"De même, celui qui vend un moulin ne peut pas détourner le
cours d'eau qui le fait fonctionner. Et ceux qui donnent un homme le droit de
gouverner comme souverain sont censés lui donner le droit de lever des impôts
pour entretenir des troupes et nommer des magistrats pour l'administration de
la justice".
"La force des mots étant (comme je l'ai précédemment noté)
trop faible pour contraindre 10 les hommes à exécuter leurs conventions, il n'y
a, dans la nature de l'homme, que deux remèdes 1 imaginables pour leur donner
de la force. Ce sont, soit une crainte de la conséquence du manquement à sa
parole 2, soit la fierté, la l'orgueil de ne pas paraître avoir besoin de ce
manquement. Cette deuxième [passion] est une grandeur d'âme 3 qu'on trouve trop
rarement pour qu'on puisse la présumer [chez les hommes], surtout [chez ceux]
qui poursuivent la richesse, l'autorité, ou le plaisir sensuel, qui forment la
plus grande partie du genre humain."
"Une sixième loi de nature est celle-ci : que, si on a des
garanties pour l'avenir 3, on doit pardonner les offenses passées à ceux qui
s'en repentent et qui désirent ce pardon. PARDONNER, en effet, n'est rien
d'autre qu'octroyer la paix. Cependant, si elle est octroyée à ceux qui
persévèrent dans leur hostilité, elle n'est pas paix, mais crainte. Néanmoins,
ne pas l'octroyer à ceux qui donnent des garanties pour l'avenir est signe
d'une aversion pour la paix, et [ce refus] est contraire à la loi de nature."
"La question de savoir qui est le meilleur n'a pas sa place
dans l'état de simple nature (comme il a été montré précédemment) où tous les
hommes sont égaux. L'inégalité qui existe aujourd'hui a été introduite par les
lois civiles. Je sais qu'Aristote, au premier livre de ses Politiques, comme
fondement de sa doctrine, rend, par nature, certains hommes dignes de
commander, entendant [par là] la catégorie la plus sage, à laquelle il croyait
appartenir par sa philosophie, et d'autres de servir, entendant [par là] ceux
qui possédaient des corps vigoureux, mais n'étaient pas philosophes comme lui;
comme si les maîtres et les serviteurs n'étaient pas introduits par le
consentement des hommes, mais par la différence d'esprit 2; ce qui n'est pas
seulement contraire à la raison, mais est aussi contraire à l'expérience. Car
il en est très peu qui sont assez insensés 3 pour se laisser gouverner par les
autres plutôt que de se gouverner eux-mêmes. Quand ceux qui s'imaginent être
sages combattent par la force avec ceux qui se défient de leur propre sagesse,
ils n'obtiennent la victoire ni toujours, ni souvent, mais presque jamais 4.
Donc, si la nature a fait les hommes égaux, cette égalité doit être reconnue,
ou si la nature a fait les hommes inégaux, cependant parce que les hommes qui
se croient eux-mêmes égaux ne concluront pas la paix, sinon sur des clauses
égales 5, une telle égalité doit être admise. Et c'est pourquoi comme neuvième
loi de nature, je pose celle-ci : que tout homme reconnaisse autrui comme son
égal par nature. L'infraction à cette loi est l'orgueil".
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire