vendredi 3 novembre 2017

Chateaubriand François-René


Essai sur les révolutions Partie 2

« Outre la barrière naturelle qui les protèges contre une force invasive, s'ils sont insulaires , ou placés sur un continent éloigné, la superfluité de leur population trouve sans cesse un écoulement au dehors, sans demeurer en un état croupissant de stagnation dans l'intérieur. Le reste des citoyens, occupés du commerce de la patrie, a peu le temps de s'embarrasser de rêveries politiques. Là où les bras travaillent, l'esprit est en repos ».

« Il semble qu'en s'occupant du bien-être des autres, on s'en approprie quelques petites parties. Nous vivons bien moins en nous que hors de nous. »

« Dans les contrées où les hommes s'occupent exclusivement du commerce, les belles-lettres sont ordinairement négligées ; l'esprit mercantile rétrécit l'âme ; le commis qui sait tenir un livre de compte , ouvre rarement celui du philosophe ».

« On ne cherche à sonder l'avenir, que lorsqu'on souffre du présent ».

« La plus extrême confusion se répandit alors en Grèce-France. Les uns, partisans de la royauté, se réjouissoient en secret de l'approche des légions étrangères ; d'autres, dont les opinions varient avec les événements, commençoient de s'excuser de leur patriotisme passé ; enfin, les amants de la liberté, exaltés par le danger des circonstances , sentoient leur courage s'augmenter en proportion des malheurs de la patrie, et je ne sais quoi de sublime qui tourmentoient leurs âmes ».

« Le serf persan devint la proie du citoyen de la Grèce. Comment les républiques anciennes subsistoient-elles ? Par des esclaves. Comment nos pères barbares vivoient-ils si libres ? Par des esclaves. Il est même impossible de comprendre sur quel principe une démocratie pourroit s'établir sans esclaves. Ainsi nos systèmes modernes excluent de fait toute république parmi nous. »

« Je ne dirai rien des femmes : meilleures que nous , elles n'ont que la faiblesse d'être ce que nous voulons qu'elles soient, la faute est à nous » .

« Et soyons sûrs, quoi qu'on en publie, qu'il vaut mieux obéir à un de nos compatriotes riche et éclairé, qu'à une multitude ignorante, qui nous accablera de tous les maux ».

« Et qui cependant devait prétendre plus que lui à la gratitude de ces concitoyens ? Il y comptoit peu, ayant étudié les hommes . La reconnoissance est nulle chez le trés-nécessiteux, parce que le sentiment du premier besoin absorbe tous les autres ; elle existe quelquefois comme vertu chez le mécanique pauvre, mais non indigent ; elle se change en haine dans l'individu placé immédiatement un rang au-dessous du bienfaiteur ; elle pèse aux philosophes ; les courtisans l'oublient. Il suit delà qu'il faut faire du bien au petit peuple par devoir , obliger l'artiste par satisfaction de cœur, n'avoir qu'une extrême politesse avec les classes mitoyennes, prêter seulement aux gens de lettres ce qu'ils peuvent exactement vous rendre, et ne donner aux grands que ce qu'on compte jeter par la fenêtre ».

« Je ne puis penser de même ; cet air secret fait beaucoup de mal. Le peuple est un enfant ; présentez lui un hochet dont il sorte des sons, si vous lui en expliquez la cause, il le brisera pour voir ce qui les produit. »

« Ainsi, hier une république, aujourd'hui une monarchie, et demain encore une république. Par le premier droit, dira-t-on , une nation courrait le risque de tomber dans l'esclavage , comme à Athènes, si elle n'avait le second pour se sauver. D'accord. Mais cette seconde faculté ne livre-t-elle pas à la merci des factieux sans nombre, qui ne vivent que dans les orages ? Des factieux qui, connaissant trop le penchant inquiet de la multitude, lui persuaderont incessamment que sa constitution du moment est la pire de toutes, par cela même qu'elle en jouit ; et un éternel carnage, et une éternelle révolution régneront sur les hommes »

« Pour moi qui, simple d'esprit et de cœur, tire tout mon génie de ma conscience, j'avoue que je crois en théorie au principe de la souveraineté du peuple ; mais j'ajoute aussi que si on le met rigoureusement en pratique, il vaut beaucoup mieux pour le genre humain redevenir sauvage, et s'enfuir tout nu dans les bois. »

il fait une liste de rois déchus, exilés et pourchassés :

« Dans ce catalogue de misères, chacun pourra satisfaire le penchant de son cœur : l'envie y verra des rois, la pitié des malheureux, et la philosophie des hommes. »


« La vue de la misère cause différentes sensations chez les hommes. Les grands, c'est-à-dire les riches, ne la voient qu'avec un dégoût extrême ; il ne faut attendre d'eux qu'une pitié insolente, que des dons, des politesses, mille fois pires que des insultes ».

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