dimanche 29 décembre 2024

0nze voies de fait: par Bernard Noël ( travail tiré de textes de Georges Bataille)

 Tableau 3 . Un homme et une femme.


F - Que vais-je faire de vous ?

H - Ne sauriez-vous pas vous servir d'un homme ?

F - J'ai cette ignorance.

H - Invoquer cette innocence m'aurait certainement séduit davantage.

F - J'ai craint qu'innocence ne vous renvoie à passivité.

H - Je sais que le mouvement des organes est assez restreint. Au final, leur combinaison se ramène à une seule.

F - La multiplicité des postures compense éventuellement cette restriction de la nature.

H - Voilà une réflexion qui témoigne assez mal de votre ignorance.

F - Est-ce à dire que vous me trouvez belle ?

H - Je n'en suis pas encore aux appréciations. Sachez d'ailleurs que je n'ai pas le culte de l'apparence.

F - Mais avec quoi faire figure ?

H - Nous pourrions nous regarder en silence.

F - Nous pourrions nous toucher en silence.

H - Dans ce cas, quel serait votre premier geste ?

F - J'afficherais une stupeur pudique tout en vous adressant un sourire qui en serait le démenti.

H - Anticipez-vous le résultat de cette attitude ? 

F - Je n'ai pas à vous dévêtir de votre indifférence. Je ne préjuge pas de la rapidité de votre échauffement.

H - Etes-vous capable de vous fier au premier plan ?

F - J'ai à coeur de vérifier d'abord s'il est partagé.

H - Comment distinguer la chiennerie d'un penchant décisif ? 

F - Le risque a l'avantage d'être l'intermédiaire le plus résolu de la chance. Peut-être n'aimez-vous pas la chance ?

H - Ne vaut-il pas mieux encadrer les circonstances afin de favoriser sa venue ?

F - Elle perdrait son caractère à être ainsi favorisée.

H - Je pensais à la cérémonie.

F - L'approche, le déshabillage, la nudité...

H - Pas du tout ! Je ne pensais qu'au glissement. Aux moyens de provoquer le glissement vers l'inévitable.

F - Vous désirez une situation sans issue ?

H - Non à une seule issue !

F - Suis-je concernée par ce débat ?

H - Tout dépend finalement du choix.

F - Dites plutôt du style...

H - C'est vrai ! Mieux vaut mener la relation comme on mènerait un récit. Articuler des gestes comme on articulerait des phrases.

F - Votre langue a-t-elle assez de goût ?

H - Le récit a l'avantage d'autoriser une pénétration élective, chose qui permet un passage à l'acte fictif.

F - Et si mon corps trouve un peu trop insuffisante votre fiction ?

H - Tant pis, nous en reviendrons à la réalité !

F - Le sang, la boue, les excréments, les larmes, la sueur...

H - ET la mort par-dessus le marché !

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