Au sens le plus large, appliqué aux événements de la vie,
l'intuition est une notion spontanée des faits, affranchie des chemins
ordinaires de la connaissance. Elle accompagne ainsi le caractère, plus
subjectif et limité, que lui donne la philosophie et qui a rapport à une «
connaissance des vérités à la fois claire, immédiate et indépendante de tout
raisonnement ou démonstration ». Ici, d'ailleurs, non seulement son importance
et son rôle, mais sa définition varie avec les écoles, et Platon ou
Malebranche, Locke ou Schelling, Kant ou Bergson n'ont pas pour elle le même
regard ni ne lui accordent un prestige égal et des vertus identiques. Quant à
la théologie, toujours excessive, elle la poursuit au-delà des facultés
humaines et en fait, par une fusion anticipée de la substance et un acte de foi
en l'identité, la « vision de Dieu » … L'intuition parait être davantage des
premiers temps de nos acquisitions et tenir, comme l'instinct, plus aux fibres
qu'à l'intellectualité, restant entendu que celle-ci ne se conçoit pas sans le
support des sens. L'intuition est plutôt du domaine des natures impulsives,
frustes ou sentimentales, que du jeu des esprits positifs, des analystes et des
froids érudits. Elle est plus propre - éducation ou prédisposition - en raison
de l'étendue de sa zone sensible, à l'élément féminin. A elles semblent se
rattacher certains dons de prescience ou de prophétie et elle est regardée
comme le caractère du génie. Elle semble ainsi suppléer et devancer
provisoirement les moyens nés du développement intellectuel et propres à la
culture, et devoir peu à peu céder le terrain à la cérébralité à mesure que se
rétrécit le champ de la connaissance confuse et que la science intensifie ses
méthodes d'investigation et de contrôle. Il serait absurde, cependant, de lui
tracer des frontières aussi précises et de prédire son recul obligé, de même
que d'affirmer tantôt la prédominance, voire la souveraineté, et tantôt
l'inanité de ses apports. Plus rationnel est-il d'en éclairer l'essence et les
manifestations par des interrogations toutes scientifiques. D'ailleurs, la
science elle-même pénétrant et, par la suite, régularisant, favorisant même le
commerce encore mystérieux des êtres et nos réactions sur les choses,
découvrant peut-être, par analogie, le secret de certains phénomènes troublants
(comme la télépathie) dans des ondes que propage aussi l'éther et dont certains
sujets particulièrement doués sont les pôles émetteurs et récepteurs, la
science peut amplifier sa puissance, en l'appelant au renouveau. Et
l'instrument rudimentaire d'un obscur savoir se muerait ainsi en prospecteur
discipliné au service d'une intelligence chaude et éveillée. Le sensible -
encore impénétré dans sa vastitude parfois inquiétante - n'a pas dit son
dernier mot. Il n'a pas fourni son dernier document ni projeté son dernier
rayon d'art. Et les concentrations nerveuses clairvoyantes - dont certains
hommes marquent le privilège, constituent sans doute des armes préhensives
précieuses pour les conquêtes humaines. Sentant le passé par transposition
sympathique - et assez lucide pour coordonner et situer son butin - un artiste
pourra, jusqu'en histoire, apporter le bénéfice de sa faculté prolongatrice à
la réduction de nos prodigieux inconnus. D'autre part, l'accroissement des
régions intellectuelles - vouées, semble-t-il, à l'hypertrophie et peut-être au
déséquilibre commandé par la logique et soumises aux rigueurs du raisonnement,
risque çà et là, un seul chaînon défaillant et parfois les prémices, de nous
entraîner dans l'absurde et de nous faire répudier l'évidence. Il y a, dans la
sécheresse où se lient les propositions et se débattent les théorèmes épurés,
des quintessences arbitraires qui dépouillent la vérité des faits générateurs ;
et le grossissement de l'abstrait dévoyé aux poursuites aveugles cèle un péril
syllogistique. Pour y ramener l'impalpable souvent décisif de la vie, le
contrôle intuitif est plus d'une fois l'inconscient redressement de nos
spécialisations spéculatives... L'amour, du plus impérieux des instincts aux
plus éthérées des attractions artistiques, apparaît comme l'atmosphère propre
aux intuitions d'envergure. Les frémissements amoureux - que le sexe les
ébranle ou la passion artistique - leur offrent des facteurs décuplés de
puissance et des voies de pénétration qui déconcertent la sérénité normale.
Sans chercher ni des formes ni une source divine à l'intuition, et loin de la
soustraire au regard curieux et à la surveillance de la science, on peut
caresser en elle des espérances qu'un avenir toujours plus lumineux pourra servir
et l'envisager comme une des forces enfin comprises et connues de la
connaissance. Nous nous inclinerons s'il arrive aux événements de démentir ces
perspectives.
- Stephen MAC SAY.
Au sens le plus large, appliqué aux événements de la vie,
l'intuition est une notion spontanée des faits, affranchie des chemins
ordinaires de la connaissance. Elle accompagne ainsi le caractère, plus
subjectif et limité, que lui donne la philosophie et qui a rapport à une «
connaissance des vérités à la fois claire, immédiate et indépendante de tout
raisonnement ou démonstration ». Ici, d'ailleurs, non seulement son importance
et son rôle, mais sa définition varie avec les écoles, et Platon ou
Malebranche, Locke ou Schelling, Kant ou Bergson n'ont pas pour elle le même
regard ni ne lui accordent un prestige égal et des vertus identiques. Quant à
la théologie, toujours excessive, elle la poursuit au-delà des facultés
humaines et en fait, par une fusion anticipée de la substance et un acte de foi
en l'identité, la « vision de Dieu » … L'intuition parait être davantage des
premiers temps de nos acquisitions et tenir, comme l'instinct, plus aux fibres
qu'à l'intellectualité, restant entendu que celle-ci ne se conçoit pas sans le
support des sens. L'intuition est plutôt du domaine des natures impulsives,
frustes ou sentimentales, que du jeu des esprits positifs, des analystes et des
froids érudits. Elle est plus propre - éducation ou prédisposition - en raison
de l'étendue de sa zone sensible, à l'élément féminin. A elles semblent se
rattacher certains dons de prescience ou de prophétie et elle est regardée
comme le caractère du génie. Elle semble ainsi suppléer et devancer
provisoirement les moyens nés du développement intellectuel et propres à la
culture, et devoir peu à peu céder le terrain à la cérébralité à mesure que se
rétrécit le champ de la connaissance confuse et que la science intensifie ses
méthodes d'investigation et de contrôle. Il serait absurde, cependant, de lui
tracer des frontières aussi précises et de prédire son recul obligé, de même
que d'affirmer tantôt la prédominance, voire la souveraineté, et tantôt
l'inanité de ses apports. Plus rationnel est-il d'en éclairer l'essence et les
manifestations par des interrogations toutes scientifiques. D'ailleurs, la
science elle-même pénétrant et, par la suite, régularisant, favorisant même le
commerce encore mystérieux des êtres et nos réactions sur les choses,
découvrant peut-être, par analogie, le secret de certains phénomènes troublants
(comme la télépathie) dans des ondes que propage aussi l'éther et dont certains
sujets particulièrement doués sont les pôles émetteurs et récepteurs, la
science peut amplifier sa puissance, en l'appelant au renouveau. Et
l'instrument rudimentaire d'un obscur savoir se muerait ainsi en prospecteur
discipliné au service d'une intelligence chaude et éveillée. Le sensible -
encore impénétré dans sa vastitude parfois inquiétante - n'a pas dit son
dernier mot. Il n'a pas fourni son dernier document ni projeté son dernier
rayon d'art. Et les concentrations nerveuses clairvoyantes - dont certains
hommes marquent le privilège, constituent sans doute des armes préhensives
précieuses pour les conquêtes humaines. Sentant le passé par transposition
sympathique - et assez lucide pour coordonner et situer son butin - un artiste
pourra, jusqu'en histoire, apporter le bénéfice de sa faculté prolongatrice à
la réduction de nos prodigieux inconnus. D'autre part, l'accroissement des
régions intellectuelles - vouées, semble-t-il, à l'hypertrophie et peut-être au
déséquilibre commandé par la logique et soumises aux rigueurs du raisonnement,
risque çà et là, un seul chaînon défaillant et parfois les prémices, de nous
entraîner dans l'absurde et de nous faire répudier l'évidence. Il y a, dans la
sécheresse où se lient les propositions et se débattent les théorèmes épurés,
des quintessences arbitraires qui dépouillent la vérité des faits générateurs ;
et le grossissement de l'abstrait dévoyé aux poursuites aveugles cèle un péril
syllogistique. Pour y ramener l'impalpable souvent décisif de la vie, le
contrôle intuitif est plus d'une fois l'inconscient redressement de nos
spécialisations spéculatives... L'amour, du plus impérieux des instincts aux
plus éthérées des attractions artistiques, apparaît comme l'atmosphère propre
aux intuitions d'envergure. Les frémissements amoureux - que le sexe les
ébranle ou la passion artistique - leur offrent des facteurs décuplés de
puissance et des voies de pénétration qui déconcertent la sérénité normale.
Sans chercher ni des formes ni une source divine à l'intuition, et loin de la
soustraire au regard curieux et à la surveillance de la science, on peut
caresser en elle des espérances qu'un avenir toujours plus lumineux pourra servir
et l'envisager comme une des forces enfin comprises et connues de la
connaissance. Nous nous inclinerons s'il arrive aux événements de démentir ces
perspectives.
- Stephen MAC SAY.
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