dimanche 29 décembre 2024

PHYSIQUE (CULTURE PHYSIQUE)

 Méthode consistant, grâce à un ensemble d'exercices physiques appropriés, à développer harmonieusement l'être humain, tout en lui assurant un meilleur équilibre physiologique. Si un doute subsistait sur l'utilité et l'opportunité de la culture physique, il suffirait, pour être édifié, de comparer l'ensemble de nos contemporains aux magnifiques spécimens que les statuaires antiques nous ont légués. Nombreux sont ceux qu'une grotesque adiposité caractérise, cependant qu'un aussi grand nombre s'efforce de dissimuler par des artifices vestimentaires, vainement correctifs, une disgrâce anatomique où la cachexie a imprimé son sceau. Quant aux rares privilégiés arborant une esthétique de bon aloi, le dénombrement en est facile… Ces déviations morphologiques sont regrettables en ce que, d'abord, elles accusent un écart déplorable entre la monstrueuse anomalie qu'elles réalisent et ce type de beauté idéale qui, autrefois, constituait la règle générale ; ensuite, parce qu'elles sont corrélatives d'une réduction très sensible de vitalité organique. Or, le vieil adage qui enseigne qu'un corps sain abrite un esprit parfaitement équilibré atteste que la décadence physique atteignant l'humanité dans la plupart de ses membres risque fort de se vérifier par une insuffisance mentale consécutive. Il y a donc urgence, pour le sociologue soucieux et avisé, à réagir énergiquement contre les causes, nombreuses, hélas ! de cet effondrement physico-mental, s'il tient à ménager les possibilités futures d'une organisation sociale qui exige de l'ensemble de ses composants un épanouissement général de toutes leurs facultés. Il n'est pas téméraire d'affirmer, d'après les données scientifiques actuelles, que, trônant au sommet de la hiérarchie causale, un concept erroné de l'hygiène générale, malheureusement triomphant, intervient pour une part très importante dans cette décadence. Alimentation fantaisiste et vicieuse, toxicomanie polymorphe ; hydrophobie et aérophobie associent leurs funestes interventions et concourent à poursuivre l'œuvre désagrégeante. Renforçant cette ligue malfaisante, le sédentarisme entre en scène à son tour, parachevant supérieurement ce tragique dénouement. C'est un fait que l'homme répudie de plus en plus l'effort. L'incessant perfectionnement des moyens de locomotion mécanique le soustrait au sport si salutaire de la marche. Le développement permanent et progressif du machinisme, le réduisant ou à une passivité totale ou à une spécialisation professionnelle anormale ; l'activité exclusivement intellectuelle qu'exigent d'innombrables professions ; l'oisiveté quasi-absolue d'un nombre important de privilégiés ; le confort ennemi de l'émulation et de l'effort musculaire, etc. ; bref, de multiples facteurs conduisent à cette carence de l'activité physique générale, si utile en soi, par l'effervescence vitale qu'elle alimente. De ce qui précède, allons-nous récuser le progrès matériel et ses contingences et aboutirons-nous à cette conclusion qu'il n'y a de salut que dans un retour à la vie ancestrale, comme seule capable de nous rendre la vigueur perdue et le bien-être physiologique si gravement compromis ? Ce serait une absurdité ! Les moyens de transport rapide, outre qu'ils permettent une liaison plus étroite entre les différents groupements humains épars sur le globe, peuvent contribuer à réduire les causes de mésintelligence qui ont suscité, au cours des siècles, tant d'antagonismes. Ils coopèrent à cette édification mutuelle sur les innombrables phénomènes d'ordres divers qui se déroulent sur chaque point de la planète et accroissent sans cesse le bagage encyclopédique. Enfin ils assurent, avec la réalisation de mille autres bienfaits, une plus intelligente répartition des richesses terrestres. Le machinisme (voir ce mot), odieux parfois, en ce qu'il est aujourd'hui un instrument d'asservissement aux mains de castes insatiables, peut et doit devenir le véritable organe de libération de l'humanité entière en réduisant pour chacun au minimum l'indispensable somme de travail fastidieux. Non, la civilisation, dans ce qu'elle a de meilleur et de plus élevé, nous apporte trop de joies pour que nous désirions remonter à la nuit primitive. Le problème de régénération corporelle comporte, heureusement, d'autres solutions, et des remèdes actuels que nous allons étudier. La fonction étant créatrice de l'organe et son rythme commandant en définitive ses possibilités, l'intégralité de cet organe, la plénitude de ses moyens sont sous la dépendance du mouvement fonctionnel. Un parallélisme étroit contrôle et régit cette solidarité, un pendule commun règle l'amplitude de leurs oscillations. Il convient donc de restituer aux organes humains, sous peine de voir s'accentuer leur décrépitude, l'activité appropriée à leur destination première, à leur raison spécifique. Les anciens l'avaient fort bien compris Chinois, Indous, Perses, Grecs et Romains, ces derniers et avant-derniers surtout, moins éloignés que nous cependant d'une existence naturelle, mais prévoyant le danger d'une expectative portée à la hauteur d'un principe, instituèrent des méthodes d'éducation physique, dont la valeur, si nous en jugeons par les œuvres splendides enfantées par le génie des Praxitèle, des Poly plus éclairées. Palestres, thermes, gymnases étaient assidûment fréquentés par une foule avide de maintenir en bonne harmonie l'élégance des formes et le bien-être physique. L'invasion des barbares pulvérisant les civilisations grecques et romaines, puis le moyen âge obscurantiste vinrent étouffer ces élans vers l'utile et le beau. Après plus de mille ans d'interruption, le XIXème siècle s'illustra par une rénovation des principes culturistes. Avec Iahn en Prusse, Ling en Suède, puis Amoros en France, réapparurent les exercices corporels. En deçà et au delà du Rhin, la gymnastique d'agrès prévalut. Mieux avisé, le Docteur Ling s'inspira des exigences anatomiques pour rationaliser l'exercice. Puis ce furent les sports athlétiques qui, avec leur brutal esprit de compétition et leur hantise des performances, dépassèrent le but érigé par l'éducateur éclairé. Pratiqués avec modération et une intelligente progression, expurgés de leur pratique de violence, les sports sont d'excellents moyens de développement et d'entretien physique. Mais ils ne sont guère accessibles qu'à la jeunesse, parce qu'ils nécessitent généralement des endroits spécialement aménagés et fort éloignés de l'habitat de chacun. Et parce que, surtout, ils exigent une préparation physique préalable, si l'on ne veut pas qu'ils risquent d'être plus dangereux qu'utiles. Mais il est facile de pallier à ces inconvénients de l'âge et du lieu, en s'imposant quotidiennement et méthodiquement, chez soi, un nombre déterminé d'exercices variés. Le résultat tangible est une régénération partielle ou totale, selon les cas, pour ceux atteints d'insuffisances fonctionnelles. Pour les rares privilégiés pourvus d'une impeccable santé, c'est la garantie d'un rassurant statu quo. La physiologie nous enseigne qu'une masse musculaire en action est le siège de phénomènes congestifs (afflux sanguins) consécutifs à l'effort suscité. Les parties intramusculaires témoignent d'échanges intensifs inaccoutumés. L'oxydation profuse active les combustions, et l'élimination résiduelle s'organise avec une ampleur inconnue de la masse assoupie. L'activité, lorsqu'elle est méthodiquement dosée en fréquence et en tonalité, en intensifiant le phénomène de la nutrition, accroît la section musculaire et sa puissance dynamique, laquelle se traduit par une aptitude croissante à l'effort. La graisse parasitaire qui enrobe les fibres musculaires ne résiste pas au traitement. C'est donc en soumettant alternativement ou simultanément, d'après les nécessités anatomiques et physiologiques, les différents organes à des exercices spécifiques qu'il est possible de régénérer les anormaux et de cuirasser les autres contre la déchéance. Evidemment - nous ne saurions trop le répéter - la culture physique n'est pas une panacée. Dans bien des cas, elle serait inopérante sans le concours des autres modalités hygiéniques. Mais leur combinaison énergiquement appliquée garantit le succès de cures inespérées. La ptose gastro-intestinale, par exemple, si fréquente aujourd'hui, résulte d'un relâchement de la paroi musculaire abdominale, agent normal de contention des viscères stomaco-intestinaux ; elle est facilement réductible par l'application d'exercices abdominaux conjugués avec un régime alimentaire rationnel. La constipation la plus rebelle est justiciable du même traitement. L'exercice respiratoire provoque les plus heureux effets. Il soumet le diaphragme à une gymnastique très active et exerce une véritable suroxygénation du sang. Mais il faut veiller à ce que les inspirations profondes soient suivies d'expirations totales assurant une contractilité fréquente et régulière des alvéoles pulmonaires. L'alternance non respectée expose aux dangers de l'emphysème (Docteur Lewy). D'après le Docteur Pauchet (Restez Jeunes), l'exercice respiratoire stimule vigoureusement la thyroïde qui régit le métabolisme. Elle accroît la capacité thoraço fonctionnent au ralenti, les inspirations réduites n'insufflent de l'air pur que dans les régions intermédiaires. Les alvéoles de la base et des sommets ne connaissent ainsi le contact généreux du gaz vital. Etonnons-nous de la fréquence des lésions tuberculeuses observées dans ces régions déshéritées, qu'une abondante aération préserverait. Les flexions et rotations du tronc assouplissent le corps et renforcent les muscles thoraciques et abdominaux. Ils exercent un véritable massage de l'estomac et du foie qui remédie à bien des défaillances de ces organes. La moelle épinière, ainsi que toutes les ramifications nerveuses qui s'irradient de l'axe central, bénéficient de ces divers mouvements. Toute une gymnastique savante s'ingénie à corriger maintes déviations du squelette, des atrophies musculaires congénitales ou acquises, qu'une thérapeutique officinale n'avait fait qu'aggraver. L'être humain n'a donc pas de meilleur serviteur que la gymnastique. Pour l'enfant et l'adolescent, elle est génératrice de vigueur, de souplesse, de santé, de joie, de beauté. Elle est, pour l'adulte, rectificatrice de malformations imputables au professionnalisme déformant, comme aussi de mille autres tares. Elle assure au vieillard une jeunesse prolongée et recule à l'extrême les limites de la vieillesse. Elle prépare un déclin sans décrépitude, la fin normale d'une lampe qui s'éteint. La culture physique doit être pratiquée au grand air ou dans une pièce copieusement aérée et, si possible, ensoleillée, Qu'importe la saison ! Le nudisme que l'accoutumance rend si aisé et si agréable - est de rigueur ou, à défaut, l'appareil vestimentaire le plus restreint (caleçon, culotte courte, ample et légère). Ceci pour permettre aux pores de la peau et aux glandes sudoripares d'accomplir leur tâche respiratoire et éliminatrice. Le corps entraîné s'adapte volontiers aux basses températures, surtout lorsqu'il est animé de mouvements rapides et ininterrompus. Ablutions totales, lotions circonstanciées, douches, laits, etc., s'intercaleront ou succèderont à chaque séance pour débarrasser l'épiderme de ses sécrétions toxiques. Dans leurs intervalles, les exercices seront accompagnés, puis suivis, de vigoureuses frictions concentriques à la main nue, puis au gant de crin. Leur action stimulante procurera les plus heureux effets. L'heure du lever est préférable pour l'accomplissement de ce programme. Il précédera le petit déjeuner pour ne pas gêner la digestion. Mais, à défaut, n'importe quel moment de la journée peut être adopté dès l'instant qu'il sera antérieur aux repas. Un nombre respectable d'ouvrages traitant de l'éducation physique constituent, par les enseignements qu'ils renferment, une véritable encyclopédie culturiste. Ils guideront le profane vers une initiation profitable et quintessenciée. Nous citerons, au hasard parmi d'autres non moins intéressants, ceux du Professeur Demeny, de Müller, du Commandant Hebert, du Professeur Desbonnet, du Docteur Ruffier, de Sandow, du Docteur Pagès, du Docteur Chauvois, du Docteur Pescher, etc., etc. Nous accorderons cependant une mention spéciale à « Mon Système », de Müller, dont la formule inspirée de la gymnastique de Ling, résume les enseignements gymniques tout en les émaillant de judicieux principes d'hygiène. « Mon Système » sera le vade-mecum des non initiés. Comme tout ce qui concerne la culture du moi, la pratique de la culture physique exige du postulant une volonté constante et tendue (mais elle a, en vertu de lois déjà citées, de bienfaisantes répercussions sur cette même volonté). Elle n'offre pas l'attrait des jeux de plein air, l'agrément des sports d'équipes par exemple. Le reproche le plus sérieux qu'on puisse lui faire est de manquer de gaîté. Mais si l'on met en balance le petit inconvénient que cela comporte et les immenses avantages qu'elle procure, le grief s'évanouit. D'ailleurs quiconque s'accorde régulièrement sa séance matinale d'assouplissement finit par en ressentir l’impérieux besoin et trouve, à l'accomplir, une réelle satisfaction. Et puis « Paris vaut bien une messe », disait Henri IV, exprimant par là qu'il serait malséant de reculer devant une chose relativement désagréable si elle est une source de profits. Il serait souhaitable que l'enseignement pédagogique, qui n'aborde qu'avec fune extrême timidité les importantes questions d'hygiène, assimilât à ses programmes l'initiation gymnique. Elle s'inspirerait profitablement des préceptes de la « Méthode Müller » et surtout de la « Méthode Hébert » qui joint l'utile à l'agréable. Lorsque l'humanité entière sera conquise aux principes culturistes et ralliée aux autres formules d'hygiène, les innombrables fléaux pathogéniques qui l'accablent ne seront plus que souvenirs historiques, errements des époques où fleurissait une civilisation encore enlisée dans la barbarie.


J. MELINE.


OUVRAGES RECOMMANDÉS. - Mon Système (Müller). force ; Guide pratique d'éducation physique ; Les sports contre l'éducation physique (G. Hébert). - L'entraînement respiratoire par la méthode spiroscopique (Dr J. Pescher). - Soyons forts (Dr Ruffier). - Les dessanglés du ventre ; La machine humaine, anatomie (Dr Chauvois). - Ma méthode ; Manuel de culture physique (Dr Pagès). - Gymnastique suédoise (André et Kimlim). - La rééducation. respiratoire et les sports respiratoires (Sandow). - Restez jeunes ; L’éducation physique de l'enfant (Dr Pauchet). - Pour rendre nos enfants souples et gracieux (Lebigot et Coquerelle), etc., etc

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