"Lors d’un attentat, une mère qui était avec sa petite fille de 6 ans
s’est retrouvée totalement dissociée devant le corps sans vie de son
enfant. Comme elle ne ressentait rien, ce corps déchiqueté qu’elle voyait devant elle ne pouvait pas être celui de sa fille, et pendant
plus de trois mois elle est restée persuadée que sa fille s’était enfuie
et qu’il fallait absolument la retrouver.
Une femme qui, immédiatement après avoir ouvert un soir à
22 heures à un voisin de palier en pensant que sa femme ou ses
enfants avaient besoin d’aide, a été violée sans même avoir eu le
temps de réagir ni de crier (l’agresseur lui ayant plaqué sa main
sur la bouche), est restée pendant plus d’un an dans un état de
dissociation, déconnectée, fonctionnant sur un mode automatique,
dans un état d’anesthésie émotionnelle. Elle pouvait parler du viol
de façon détachée, sans affect, comme si cela ne la concernait pas.
Pendant toute cette période, elle n’a pas pu porter plainte.
Une très jeune femme de 20 ans, après avoir réussi à échapper à
l’agresseur qui l’avait violée, s’est aperçue plusieurs mois après, lors
de l’enquête de police, qu’il y avait un trou de plusieurs heures
entre le moment où elle s’est enfuie en sautant dans un bus et
le moment où un chauffeur de la RATP l’a trouvée ensanglantée
et hagarde dans un abribus et a appelé les pompiers. Elle pensait
qu’elle s’était simplement retrouvée au terminus du bus dans lequel
elle était montée au moment de sa fuite. En fait, elle avait erré
plusieurs heures, avait dû prendre un autre bus et marcher de façon
automatique sans que personne ne se préoccupe de son état jusqu’à
ce qu’un chauffeur de bus lui porte secours. Dans ces deux derniers
exemples, les policiers n’ont rien compris à l’état dissociatif posttraumatique des victimes, et ils les ont de plus mises en cause,
considérant que leur témoignage n’était pas cohérent et qu’elles
mentaient."
"Cette dissociation prive la victime de ses capacités émotionnelles,
l’empêche de s’opposer ou de fuir, et augmente son seuil de
tolérance à la douleur ce qui explique les phénomènes d’emprise,
et désoriente les personnes qui sont en contact avec la victime
(Salmona, 2015).
Cet état dissociait a également un impact sur la mémoire des
événements violents qui, si ils n’ont pas de coloration émotionnelle
seront introuvables, comme perdus dans un épais brouillard, la
victime est alors amnésique de tout ou partie des événements
traumatisants, c’est ce qu’on appelle une amnésie traumatique dissociative, qui fait partie des symptômes entrant dans la définition
de l’état de stress post-traumatique du DSM 5. Ce phénomène
peut perdurer de nombreuses années, voire des décennies tant que
la personne reste dissociée, seules resteront quelques images très
parcellaires, des bribes d’émotions envahissantes ou certains détails
périphériques isolés (40% d’amnésie complète et 60% d’amnésie
partielle quand les violences ont eu lieu dans l’enfance. Brière,
1993; Williams, 1994 ; IVSEA, 2015)."
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