mardi 2 juillet 2024

Formation de Pierre Guyotat

a propos des gens du voyage:


"Mais comment peuvent ils voler autant, enfants, bébés et s'enfuir avec des véhicules aussi lents? C'est à ce moment et par eux, les bohémiens, qu'à la suite de ce que je sais de la  résistance de l'esprit dans les camps de la mort, je comprends la force de la liberté: il y a donc une limite à l'exercice de la loi, c'est la force de la parole et regard humains. Il y a donc des gens sur cette terre qui en imposent aux représentants de la loi. Etant éduqué dans le respect de la loi, plus encore de la loi divine, je ne me ressens alors déjà aucun droit, pas même celui de vivre, dans un temps où l'autorité parentale est totale, où aucune des représentations superficielles à venir des droits de l'enfant n'est à l'oeuvre, où, si l'on s'efforce partout de choyer les enfants de la guerre, un enfant n'existe encore et toujours que pour ses parents. Ce droit je le conquiers alors, dans le doute, la culpabilité et l'angoisse.

Ces gens, qui sortent, pour la plupart, des camps, que tout condamne et affaiblit, leurs coutumes, les pratiques qu'on leur prête, la précarité de leur existence, leur domicile roulant, leur langue inconnue, leurs métiers de musique et de paille, en imposent. On peut résister à la loi sur sa seule existence, par la seule affirmation de sa présence sur un lieu, même mobile. Ce peuple qui ne connait pas vraiment son origine, ces enfants qui paraissent n'appartenir à personne et leur liberté de gestes et d'action vis=à=vis de leurs adultes, comment ne pas en avoir le coeur qui bat de plus en plus fort à mesure que sorti du jardin de ma gran=mère, et de ses goûters frugaux mais très ordonnés, je marche et m'approche dans le chemin qui mène à l'emplacement du campement?

Que des mains se tendent au bout pour me prendre, et me voici revenir, l'année prochaine, ans leur troupe et méconnaissable, faire des cabrioles, jouer du violon et danser, et ayant déjà, moi, des enfants, devant les miens qui ne me reconnaissent plus.

C'est de Dieu père et fils que je descends et non de mon ascendance terrestre. De ce que je ressens de plus profond et qui me fait venir les larmes aux yeux quand je suis seul avec ma flûte, c'est pour cette origine aérienne."

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