mardi 18 avril 2023

Utopia de Bernard Lavilliers

 Je chanterai le nouveau monde

Né de la zone et de l'ordureEn ces temps-là vos belles actionsPassaient toujours par l'écritureVous vous gaviez de projectionsDe projets sérieux, de futurPendant que l'ordre et la répressionVous alignaient contre un mur
Vous ronronniez pour le vieux mondeDans l'opposition objectiveRespectant la règle et la rondeDans vos manchettes maladivesÇa sentait le médicamentLa frustration et le soumisÇa puait déjà l'électronLe temps qui passe à crédit
Des technocrates maigrichonsVous prédisaient des jours meilleursDes aurores de l'expansionA la sournoise nuit des chomeursVous faisiez du lard aux ceinturesLes pancartes au bout des bras mousFaisaient des cercles dans l'ordureOu vous vous traîniez à genoux
Les barbares, qui montraient leurs crocsAux barrières des périphériquesRicanaient, remplaçant vos motsPar des cris de guerriers celtiquesVous en aviez froid dans le dosBien qu'expliquant ce phénomèneVous essayiez de rentrer tôtDétestant les milices urbaines
Vous nous regardiez en ces tempsInventer une autres musiqueFaite de violence et de sangD'ignorance et de prophétiqueVotre raison vous pesait lourdDans vos masochistes partouzesDans vos dérisoires amoursVotre révolte et vos ventouses
La petite gauche vivotaitFrileuse comme une alouetteVos bars, vos fêtes, vos congrèsVos chanteurs, vos peintres, vos poètesVotre raison, votre droitureVos illusions, vos habitudesVos soumissions, votre cultureVos ambitions, vos certitudes
Cette lucidité bidonQui remplaçait si bien les tripesEtait sinistre et sans passionEt militante et castratriceElle vous bloquait le creux des reinsComme un calcul diabétiqueElle vous laissait sur votre faimDe bien nourris et d'asthmatiques
Nous rêvons d'une autre planèteEn ce futur, t'en souvient-tu ?Nous tirons des plans à facettesVers des comètes disparuesNous installons nos mines d'orSur des podiums itinérantsOu nous jouons toujours très fortDe la guitare, et du vent
Nous pressentons une cassureUne crevasse nette et sanglanteUne balafre dans l'azurUn cran d'arrêt dans le silenceUne fissure dans le certainUne embolie dans la financeUn détonateur dans la mainUn embarras dans la nuance
Nous vivons au ras des pavésN'ayant jamais connu la plageEt jamais le roi des étésNe s'est inscrit au paysageNous avons la haine au profondUne haine fondamentaleDe la hiérarchie et des consDu quotidien et du fatal.

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