samedi 15 mars 2025

A quand l’inhumation ? Par M.A. 15/03/25

  c'est la fulgurance qui m'est venue immédiatement à peine entré dans cette pièce exiguë

 cette pièce minuscule, dans laquelle était perdu un corps recroquevillé sur une chaise


Ce qui semble être une chambre (une cellule "moine cénobite" comme dit le poète)


Obscurité parfaite 


les persiennes sont closes 

l'homme ne recevait les visiteurs que tard dans la nuit


Une répulsion à voir a être vu.


Malgré cette obscurité un rayon de lune vient mourir sur ses yeux morts


 pourquoi n'est-il pas mort?


Il nous encombre de sa lente agonie que l'on sait, qu'il laisse entendre dans une correspondance avec son éditeur (correspondance qui est l'assistance respiratoire)


Pourquoi veut-il encore nous dire des choses ?

Nous encombrer de ses flatulences cérébrales

 alors qu il n arrive même plus à articuler un son audible,


tant il bave,

tant sa lèvre pend

tombe

séquelle d'un AVC qui n'a pas fini son travail,

le laissant encore agonir sans fin.


Coup d'œil circulaire sur la pièce, rapide  

M'en souvenir pour maudire cette visite imposée cette proximité répulsive 


ne pas oublier 


à droite, un mur, la fenêtre, une chaise devant, au travers des persiennes la lune qui tombe sur ce regard mort.


A-t-il conscience que je suis là?


A-t-il conscience qu'un homme qu'un être humain est entré dans la 1re sphère de sa morbidité?


La 1re sphère de sa non-vitalité 


au fond, en face un lit défait, à sa droite, une petite table de nuit une lampe de chevet et une lettre... fermée.


On lui écrit encore, 

qu’il ne lit pas

qu’il ne lit plus


que lui écrit-on ?

que peut-on encore lui dire qui le maintient qui ne le maintient qu'avec grand peine dans cet état ?


juste à côté de la table de chevet, un toilette aménagé 


L'homme ne doit plus pouvoir se déplacer beaucoup donc il doit pouvoir aller aux toilettes sans grand effort

ou pour y laisser ses dernières forces, 

la porte est entrouverte


de l'autre côté, le mur de gauche avec une petite table pour une personne une chaise qui part en lambeaux

Sur la table, un plateau repas 

dans l'assiette, un repas non entamé


un homme dans cet état peut-il encore manger et que peut-il manger?


mélange d'odeurs


on sent les derniers arômes du repas qui refroidit 

une odeur de tabac froid 

En arrière goût, une odeur rance racle la gorge 


l'odeur d'un homme malade mais l'est-il plus ?

 et par la porte des toilettes entr'ouvertes, une odeur de pisse et de merde nous saute au nez

l'homme n'a sûrement pas tirer la chasse d'eau


Tout cela est un équilibre fragile qui se maintient autour de lui qui le porte en fait.


Qui le masque...




Il y a 5 ans lorsqu'il nous a amené son manuscrit "autodérision d'un cadavre", on a eu un doute quant à l'auteur de ce texte et notre éditeur, mon chef, nous demande sans cesse de prendre rendez-vous avec l'auteur pour comprendre un peu le changement dans sa manière d'écrire dans sa littérature dans ses préoccupations ses sujets de prédilection qui ont changé complètement radicalement et lorsque je suis devant, là aujourd'hui, devant ce cadavre assis je sais que ce n'est pas lui qui écrit depuis cinq ans, au moins


Mais qui dans cette maison des morts pouvait écrire de tels romans?


la servante qui m'a ouvert la porte et m'a déposé ici comme un sac de linge sale dans la buanderie ?

qui m'a dit de lui "parler pas trop fort il est malade"

 cette femme qui sent la terre et le feu, le soufre et le potage et qui n'a comme langage que quelques mots mais surtout le regard de ceux qui ne croient plus en l’humanité. 

il reste sa femme, qui, elle aussi, est enfermée dans une chambre 

et ne sort plus 

que l'on dit à moitié folle aveugle

et à qui on dépose à manger la nuit la porte légèrement ouverte afin qu'elle ne s'échappe pas

qu'elle ne s'échappe plus

cette femme-là déposerait des manuscrits au pied de sa porte ?



Je décide de m’avancer sans qu’il m’en donne l’autorisation...Il ne bouge pas…

il lève les yeux…


je me penche vers lui …


« Je vous déteste depuis tellement d’années que j’ai enfin le plaisir de vous le dire...au creux de l’oreille...en tout intimité...J’en avais marre de publier vos merdes...et là, il y a 5 ans, une surprise...Le roman est magnifique...une vraie œuvre… »


Je me relève un peu


je le regarde


il a tremblé légèrement...il n’a jamais été aussi seul que devant cette haine gratuite...et il ne peut rien faire


« Qui écrit depuis que tu devenu un légume ? Tu peux me le dire ? »


il ne bouge plus...il serre les poings...il tente de cracher sa rage mais ce n’est qu’n nouveau filet de bave qui s’échappe de sa bouche..


« Ta femme ?...la folle ?…ta servante, cette moitié de femme ? Quel langage peut elle posséder ?  Pourquoi ne veux tu rien dire ? Tu n’as jamais été un écrivain, c’est uniquement parce que les gens lisent de la merde que tu as eu du succès….La différence aujourd’hui, c’est qu’il s’agit de la littérature...alors dis le moi...tu es au bout de ta vie…. Je vais fouiller ta baraque pour trouver ce que je veux sa voir...Je vais te violer en fracassant toutes tes portes...Je te hais je veux que tu meurs... ca fait longtemps que tu aurais du mourir...c’est insupportable de te voir être présent pas vivant mais présent...regarde moi vieille enflure, je vais trouver je ne vais pas te laisser tranquille tant que je n’aurais rien trouvé... »



L’homme tend le bras vers moi.


« Tu te décides ? »


Un signe pour que je me penche sur le vieux.


La voix est éteinte mais d’une telle puissance que l’arrogant que je ne voulut plus entendre le son de la voix.


« écoute, écoute, une seule et dernière fois et ensuite je mourrais...il s’agit de mes œuvres de jeunesse que je ressors en ce moment...je n’écris plus en effet depuis 5 ans mais je ressors mes vieux romans que j’avais gardé...Ils te plaisent ? Tu peux enfin me lire….Bien bien...je vais te dire, penche toi plus, des enflures dans ton genre j’en ai déjà pulvérisé un grand nombre...Tu ne feras jamais le poids face à moi...Je suis et je reste un écrivain et je le serais jusqu’au moment de ma mort….Tout ce que j’écris dans ma tête et qui, hélas, ne sortira jamais raconte ta mort...et celle de ta putain de mère...et de tous les tiens, du genre humain...alors fouille, casse, viole comme tu dis, la vie, celle que j’ai eu, tu ne la connaîtras jamais...En ce moment, c’est toi qui bave devant ce que je suis….Vas même rendre visite à ma folle de femme, elle te crachera à la gueule comme elle le fait lorsque un humain vient chercher des réponses...Nous sommes dans la maison du silence forcée, il n’y a que l’oubli qui contienne toute notre mémoire à moi et à ma famille...Regarde, un jour les miroirs te renverront une image comme la mienne et alors, tu me maudiras encore plus...Maintenant, laisse moi, je vais me coucher. Tu fermeras la porte en partant et ne reviens jamais...jamais...Tu diras à ton patron que je n’enverrais plus de manuscrit. »


Depuis que j’ai quitté ce lieu, la peur ne m’a plus jamais quitté et malgré la mort de cet homme, il est jamais entré en moi et ne me laisse jamais en paix.

Aucun commentaire: