« Maison d'éducation qui
reçoit des internes », dit le Larousse. Plus exactement : établissement où l'on
débite, à doses mesurées, de l'instruction, de l'éducation et du mauvais rata.
But mercantile de la part du directeur de l'établissement. « Tant d'élèves à
tant de bénéfice net par élève, égale : tant. » Conséquence : chercher à
augmenter le nombre des pensionnaires et, pour cela, vanter la pension, sa
situation géographique, son exposition, la qualité de l'enseignement, la
discipline « paternelle », l'absolue liberté de conscience ou l'observation
rigoureuse des devoirs religieux (selon la clientèle fréquentée par
l'établissement), etc. Réclame dans les journaux, envoi de prospectus ; et puis
façade soignée : parloir aux murs décorés de « travaux d'élèves », de diplômes
et médailles. Bureau directorial parfois luxueux. Rien n'est négligé de ce qui
doit faire bonne impression sur les parents. (Ainsi, pour certains restaurants
dont on doit bien se garder d'aller visiter les cuisines, si l'on veut
conserver son appétit). Car trop souvent il y a un lamentable envers de décor :
classes petites et mal aérées, réfectoires puants, cour minuscule, dortoirs où
s'entassent un trop grand nombre de lits. L'enfant est jeté là (caserne, vie
collective, promiscuité, prison), au moment où sa nature réclame impérieusement
l'air, la lumière, de l'affection et la liberté. Il en est pourtant qui
s'adaptent presque aussitôt ; et bientôt, sous leur uniforme maquillé « à
l'ancien », ils prennent l'allure de jeunes forçats résignés à subir leur
temps. Pour d'autres : les tendres, les délicats, les sensibles, - une minorité,
- la vie de pension est une atroce torture. Tout les choque profondément : le
coudoiement de camarades grossiers, l'autorité du « pion », parfois le
parti-pris de professeurs qui les ont jugés paresseux un peu à la légère et qui
ne savent pas revenir de leur erreur : « Chez les natures d'enfant ardentes,
passionnées, curieuses, ce qu'on appelle la paresse n'est le plus souvent qu'un
froissement de la sensibilité, une impossibilité mentale à s'assouplir à
certains devoirs absurdes, le résultat naturel de l'éducation disproportionnée,
inharmonique qu'on leur donne. Cette paresse qui se résout en dégoûts
invincibles est, au contraire, quelquefois, la preuve d'une supériorité
intellectuelle et la condamnation du maître. » (O. Mirbeau.) Ceux-ci subissent,
le plus souvent, les mystifications et les brimades des grands. Et ce genre de
vie aboutit à créer, selon les tempéraments, soit des résignés, soit des
rêveurs à l'intense vie intérieure, soit aussi des révoltés, poussés à la
vengeance et aux évasions. Que dire de l'éducation et de l’instruction reçues
dans les pensionnats, sinon qu'elles participent du plan général de dressage de
la jeunesse en vue de perpétuer le régime ? Proudhon disait : « Ce que les
bourgeois veulent pour le peuple, c'est tout simplement une première initiation
aux éléments des connaissances humaines, l’intelligence des signes, une sorte
de sacrement de baptême intellectuel ; consistant dans la communication de la
parole, de l'écriture, des nombres, des figures, plus quelques formules de
religion et de morale ; - cela pour que les natures délicates puissent
constater, en ces travailleurs voués à la peine, le reflet de l'âme, la dignité
de la conscience, pour n'avoir pas trop à rougir de l'humanité. » (Capacité
politique des classes ouvrières.) « L'école est une garderie, l'école est un
guignol, l'école est un atelier, l'école est un vestiaire intellectuel, l'école
est un vestiaire politique... », écrivait Albert Thierry (Nouvelles de Vosves).
(Voir les mots Education, Ecole, Internat, Orphelinat, etc.). Le pensionnat
répond cependant à une nécessité... pour les parents, qui sont ainsi
débarrassés de leur progéniture. Qu'y gagne l'enfant ? L'expérience précoce de
la vie sociale avec toutes ses turpitudes. Dans les rapports quotidiens de
maîtres à élèves et d'élèves à élèves, il apprend ce que peuvent être le
travail ennuyeux et imposé, la patience, la rébellion, l'amitié, l'hypocrisie,
etc., et surtout (d'élèves à élèves) les vices, inévitables à l'âge où la
puberté le tourmente. L'onanisme, la pédérastie, le saphisme sont monnaie
courante dans les pensionnats. O. Mirbeau, dans Sébastien Roch nous a montré ce
qui se passait à l'école des Pères Jésuites Saint-François Xavier, de Vanves.
Nous trouvons dans A nous deux, Patrie, une scène édifiante, vue par Colomer,
en 1909, dans un dortoir du Lycée Louis le Grand, et Sylvain Bonmariage, dans
La Femme Crucifiée, nous décrit les moeurs lesbiennes au couvent des Oiseaux :
« Le vice y existait et s'y prélassait comme dans son royaume. » Est-ce à dire
que l'enfant gagnerait davantage à la vie familiale ? Rarement. La solution de
l'avenir est sans doute encore dans le pensionnat. Mais dans un pensionnat
rénové. Et là, il faudra certainement s'inspirer des principes de F. Ferrer, de
la Ruche de Sébastien Faure, sans doute aussi de l'expérience russe. Là maisons
des enfants » recueillent les enfants dont les parents sont occupés à l'oeuvre
commune ; mais, parfois, l'enfant est la triste victime de cette expérience.
Dacha, la militante, - nous conte Gladkov (Le Ciment) - voit sa petite Niourka
fondre « comme une bougie à la flamme ». Et c'est une intolérable douleur. «
L'enfant ne vit pas que de lait maternel, l'enfant se nourrit aussi de
tendresse maternelle. L'enfant se fane et se dessèche si le souffle de la mère
lui est refusé, si la mère ne le réchauffe pas de son sang, ne lui parfume pas
le petit lit de son odeur et de son âme. L'enfant est une fleur printanière.
Niourka était une fleur arrachée à la branche et jetée sur la route. »
L'important serait justement de ne pas arracher « les fleurs à la branche », et
le pensionnat futur pourrait être la vaste abbaye de Thélème que nous rêvons,
la Cité nouvelle, très grande, lumineuse, gaie, pleine d'arbres et d'oiseaux
où, dans un maximum de liberté, l'enfant irait, ici, cueillir la tendresse
maternelle et là, développer toutes ses facultés. La mère d'un côté - quand
elle mériterait son titre de mère, - les grands amis éducateurs de l'autre ;
l'enfant entre eux, dans cette famille agrandie, restant soi-même toujours,
mais heureux, parce que vivant dans une atmosphère de confiance et d'amour. –
Ch. BOUSSINOT.
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