samedi 15 mars 2025

Pierre Guyotat : avant lecture, principes et précaution

 

A propos de « Eden, Eden, Eden » de Pierre Guyotat




Jubilatoire !


Voilà le premier mot qui me vient lorsque je prends le livre de Pierre Guyotat...Et pourtant, et pourtant, que décrit-il ?


La guerre, une guerre d’occupation de colonisateurs, de vainqueurs, de ceux qui peuvent faire n’importe quoi sur les populations, les bétails sans qu’ils ne soient inculpés de quoi que ce soit.


La guerre ce n’est pas que « Le jour le plus long », on en a eut l’expérience avec les nazis, mais avec n’importe quel soldat à qui on n’a cessé de lui dire qu’il est le plus fort, l’élu presque et que rien de ce qu’il fait ne lui sera imputé. Lorsqu’il partira de cette guerre, il ne sera pas poursuivi. Il y a toujours après une loi d’amnistie. Pas pour le peuple qui subit, pour la justice, non, seulement pour exonérer les bourreaux de toutes sanctions.


Guyotat est une chute libre dans le vide...Et pas la peine de chercher de quoi s’accrocher pour ralentir la chute, il ne nous laisse aucun secours, aucun espace pour reprenne une respiration qui nous manque.


L’abject, supplée l’abject, l’horreur ne prend une place que lorsqu’elle pousse celle antérieur.


Ce livre fut la raison de sa mise en isolement et son livre interdit car...outre qu’il parle de la guerre, il en donne des clichés clairs des violences qui se succèdent par goût, pour passer le temps, parce que les plus forts, parce qu’un vaincu n’a pas à refuser quoi que ce soit (je ne vous parle même pas de ce que subisse les femmes ou les enfants).


Dis moi que « Eden, Eden, Eden » est un livre expiatoire mais non, il est du journalisme issu du réel, de la vision que peut en avoir un jeune homme lancé dans l’horreur pour « maintenir l’ordre » dans un département.


Mais cette violence est celle d’un pays colonisateur devant un peuple qui veut se décoloniser.


Franz Fanon nous en parle dans « Les damnés de la terre » et il parle des conséquence de cette présence lorsqu’il nous parle des syndromes de ses patients.


Pierre Guyotat ne nous invite pas à entendre témoigner les victimes, non, il ne peut les écouter car elles hurlent de toutes les douleurs qu’elles subissent sans interruption, matin, après midi et nuit, dans les rondes des soldats qui partent et ceux qui reviennent, de ceux qui doivent « faire quelque chose » pour calmer leur peur, faire redescendre les tensions, de soigner les insommies…

Les raisons sont multiples et prétextes, les victimes sont les sujets, les sont l’anonymat du « putain », les masques des « figures ».


Il n’y a plus de trace d’humanité. Guyotat est cet humain neuf qui arrive dans les méandres de ces inhumains de ces « putains ».



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A propos de... « Idiotie » de Pierre Guyotat







Il est un aspirateur à sensations. Qu il énumère toujours sur le même principe de l accumulation. On prends, on suit son regard se poser partout mais surtout on duit son odorat qui flaire qui hume qui est envahie de tous les arômes qui l entourent. Rien ne l agressé, tout autant l intéressé l odeur des épices des fleurs des parfums des ducs et des excréments.



"Quels sauvages enfants à naître d’un inceste d’entre deux défécations en chiotte d’arrière-cour !"



La vie, telle qu elle est autour de lui, il nous la retransmet sans fioriture, nue en plaisirs primaires.



"Au-delà de minuit, laissant, dans Saint-Germain, Liba apprêter son entrecuisse – mais, alors, que sais-je, moi en rêverie, depuis pubère, de bordel où s’épanche la semence des adolescents captifs tristes, de la façon dont les visiteurs adultes en jouissent, des accouplements de mâle à mâle qu’elle suscite et lubrifie ? Rien encore et pour longtemps : à peine quelques mots sacrilèges, dont la seule prononciation intérieure annule la réalité organique."



Ouvrage autobiographique, il nous livre ce qu il ressent sans se préserver sans se ménager. Il se fout de quelques jugements que nous pourrions avoir. Il est OEUVRE et livre. Il est exposé et nous lisons avec indulgence la force de ses décisions qui l entraînent très loin, jusqu'aux portes de la mort, plus tard...



"Au surlendemain de ma fuite, averti que lui et un oncle de Paris me recherchaient, craignant qu’ils ne me repèrent dans le métro ou en bus ou en rue, Paris me devenant menaçant, je prends le premier taxi de ma vie pour fuir en banlieue, à un arrêt carrefour Médicis je les vois traverser le passage, mon père y chanceler, se rétablir main sur la borne, je me retiens de descendre, de courir à lui ; de retour quelques jours plus tard dans Paris, en course, je stationne à cette borne, y mets ma paume : s’il est un Dieu à me voir faire, qu’il juge de mon cœur !"



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A propos de...Pierre Guyotat 


Guyotat parle.


Guyotat s explique et explique



Il est insupportable de l'entendre encore et encore balbutier sur lui son œuvre le pied d estal


celui qu il a construit petit à petit à coup de langue de ratures de balbutiements de cette modestie de façade de parade



Ne plus l'entendre ne plus l'écouter


Mais le lire

le lire pour mettre un terme à Guyotat

au grand Guyotat


Ne pas le comprendre pour ne pas l'apprécier plus

Ne pas l'apprécier plus qu'il n'existe plus.


Le lire pour dire fièrement :


"peut être ai je eu l'honneur de ne pas l'avoir si bien compris que je ne peux le lire que par jubilation."




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