mardi 25 août 2020

Le livre noir des violences sexuelles du docteur Salmona

"Lors d’un attentat, une mère qui était avec sa petite fille de 6 ans s’est retrouvée totalement dissociée devant le corps sans vie de son enfant. Comme elle ne ressentait rien, ce corps déchiqueté qu’elle voyait devant elle ne pouvait pas être celui de sa fille, et pendant plus de trois mois elle est restée persuadée que sa fille s’était enfuie et qu’il fallait absolument la retrouver. Une femme qui, immédiatement après avoir ouvert un soir à 22 heures à un voisin de palier en pensant que sa femme ou ses enfants avaient besoin d’aide, a été violée sans même avoir eu le temps de réagir ni de crier (l’agresseur lui ayant plaqué sa main sur la bouche), est restée pendant plus d’un an dans un état de dissociation, déconnectée, fonctionnant sur un mode automatique, dans un état d’anesthésie émotionnelle. Elle pouvait parler du viol de façon détachée, sans affect, comme si cela ne la concernait pas. Pendant toute cette période, elle n’a pas pu porter plainte. Une très jeune femme de 20 ans, après avoir réussi à échapper à l’agresseur qui l’avait violée, s’est aperçue plusieurs mois après, lors de l’enquête de police, qu’il y avait un trou de plusieurs heures entre le moment où elle s’est enfuie en sautant dans un bus et le moment où un chauffeur de la RATP l’a trouvée ensanglantée et hagarde dans un abribus et a appelé les pompiers. Elle pensait qu’elle s’était simplement retrouvée au terminus du bus dans lequel elle était montée au moment de sa fuite. En fait, elle avait erré plusieurs heures, avait dû prendre un autre bus et marcher de façon automatique sans que personne ne se préoccupe de son état jusqu’à ce qu’un chauffeur de bus lui porte secours. Dans ces deux derniers exemples, les policiers n’ont rien compris à l’état dissociatif posttraumatique des victimes, et ils les ont de plus mises en cause, considérant que leur témoignage n’était pas cohérent et qu’elles mentaient."

"Cette dissociation prive la victime de ses capacités émotionnelles, l’empêche de s’opposer ou de fuir, et augmente son seuil de tolérance à la douleur ce qui explique les phénomènes d’emprise, et désoriente les personnes qui sont en contact avec la victime (Salmona, 2015). Cet état dissociait a également un impact sur la mémoire des événements violents qui, si ils n’ont pas de coloration émotionnelle seront introuvables, comme perdus dans un épais brouillard, la victime est alors amnésique de tout ou partie des événements traumatisants, c’est ce qu’on appelle une amnésie traumatique dissociative, qui fait partie des symptômes entrant dans la définition de l’état de stress post-traumatique du DSM 5. Ce phénomène peut perdurer de nombreuses années, voire des décennies tant que la personne reste dissociée, seules resteront quelques images très parcellaires, des bribes d’émotions envahissantes ou certains détails périphériques isolés (40% d’amnésie complète et 60% d’amnésie partielle quand les violences ont eu lieu dans l’enfance. Brière, 1993; Williams, 1994 ; IVSEA, 2015)."

Aucun commentaire: