« On attribua à ces dieux
non seulement la forme des hommes à certains, des bêtes à d'autres, des
monstres à d'autre [encore], mais aussi les facultés et les passions des hommes
et des bêtes, comme la sensation, la parole, le sexe, la concupiscence, la génération,
et ceci non seulement en unissant 3 les dieux les uns avec les autres, pour
propager l'espèce des dieux, mais aussi en les unissant à des hommes et des
femmes pour engendrer des dieux hybrides, qui ne sont que des hôtes des cieux,
comme Bacchus, Hercule, et d'autres. On leur attribua en plus la colère, le
désir de vengeance, et d'autres passions des créatures vivantes, et les actions
qui en procèdent, comme la tromperie, le vol, l'adultère, la sodomie, et tout
vice qui puisse être pris comme un effet du pouvoir ou une cause de plaisir, et
tous les vices semblables qui, parmi les hommes, sont plus jugés contraires à
la loi que contraires à l'honneur. »
« C'est pourquoi les
premiers fondateurs et législateurs des Républiques, parmi les Gentils, dont le
but était seulement de maintenir les gens dans l'obéissance et la paix, ont
partout pris soin : premièrement d'imprimer en leurs esprits une croyance qui
fit qu'on ne pût penser que les préceptes qu'ils donnaient provenaient de leur
propre invention 8, mais qu'on crût qu'ils venaient des commandements de
quelque dieu ou de quelque autre esprit, ou bien qu'eux-mêmes étaient d'une
nature supérieure à celles des simples mortels, afin que leurs lois pussent
être plus facilement acceptées. »
« Deuxièmement, ils ont pris
soin de faire croire que les choses qui déplaisaient aux dieux étaient les
mêmes que celles que les lois interdisaient. Troisièmement, d'ordonner des
rites, des supplications, des sacrifices, et des fêtes, et ils devaient croire
que, de cette façon, la colère des dieux pourrait être apaisée, et [croire] que
les défaites militaires, les grandes épidémies, les tremblements de terre, et
les malheurs privés de chaque homme venaient de la colère des dieux, et que
cette colère venait de ce qu'on négligeait leur culte, qu'on oubliait quelque
point des cérémonies qu'il fallait faire, ou qu'on se trompait sur ce point. Et
bien que, chez les Romains, il n'était pas interdit de nier ce qu'on trouve
dans les écrits des poètes sur les peines et les plaisirs d'après cette vie,
écrits que plusieurs hommes d'une grande autorité et d'un grands poids dans
l’État ont ouvertement tourné en déraison dans leurs harangues, cependant,
cette croyance a toujours été plus entretenue que la croyance contraire.
Et par ces institutions, ou d'autres institutions du
même type, ils obtinrent afin d'atteindre leur but, la paix dans la République
- que les gens du commun, attribuant ce qui n'allait pas 1 à leur négligence ou
leurs erreurs dans les rites, ou [encore] à leur propre désobéissance aux lois,
soient d'autant moins susceptibles de se révolter contre les gouvernants; et
que, divertis par le faste et l'amusement 2 des fêtes et des jeux publics
institués en l'honneur des dieux, n'aient besoin de rien d'autre que du pain
pour être préservés du mécontentent, des murmures 3 et de l'agitation contre
l’État.
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