samedi 25 novembre 2017

Daniel Guérin Anthologie de l'Anarchisme T 4 Partie 2


Il fallait integrer les espagnols. Lors de ce congrès, il s'agissait pour les communistes de mettre la main sur tous les syndicats. Les contestations furent coupées et Trotsky lui-même condamna toute contestation dans le préambule à un discours.

au 2 congrès de la Troisième internationale en 1920

« Dans la majorité des pays belligérants, la plupart de syndicats avaient été lors des douloureuses années de guerre, partisan du neutralisme ( apolitisme ) ; ils avaient été les serfs du capitalisme impérialiste et avait joué un rôle néfaste en retardant l'émancipation des travailleurs (…) à la dictature de la bourgeoisie, il fallait opposer, comme seul moyen décisif et transitoire, la dictature du prolétariat, seule capable d'ébranler la résistance des exploiteurs et d'assurer ainsi que de consolider la conquête du pouvoir par le prolétariat. »

Le congrès décida en conséquence de :

« Condamner toute tactique destinée à faire sortir les éléments d'avant-garde des organisations syndicales existantes et éliminer, au contraire, d'une façon radicale, de la direction du mouvement syndical les opportunistes qui avaient collaboré avec la bourgeoisie en acceptant la guerre... »

Voici ce qui sortit de ce congrès : Projet de l'Internationale Syndicale Rouge

« 1. un comité spécial devra être organisé dans chaque pays par le parti communiste.
  1. Ce comité se chargera de recevoir et distribuer à toutes les organisations syndicales les circulaires et les publications de l'organisation internationale Rouge.
  2. Le comité nommera les rédacteurs des journaux professionnels et révolutionnaires en leur inculquant le point de vue de l'Internationale contre l'internationale adverse.
  3. Le comité interviendra avec ses propres moyens d'intervention et de polémique.
  4. Le comité travaillera en étroites relations avec le parti communiste tout en étant un organe différent.
  5. Le comité contribuera à convoquer des conférences dans lesquelles seront discutées des questions d'organisation internationale et choisira les orateurs après à la propagande.
  6. Le comité sera composé de camarades de préférence communistes. Les élections seront supervisées par le parti communiste.
  7. Dans le pays où cette méthode ne pourra être adoptée des émissaires du parti communiste seront envoyés afin de créer une organisation semblable. »

A propos de la révolution espagnole

« C'était quelque chose d'entièrement nouveau en Espagne, et dans le monde et qui ouvrait une ère nouvelle dans l'histoire. Pour la première fois, un peuple entier s'était dressé contre le fascisme. En Allemagne et dans d'autres pays, l'embourbement parlementaire et la fossilisation bureaucratique du mouvement ouvrier avaient favorisé la montée de la dictature ; en Espagne, la rupture de l'ensemble des travailleurs d'avec les méthodes parlementaires et la politique bourgeoise, permit au peuple tout entier d'opposer une résistance aux généraux. »

Durruti a été un héros pour la lutte antifasciste avec sa célèbre colonne «  la colonne Durruti ». Lorsqu'il arriva à Madrid pour sauver la capitale avec ses 5000 hommes, le peuple crut tout de suite à la victoire. Hélas, cela sentait à plein le piège puisqu'on lui attribua le quartier de la ville le plus dangereux.

Il reçut ce qu'on a appelé «  une balle perdue ». Egal à lui-même, il lutta contre la mort en supportant les multiples interventions chirurgicales. Hélas, il mourut au petit matin le 20 novembre 1936.

3 thèses courent sur la mort de Durruti :

1 Durruti aurait été tué par des militants anarchistes parce qu'obligés de combattre à Madrid aux côtés des communistes il aurait eu tendance à se rapprocher d'eux. C'est l'hypothèse la moins vraisemblable.

2 Durruti aurait été supprimé par des membres de l'aile droite et réformiste de la C.N.T. Qui auraient voulu accentuer le compromis politique avec les autres forces républicaines pour enlever à la lutte tout caractère révolutionnaire, ceci contre la volonté de Durruti, partisans, lui, de la lutte révolutionnaire à outrance.

3 Enfin Durruti aurait été exécuté par la Guépéou sur l'ordre de Staline, car son immense popularité était un obstacle aux sinistres machinations du parti communiste espagnol.

Emma Goldman rencontre Durruti qui s'explique

« J'ai été anarchiste toute ma vie, me répondit-il et j'espère continuer de l'être. C'est pourquoi je considérais qu'il me serait très désagréable de me convertir en général et de commander mes hommes avec la discipline stupide à esprit militaire. Ils sont venus à moi par leur propre volonté, disposés à donner leur vie pour notre lutte antifasciste. Je crois, comme je l'ai toujours cru, en la liberté. La liberté comprise dans le sens de la responsabilité. Je considère la discipline indispensable, mais celle-ci doit être une autodiscipline mue par un idéal commun et un fort sentiment de camaraderie ».

« Je suis satisfait de ma colonne. Mes camarades sont bien équipés et, quand l'heure vient, tout fonctionne comme une bonne machine. Je ne veux pas dire par là qu'ils cessent d'être des hommes. Non, nos camarades sur le front savent pour qui et pour quoi ils luttent. Ils se sentent révolutionnaires, ils ne luttent pas pour la défense de nouvelles lois plus ou moins promises, mais pour la conquête du monde, des usines, des ateliers, des moyens de transport, de leur pain, de la culture nouvelle. Ils savent que leur vie dépend du triomphe.
Nous faisons, et ceci est mon opinion, parce que les circonstances l'exigent ainsi, la révolution et la guerre tout en même temps. Les mesures révolutionnaires ne se prennent pas uniquement à Barcelone, mais aussi depuis les lignes de feu. Dans tous les villages dont nous nous emparons, nous commençons à développer la révolution. C'est le meilleur de notre guerre et quand je pense à elle, je me rends compte davantage de ma responsabilité. Depuis les premières lignes jusqu'à Barcelone, il n'y a que des combattants pour notre cause. Tous travaillent pour la guerre et la révolution.
Un des mots d'ordre les plus importants réclamés par l'actualité : discipline. On en parle beaucoup, mais peu travaillent dans ce but. Pour moi, la discipline n'a d'autre signification que le concept que l'on a de la responsabilité. Je suis ennemi de la discipline de caserne, celle qui conduit à la brutalité, à l'horreur et à l'action mécanique. Je ne reconnais pas, non plus, ce mot d'ordre erroné : liberté qui ne convient pas dans les moments actuels de la guerre et qui est le recours des lâches. Dans notre organisation, la C.N.T. impose la meilleure des disciplines. Les confédérés admettent et accomplissent les décisions prises par les comités qui sont proposées par les camarades élus pour accepter ces charges de responsabilité. Durant la guerre, on doit se soumettre aux délégués qui ont été élus. Aucune opération ne peut être faite d'une autre manière. Si nous savons que nous nous affrontons avec des hésitants, alors parlons à leur conscience et à leur amour-propre. De cette manière, nous saurons faire d'eux de bons camarades.
Je suis satisfait des camarades qui me suivent. J'espère que, eux aussi, sont contents de moi. Ils ne manquent de rien. Ils ont à manger, de quoi lire, ils ont des discussions révolutionnaires. La fainéantise est absente de nos colonnes. On construit continuellement des tranchées.
Nous gagnerons la guerre, camarades ! »

Aux ouvriers Russes

« De nombreux révolutionnaires internationaux, qui nous sont proches par le cœur et la pensée, vivent en Russie, non pas en liberté, mais dans les isolateurs politiques et les bagnes. Plusieurs d'entre eux ont demandé à venir combattre l'ennemi commun en Espagne, au premier rang de la ligne de feu. Le prolétariat international ne comprendrait pas qu'ils ne soient pas remis en liberté ; et il ne comprendrait pas non plus que les renforts en armes ou en hommes que la Russie se dispose, parait-il, à envoyer en Espagne, soient l'objet d'un marchandage comportant une abdication quelconque de la liberté d'action des révolutionnaires espagnols.
La révolution espagnole doit suivre un autre cours que la révolution russe. Elle ne doit pas se développer selon la formule : « un parti au pouvoir, les autres en prison ; » Mais elle doit faire triompher la seule formule qui permette à l'unité du front de n'être pas une duperie : « Toutes les tendances au travail, toutes les tendances au combat contre l'ennemi commun. Et le peuple choisira le régime qui lui conviendra le mieux ».
Si la militarisation par la Généralité est faite pour nous intimider et nous imposer une discipline de fer, on se trompe et nous invitons les auteurs du décret à monter au front pour se rendre compte de notre moral et de notre cohésion ; ensuite, nous viendrons les comparer avec le moral et la discipline de l'arrière. »

Le choix pour les jeunes anarchistes étaient soit de rentrer dans l'armée régulière (sa discipline, ces gradés) soit les milices anarchistes.

« Nous ne refusons pas de remplir notre devoir civique et révolutionnaire. Nous voulons aller libérer nos frères de Saragosse. Nous voulons être des miliciens de la liberté mais non des soldats sous l'uniforme. L'armée s'est avérée un danger pour le peuple ; seules les milices populaires protègent les libertés publiques : miliciens oui ! Mais soldats, jamais ! »

Le milicien, individu conscient

« Mon prédécesseur à cette tribune a parlé de la structure. Je veux développer davantage la question. Une unité de commandement absolu qui décide de la fonction que l'individu doit tenir dans la guerre sera-t-elle plus efficace dans l'action que les convictions de cet individu ?
Parce que je vous le dis : ceux qui s'insurgent contre la Colonne de Fer, parce qu'elle descend à l'arrière faire la révolution que vous ne savez pas faire, ceux-là, je vous le déclare, ne savent pas ce qu'ils disent.
Le simple milicien vient à la Colonne par ce qu'il sait trouver en elle une unité morale, révolutionnaire et intellectuelle. C'est pourquoi, nous, qui sommes allés les premiers au champ de bataille, nous ne pouvons permettre que maintenant le marxisme et la démocratie bourgeoise, comme hier la réaction, tentent d'anéantir le meilleur du champ révolutionnaire levantais, c'est-à-dire la moisson anarchiste et révolutionnaire.
C'est encore pourquoi nous ne pouvons accepter le commandement unique, parce que les militaires n'ont su que rester à l'arrière-garde. Et nous, qui avons admiré le moral de nos frères confédérés, qui savons qu'il y a parmi eux des éléments qui valent cent fois plus que des militarisés, nous ne voulons pas d'entraves, nous ne voulons pas qu'on invoque ce mensonge que sans unité de commandement on ne peut gagner la guerre.
Les pratiques des partis politiques de l'ancien régime qui veulent créer l'unité de commandement pour le donner à leurs Armées Rouges, pour créer une dictature aussi fatale peut-être que la précédente, mettent la révolution en péril. A cela, nous ne pouvons consentir, et je dois dire, à ce qsujet, que tout ce plénum, malheureusement mal orienté par le comité régional, est en train de se dérouler dans une ambiance nettement réformiste et politique, et c'est pourquoi on doit écouter notre faible voix, parce que plus tard, tous nous payerons les conséquences de notre malentendu. »

De la participation de la C.N.T. au gouvernement espagnol, il y eut beaucoup de critiques et encore aujourd'hui le débat reste entier et pourtant, personnellement, je reste convaincu que de participer à un quelconque gouvernement en pensant, ou en trouvant comme alibi le prétexte, de vouloir changer les choses de l'intérieur, ne fait que renforcer cet état. Le système est tel que tout ce qui le conteste est ingurgité et recraché comme un appendice de ce même système.

« Déclaration de principes

Le congrès réuni à Toulouse le 20 octobre 1947 et jours suivants ;
considère que toutes les expériences vécues et tous les événements qui se sont produits dans le monde au cours des dernières années ne font que confirmer la voie suivie depuis 1870 par le prolétariat organisé sous les mots d'ordre de la première Internationale ;
considère que toutes les concessions faites à l’État n'ont entraîné qu'une consolidation de celui-ci et que toute acceptation, même provisoire, du principe d'autorité, représente une perte effective de positions et implique le renoncement à des buts finaux intégralement libérateurs ;
(…) considère que les expériences de la guerre et de la révolution en Espagne ont confirmé la valeur permanente des efforts entrepris sous l'impulsion populaire et la revalorisation, par la force des choses, des tactiques d'action directe, antiétatique et révolutionnaire ;
(…) en raison de tout ce qui précède, le Congrès déclare : qu'il ratifie les principes et tactiques d'action directe antiétatique et révolutionnaire, consubstantiels à l'anarchisme et à l'anarcho-syndicalisme ;
(…) que tout pouvoir constitué sur le principe de l’État politique et économique, quel que soit son nom et quels que soient les partis et organisations qui l'appuient, n'est qu'un des multiples visages de l'autorité ;

(…) que notre mouvement a pour but final l'implantation du communisme libertaire , sans aucune étape de transition, et avec des tactiques conformes à nos principes (...) »

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