistes, le chômage a pris de vastes proportions. A la
fin de 1971, le nombre des
chômeurs
aux USA est monté à 5 millions et demi, soit 6 pour cent de la
population active. Au début de 1972, il y avait en Grande-Bretagne
plus de 1 million de chômeurs alors qu'en Suède le nombre des
chômeurs s'élevait en août 1971 à 107 000, le chiffre le plus
élevé atteint dans ce pays après la Seconde Guerre mondiale.
Le
mouvement gréviste, produit du système capitaliste, ne cesse de
croître et de s'amplifier comme le fait apparaître la dynamique des
grèves. Alors qu'en vingt ans, de 1920 à 1939 on a enregistré 17
700 grèves avec 81 millions de participants, de 1947 à 1966 leur
nombre s'est élevé à 380 000 avec environ 300 millions de
personnes. Rien que de 1965 à 1970 le nombre des grévistes dans les
pays capitalistes développés a atteint le chiffre record de 312
millions.
«
La lutte de classes du prolétariat et des autres couches sociales
exploitées, a dit le camarade Enver Hoxha au VIe Congrès du
Parti du Travail d'Albanie, a pris une telle ampleur, par le
nombre des participants comme par son âpreté, que la période
actuelle peut être comparée, pour la bourgeoisie capitaliste, aux
périodes les plus critiques qu'elle ait traversées (2).
»
Le
développement impétueux de la lutte de classes du prolétariat, son
caractère de masse et son exaspération, de même que
l'approfondissement de la crise politique et sociale dans les pays
capitalistes constituent le trait fondamental de la période
actuelle. Cela se traduit essentiellement par
une
participation sans cesse croissante de la classe ouvrière et des
autres couches exploitées au mouvement gréviste, par l'augmentation
du poids spécifique des grèves à caractère politique, par
l'entrelacement des revendications économiques et des revendications
politiques et par un niveau plus élevé de leur organisation. Les
grèves et les manifestations pour des revendications économiques
s'accompagnent toujours plus d'actions politiques et de
revendications pour des libertés démocratiques et des droits
syndicaux, contre la répression policière de l'Etat bourgeois,
contre l'impérialisme et les monopoles.
Dans
les pays capitalistes c'est pour servir la bourgeoisie qu'est
élaborée la législation qui résout les conflits du travail en sa
faveur. Les gouvernements bourgeois recourent souvent à la loi pour
suspendre, arrêter et réprimer les grèves sous le prétexte de «
défendre les intérêts nationaux ». C'est
ainsi
qu'aux USA, la loi anti-ouvrière Taft-Hartley, a conféré au
président des pouvoirs illimités qui lui permettent d'intervenir
dans les conventions collectives, d'interdire le droit de grève
toutes les fois qu'il le juge opportun, et de dicter les conditions
de règlement du « conflit » entre les ouvriers et les employeurs,
etc. Il intervient légalement et peut suspendre provisoirement la
grève pendant 90 jours.
Et
les faits témoignent que le président des USA a usé toujours plus
de ces lois contre les droits légitimes de la classe ouvrière. En
Grande-Bretagne, également, le gouvernement conservateur de Heath a
fait promulguer en 1970, la loi sur les « Rapports dans l'industrie
» qui limite le droit de grève à la classe ouvrière. De pareilles
mesures de restrictions du droit de grève, sanctionnées par la loi,
ont été prises de façon plus ou moins semblables dans tous les
pays capitalistes.
Les
idéologues bourgeois cherchent à dénigrer le rôle des grèves, à
atténuer leur esprit de classe et révolutionnaire, à les diffamer.
Dans leur propagande, ils cherchent à faire croire que la grève «
a fait son temps », « qu'elle a changé de nature », etc. Ainsi C.
Harmel affirme : « Elle est morte, la grève héroïque, la grève
exaltante, la grève où l'on courait des risques, la grève qui
était une bataille, une vraie bataille (3). »
Les
« leaders » des syndicats réformistes et révisionnistes prêtent
une grande aide à la bourgeoisie en s'efforçant d'éviter les
collisions entre les classes antagonistes. Ils cherchent à adoucir
les conflits
sociaux
en s'entremettant pour les régler d'en haut, pour contrôler et
freiner les actions de la classe ouvrière. Parfois ils sont obligés
d'approuver les grèves, et ce sous la pression des ouvriers et pour
des raisons démagogiques. Ils déploient tous leurs efforts qui ne
sont pas toujours fructueux, pour que les grèves se déroulent dans
l'ordre et le calme, sans manifestations, sans troubles et dans le
respect des normes et de la légalité bourgeoise. Ils cherchent à
engager le mouvement gréviste dans la voie du pacifisme et du
réformisme bourgeois, de le rendre le plus apolitique possible. Les
dirigeants révisionnistes de la CGIL, dans le but de maintenir
l'ordre et la paix et d'éviter les « excès » sont allés jusqu'à
créer durant les grèves « la police syndicale » qui est dirigée
contre les ouvriers révolutionnaires et soutient en fait l'Etat
bourgeois. Un tel agissement est sans précédent dans l'histoire du
mouvement syndical.
Afin
d'affaiblir l'unité et la solidarité de la classe ouvrière et du
mouvement syndical, leur esprit de combat et d'unité de classe, les
« leaders » des syndicats réformistes et révisionnistes dans les
pays capitalistes, ne pouvant en de nombreux cas éviter les grèves,
cherchent à les limiter ou à les saper. C'est pourquoi, ils
s'efforcent de faire en sorte qu'elles soient dispersées et
morcelées, qu'elles n'englobent pas toutes les professions et les
divers secteurs mais seulement des branches isolées.
Selon
la pratique bien connue réformiste et révisionniste, la date de la
grève doit être annoncée plusieurs jours d'avance et les
travailleurs des services publics ne doivent pas se mettre en grève,
soi-disant pour ne pas faire du tort au peuple, etc. Ces procédés
ne peuvent que favoriser les monopoles et les gouvernements bourgeois
afin que ceux-ci ne soient pas pris à l'improviste, qu'ils aient le
temps de prendre des mesures répressives, remplacer les grévistes
par des briseurs de grève et de faire pression sur les hésitants.
A
l'heure actuelle, les grèves se développent et s'étendent toujours
davantage dans les pays capitalistes, mais cela ne veut pas dire
qu'elles soient incitées et soutenues par les dirigeants des
centrales syndicales réformistes et révisionnistes. Si le mouvement
gréviste a acquis plus de mordant et de force, cela n'est pas dû
aux chefs syndicaux, mais aux ouvriers, à la pression et à
l'impulsion de la base. C'est ce qui est arrivé en Italie pendant
les grandes grèves du 19 novembre 1968, auxquelles ont participé 20
millions de travailleurs, et celles de 1970 connues sous le nom d' «
Automne chaud », etc.
Les
dirigeants syndicaux réformistes et révisionnistes, pour ne pas
être démasqués et ne pas rester à la traîne, se voient souvent
obligés de prendre eux-mêmes la direction des grèves pour les
saboter du dedans. Il en est ainsi en Italie, en France, en
Grande-Bretagne, en Allemagne Occidentale et dans d'autres pays
capitalistes. L'exemple le plus typique de la trahison des dirigeants
syndicaux est fourni par les grandes grèves de mai-juin 1968 en
France auxquelles ont participé plus de 10 millions de travailleurs
; elles ont éclaté non seulement sans l'initiative mais aussi
contre la volonté de la CGT.
Son
président, B. Frachon, est allé jusqu'à considérer cette grève
comme un « maux du gauchisme ». Les dirigeants de la CGT de France
effrayés par la durée de la grève et le caractère politique
qu'elle revêtait, ont tenté de la saboter en faisant appel à la «
réserve » et à la « modération » ; mais voyant qu'ils
risquaient de s'isoler des ouvriers, ils l'ont soutenue et se sont
efforcés d'en prendre la direction dans le but de la saper par la
suite. Leur principal souci était la reprise immédiate des
négociations avec le patronat et le gouvernement. Dans les pays
capitalistes l'Etat comme le patronat reconnaissent légalement à
certaines centrales syndicales seulement le droit de grève. Toute
grève faite en dehors et sans l'approbation de ces centrales est
considérée comme illégale, tant par celles-ci que par le patronat
et l'Etat. Actuellement, il y a de nombreux cas où la classe
ouvrière, de sa propre initiative, et sans consulter les chefs
syndicaux, et souvent en opposition avec eux, se met en grève, et ce
sont ces arrêts de travail que la bourgeoisie qualifie de « grèves
sauvages ».
Les
grèves sauvages qui sont un autre aspect de l'exacerbation des
contradictions non seulement entre le capital et le travail, mais
aussi entre les travailleurs et les simples membres des syndicats
d'une part, et la direction syndicale réformiste et révisionniste,
d'autre part, représentent un degré plus avancé de la lutte
gréviste. Le trait dominant de ces grèves est qu'elles sont
décidées et dirigées par la base, par les ouvriers, et sortent du
cadre traditionnel des grèves officielles.
Faisant
état des grèves « sauvages » de 1969, « Le Monde » indiquait
qu'en recherchant la confiance du patronat, les dirigeants syndicaux
risqueraient de perdre une partie de la confiance des ouvriers.
Ces
grèves ont surtout eu lieu dans la deuxième moitié des années 60,
et elles ont éclaté dans de nombreux pays capitalistes. En
Grande-Bretagne leur nombre moyen annuel entre les années 1964-1967
a été de 2 150 contre 84 grèves « officielles ». En 1967, une
grève « sauvage » des dockers anglais a paralysé durant sept
semaines consécutives tous les ports britanniques ; les ouvriers ont
élu leurs propres organes, les comités de grève, comme instruments
de direction et d'organisation pendant la période de cessation du
travail.
La
Suède, que la bourgeoisie considère encore comme le pays classique
de « la paix des classes », comme « la société du bien-être »,
etc., a été secouée, en 1969, pendant de longs mois, par de
grandes grèves qui ont éclaté dans les mines de Göteborg, de
Norbatten, etc. La social-démocratie suédoise, qui gouverne le pays
depuis plus de quarante ans, n'a nullement affecté les bases du
capitalisme ; au contraire, l'exploitation s'y accentue, les salaires
réels baissent, ce qui conduit à une croissance du mouvement de
protestation. Il résulte des statistiques qu'en 1965 la Suède
venait au dernier rang des dix plus grands pays capitalistes quant
aux journées de travail perdues du fait des conflits sociaux, en
1968, par contre, elle occupait la cinquième place dans ce même
classement. Le mouvement gréviste ne fait que gagner en ampleur ; de
nouveaux contingents et de nouvelles couches exploitées s'y engagent
de plus en plus. La valeur des grèves ne se mesure pas, comme le
font les réformistes et les révisionnistes, aux quelques avantages
économiques immédiats, mais avant tout aux résultats moraux et
politiques qu'elles entraînent, car c'est seulement par des actions
et des luttes de classes que le prolétariat élève son esprit
révolutionnaire et affermit sa conscience.
A
partir de là, les UPA ont toujours soutenu et épaulé par tous les
moyens les grèves, les actions de
masse
et autres formes de la lutte de classes du prolétariat contre les
monopoles, le pouvoir bourgeois, l'impérialisme et ses instruments
contre les dirigeants syndicaux réformistes et révisionnistes.
Dans
la déclaration de solidarité que le Conseil Central des UPA a
adressé aux ouvriers français lors
de
la grève générale de mai-juin 1968, il était dit : « Notre
classe ouvrière et son organisation — les
Unions
Professionnelles d'Albanie — saluent chaleureusement et
soutiennent sans réserve l'action
courageuse
de la classe ouvrière et des étudiants français, et elles se
solidarisent entièrement avec
leur
juste lutte contre les monopoles et leur pouvoir d'oppression. Tout
en dénonçant et en
condamnant
l'activité de trahison de la direction révisionniste de la
Confédération Générale du
Travail
en France, les travailleurs et les Unions Professionnelles d'Albanie
assurent les travailleurs
français
qu'ils seront toujours avec eux jusqu'à la victoire définitive,
jusqu'à la liquidation de
l'oppression
et l'exploitation capitaliste (4). »
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