"La veille, j’ai donné une gifle à mon meilleur ami...dont je ne me rappelle plus du prénom.
"Demain je lui dirais que j ai oublie.
Alzheimer, pourquoi se rappeler comment ça s écrit?
En fait, ça s’écrit comme ça se subit.
Cette maladie, c’est mourir enfermer dans son corps avant de mourir physiquement.
C’est être enfermé sans qu’aucun mur ne porte de souvenirs.
Sans papier peint
que l’on peut arracher à chaque déprime
un choix plus une chose subie .
Pendant que les autres ne veulent pas que tu meurs.
C’est leur lutte qui nous inflige des réactions affectives impulsives réactives
ne veulent-elles jamais comprendre ? Se résigner ?
La preuve d’amour ne se situe pas dans cette révolte ce déni,
elle est dans la résignation pour un accompagnement adouci bienveillant
Malade, dans leurs esprits, tu veux vivre encore plus que ceux de la vie normale, plus qu’eux en fait, qui ne se résignent pas à voir la mort arriver.
ils veulent t'obliger à te souvenir de tout parce qu'ils pensent que tu vis, parce eux aussi veulent que ce qu'ils ont vécu ne soit jamais l'oubli de demain.
"Souviens toi, ici, tu te rappelles?"
Dans mon cas, l'oubli n'est pas un choix, mais un symptôme, une conséquence, ce qui disparaît est la trace de ce que je deviens.
Et, puis, quand tu pars, tu n'es plus jamais qui tu étais avant la maladie, tu restes celui qui est mort malade dans leurs propos.
Pour se rappeler de moi, ils diront :
" tu sais, celui qui avait Alzheimer?"
Ce sera définitivement mon identité, et elle ne sera pas ma propre identité, je vais devenir la multitude des inconnus Alzheimer.
Le John Do de l'oubli.
Celui que l'on confond à force de ne pas vouloir l'oublier.
Je relis sans cesse le lendemain ce que j'ai écrit la veille. Cela devient difficile. Sans cesse il me faut redevenir celui qui allait mieux pour constater le jour suivant que je suis bien celui que je suis en train de devenir.
Hier, ou...peut-être était-ce un autre jour?...Le temps s'étire si rudement sur mon esprit, que je ne dis plus que je vis, mais que je pars vers l'inconnu...mon inconnu ...la destination que cette maladie m'impose peu à peu...sournoisement...
Donc...où en étais-je?…
"file"..."étoile"..."subrepticement", je peux le dire puisque il est encore présent...que veut il dire ce mot?... mais je n’en sais rien...ou plus…
Je pense, parfois, au film de Zulawski :
« mes nuits sont plus belles que vos jours »
Tout est résumé dans ces quelques mots
Le rien de ma mémoire qui part vaut tous les souvenirs que vous voulez garder pour vos vieux jours.
Moi, je n’ai qu’une succession de nuits que je me partage pour que mon oubli soit celui que je veux garder en mémoire.
Non je ne pleurerais pas car je ne me rappelle de mots qui deviennent mon essentiel de ce que je ne perds pas, comprenez le, ne luttez plus, je pense que je partirais sans souffrir de l’oubli
vos larmes sont les baisers tristes dont je ne me souviens pas le lendemain
je bois sans souvenir la présence des oubliés de mon parcours, ne m’en veuillez pas, je veille à ne jamais plus penser que je m’oublie plus vite quand vous êtes présents à me forcer à souvenir de ce que vous voulez.
La violence est aussi ici, dans vos mains sur les miennes, comme un poids qui m’affaisse.
Un jour, il y a peu...j ai relu une des phrases que j avais écrite... et j ai souri...elle était belle, c était moi qu il l avait écrite...
Donc, chaque jour, je vais sourire en la relisant, fier d'en être l auteur...
Plus tard, je dirais merci à l'auteur de cette phrase qui m'apaise et me fait sourire...
Et encore plus tard, je serais celui qui pleure de ne plus se souvenir où j'ai rangé mes écrits...
Et finalement, tout cela n'a plus d'importance...
Qui suis-je ?
Qui sommes-nous, en somme ? »
II
……. ?…….
III
Récit d un alzheimeur. 3
Ou 4…
"Lorsque je sors seul dans la rue avec cette volonté de ne vouloir aller nulle part de précis, ou de me le dire suffisamment pour m'en convaincre, je peux me perdre. Sans avoir à fournir d’explications à personne.
Quand je cherche la maison...ou l hospice dont je viens de m évader, (sans doute est ce le cas, d ailleurs, qui me cherche? Encore?) j ai le droit de dire que je ne suis pas de la ville. Je peux alors sortir la pancarte que je porte autour du cou et rire comme d'une mauvaise plaisanterie.
Un mot peut en remplacer un autre quand celui que je veux ne vient plus, perdu là où je n ai plus accès.
A force dire ce que je ne voulais pas dire ou pas précisèrent...dire le contraire et le maintenir coûte que coûte pour ne pas paraître folle…
Revenir plus tard, lorsque le mot est revenu, et affirmer le contraire de ce que j’avais précédemment...J’ai le droit...je peux dire ce que je peux...
Un auteur...dont le nom m'échappe disait que "l'oubli est la mémoire originelle du monde", et "qu'il est matière".
Je ne suis alors pas victime de la maladie d'...,de cette maladie là, mais je suis la matière de la mémoire originelle, une copie de cet oubli qui afflige ceux qui n'en sont pas atteints, et apeurent ceux qui le sont.
J'ai encore cette connaissance là qui me sauvegarde et articule tout écart de diction comme l'éventualité d'un jeu.
Si je n'ai pas peur alors je prouve à mes proches que rien n'est encore perdu. Je fais illusion.
J’en suis encore à offrir des illusions quand en moi-même, je lutte pour ne pas oublier que j’en ai, que je peux en avoir…
Seules mes fugues sont l'empreinte que cette...progresse.
Un autre disait, je le note avant l'oubli, que lorsqu'on lit de la poésie à haute, c'est de la
"lecture dans le souffle".
Écrire plus pour ne pas mourir sans l'oubli originelle jusqu'à …
Croix aux souvenirs
tu as porté le temps…
J’avais eu le tort de croire
que l’on pouvait se maintenir indemne
En ne demandant rien à personne…
Je le note dans mon journal...Je l’ai appelé le journal de l’oublié...Pas la personne, mais de tout l’oublié que nous emmagasinons innocemment lorsque tout va pour le mieux...