dimanche 23 avril 2023

Choix de lettres Par Michel Surya

 "A Marie-Louise Bataille         Riom-ès-Montagne   le 29 octobre 1919


[...]Pourquoi s'inquiéter de moi? Tant que j'aurais le front dur et les yeux droits pour regarder, il ne m'importe pas que le ciel soit une merveille bleue ou un sinistre gris, car la seule chose réelle qui soit est le visage, que j'ai assez puissant.

[...] et puis j'ai froid, et je suis troublé déjà, Je ne sais plus ce qui m'arrivera à travers la tête, car il y a déjà longtemps que ma pauvre tête porte je ne sais quoi qui la promet à toutes les aventures.

Voilà que Marie D[elteil] est pour ainsi dire perdue pour moi et que je l'aime de toute ma droiture avec la volonté d'outrepasser même la possibilité. Et pourtant, je n'ai pas cessé d'aimer une autre malgré moi alors qu'il n'y a peut-être plus d'autre obstacle entre elle et moi que dix jours de vacances à terminer.

[...] Mais ce qu'il s'est passé entre marie et moi est très simple. Après que j'ai eu parlé au docteur qui m'avait répondu afin de me décourager sans me rien dire qui soit clair, j'ai parlé à Marie qui prenait la chose tristement mais avec confiance.

Je me serais tué assez volontiers.

[...] Alors j'ai eu une singulière joie à rire avec Marie de moi et d'elle...."



A Marie-Louise Bataille     A Madrid


"Chère Marie-Louise,


Il est à présent absolument certain que je suis à Madrid, et non, comme tu pourrais le penser ou dans l'enthousiasme ou dans la désolation, mais dans cet état mixte qui est caractérisé par le fait qu'il ne comporte ni enthousiasme ni désolation, D'ailleurs, cet état est parfaitement désagréable, comme il est évident. Il provient de ce qu'à aucun moment de la journée je n'éprouve le plus minime plaisir à apercevoir le visage de quelqu'un. Il n'y a pas lieu de pleurer parce que cette absence fatigue seulement à la longue. On ne pleure jamais faute de rire et toutefois on souffre.."

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