Pénétration militaire dans un pays, irruption guerrière à
laquelle font cortège les abus de la soldatesque, le sac des biens et parfois
le massacre des personnes. L'invasion se chiffre, pour le vaincu, en brimades,
rançons, contrainte, assujettissement, violences et privations de toute nature.
Elle apporte au vainqueur le bénéfice de cyniques exactions jointes aux
satisfactions grossières de l'amour propre et de la domination : il puise ses
avantages et ses jouissances dans l'exercice des droits souverains de la force.
L'invasion a son épilogue dans l'indemnité - souvent écrasante - , l'occupation
ou l'annexion... La terreur de l'invasion a toujours servi les habiletés des
professionnels - mégalomanes ou affairistes- du patriotisme. Elle a, devant les
peuples inéclairés, justifié, par le paradoxe, les charges d'une paix armée
ruineuse souvent plus que la guerre, et entretenu la méfiance et l'atmosphère
d'hostilité propices aux rencontres sanglantes. C'est sur les invasions de 1870
et de 1914 que les militaristes de France assoient les « raisons » de leurs
armements formidables. La menace ainsi change de camp, et les inquiétudes. Et
la paix demeure précaire et sans fondement. Les intérêts, les appétits, les
circonstances demeurent l'arbitre d'un équilibre singulièrement provisoire.
Plus ardue est aussi, dans la course folle aux préparatifs dits « de défense »,
la tâche lente du rapprochement des peuples. Citons, parmi les invasions les
plus tristement célèbres dans le passé : « celle des Hyksos en Egypte (vers
2310 av. J.-C.) ; celle des Gaulois en Italie et dans le bassin du Danube, sous
la République romaine (521 à 389) ; la Grande invasion des Barbares dans
l'empire romain au IVème siècle ; celle des Normands, au IXème siècle, dans
l'ouest de l'Europe ; celle des Arabes, dans l'Espagne et la France
méridionale, du VIIème au Xème siècle ; celle des Mongols et des Tartares, du
XIIIème au XIVème siècle » ; et enfin, sous l'empire français, en 1813 et 1814,
après les pénétrations du conquérant corse en Espagne, en Italie et, à travers
l'Allemagne, jusqu'au cœur de la Russie, le choc en retour de l'invasion des
coalisés de toute l'Europe soulevée contre la tyrannie napoléonienne. Plus près
de nous : la grande invasion de 1914-18 sur toute la Belgique et le nord de la
France. Au figuré, invasion se dit de toute irruption soudaine : invasion de
rats, des eaux, de quelque bande en liesse, du sommeil même ; aussi des
maladies, en particulier épidémiques (choléra, typhus, etc.). Désigne encore
les choses morales qui soumettent à leur emprise les esprits : invasion des
préjugés, du mauvais goût, des doctrines pernicieuses. A ce titre, les timorés
et les conservateurs parlent, comme d'un fléau ou d'une horde, de l'invasion du
communisme, de l'anarchie, etc.
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