Essai
sur les révolutions Partie 2
« Outre la barrière
naturelle qui les protèges contre une force invasive, s'ils sont
insulaires , ou placés sur un continent éloigné, la superfluité
de leur population trouve sans cesse un écoulement au dehors, sans
demeurer en un état croupissant de stagnation dans l'intérieur. Le
reste des citoyens, occupés du commerce de la patrie, a peu le temps
de s'embarrasser de rêveries politiques. Là où les bras
travaillent, l'esprit est en repos ».
« Il semble qu'en
s'occupant du bien-être des autres, on s'en approprie quelques
petites parties. Nous vivons bien moins en nous que hors de nous. »
« Dans les contrées où
les hommes s'occupent exclusivement du commerce, les belles-lettres
sont ordinairement négligées ; l'esprit mercantile rétrécit
l'âme ; le commis qui sait tenir un livre de compte , ouvre
rarement celui du philosophe ».
« On ne cherche à sonder
l'avenir, que lorsqu'on souffre du présent ».
« La plus extrême
confusion se répandit alors en Grèce-France. Les uns, partisans de
la royauté, se réjouissoient en secret de l'approche des légions
étrangères ; d'autres, dont les opinions varient avec les
événements, commençoient de s'excuser de leur patriotisme passé ;
enfin, les amants de la liberté, exaltés par le danger des
circonstances , sentoient leur courage s'augmenter en proportion
des malheurs de la patrie, et je ne sais quoi de sublime qui
tourmentoient leurs âmes ».
« Le serf persan devint la
proie du citoyen de la Grèce. Comment les républiques anciennes
subsistoient-elles ? Par des esclaves. Comment nos pères
barbares vivoient-ils si libres ? Par des esclaves. Il est même
impossible de comprendre sur quel principe une démocratie pourroit
s'établir sans esclaves. Ainsi nos systèmes modernes excluent de
fait toute république parmi nous. »
« Je ne dirai rien des
femmes : meilleures que nous , elles n'ont que la faiblesse
d'être ce que nous voulons qu'elles soient, la faute est à nous » .
« Et soyons sûrs, quoi
qu'on en publie, qu'il vaut mieux obéir à un de nos compatriotes
riche et éclairé, qu'à une multitude ignorante, qui nous accablera
de tous les maux ».
« Et qui cependant devait
prétendre plus que lui à la gratitude de ces concitoyens ? Il
y comptoit peu, ayant étudié les hommes . La reconnoissance
est nulle chez le trés-nécessiteux, parce que le sentiment du
premier besoin absorbe tous les autres ; elle existe quelquefois
comme vertu chez le mécanique pauvre, mais non indigent ; elle
se change en haine dans l'individu placé immédiatement un rang
au-dessous du bienfaiteur ; elle pèse aux philosophes ;
les courtisans l'oublient. Il suit delà qu'il faut faire du bien au
petit peuple par devoir , obliger l'artiste par satisfaction de cœur,
n'avoir qu'une extrême politesse avec les classes mitoyennes,
prêter seulement aux gens de lettres ce qu'ils peuvent exactement
vous rendre, et ne donner aux grands que ce qu'on compte jeter par la
fenêtre ».
« Je ne puis penser de
même ; cet air secret fait beaucoup de mal. Le peuple est un
enfant ; présentez lui un hochet dont il sorte des sons, si
vous lui en expliquez la cause, il le brisera pour voir ce qui les
produit. »
« Ainsi, hier une
république, aujourd'hui une monarchie, et demain encore une
république. Par le premier droit, dira-t-on , une nation courrait le
risque de tomber dans l'esclavage , comme à Athènes, si elle
n'avait le second pour se sauver. D'accord. Mais cette seconde
faculté ne livre-t-elle pas à la merci des factieux sans nombre,
qui ne vivent que dans les orages ? Des factieux qui,
connaissant trop le penchant inquiet de la multitude, lui
persuaderont incessamment que sa constitution du moment est la pire
de toutes, par cela même qu'elle en jouit ; et un éternel
carnage, et une éternelle révolution régneront sur les hommes »
« Pour moi qui, simple
d'esprit et de cœur, tire tout mon génie de ma conscience, j'avoue
que je crois en théorie au principe de la souveraineté du peuple ;
mais j'ajoute aussi que si on le met rigoureusement en pratique, il
vaut beaucoup mieux pour le genre humain redevenir sauvage, et
s'enfuir tout nu dans les bois. »
il
fait une liste de rois déchus, exilés et pourchassés :
« Dans
ce catalogue de misères, chacun pourra satisfaire le penchant de son
cœur : l'envie y verra des rois, la pitié des malheureux, et
la philosophie des hommes. »
« La vue de la misère
cause différentes sensations chez les hommes. Les grands,
c'est-à-dire les riches, ne la voient qu'avec un dégoût extrême ;
il ne faut attendre d'eux qu'une pitié insolente, que des dons, des
politesses, mille fois pires que des insultes ».
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