mercredi 31 juillet 2024

Principes pour une littérature qui empeste Par Michel Surya

 Marcel Moreau est l'un de ceux que le virus a tués (à la vérité, que le virus a fini de tuer, qui mourait déjà). Moreau, justement, qui a pris toute sa part de la saleté propre à l'écriture, qui a fait de ses "oeuvres" les "raclures de l'âme" dont Artaud disait être faites les siennes, qui l'a dit alors qu'elles n'existaient encore qu'à peine. Signe des temps : à peu près personne pour savoir qui Moreau aura été. Moins encore à l'avoir lu. S'il avait écrit moins, il est vrai, et avec moins de mots; s'il s'était montré plus affable, et sous un meilleur jour ( moins mauvais, hirsute, possédé), sous le jour de ceux qui semblent n'avoir écrit leurs livres - pas des "raclures", surtout pas de "l'âme" - que pour pouvoir parler partout d'un peu tout, surtout d'eux, ce qu'on voit tous faire, qui pensent pourtant en remontrer à l'ordre, qui le prétendent même, qui ajoutent juste au divertissement qui domine.

Génie des titres à Moreau, lesquels suffisent à faire penser à Artaud (pour quoi je pense à lui) : Quintes, Bannière de bave, La Terre infestée d'hommes, les arts viscéraux, discours contre les entraves, ados de dieu, corpus scripti etc.

Quintes, Bannière de bave, la terre infestée d'hommes ont paru, le premier en 1963, les deux autres en 1966. Un an avant, pour ces deux derniers, que parût Tombeau pour 500000 mille soldats de Pierre Guyotat.

Marcel Moreau est mort le 4 avril 2020, à l'âge de 86 ans, quand Pierre Guyotat est mort le 7 février 2020, à l'âge de 80. Aucun rapport? A l'évidence ( pas la même portée d'oeuvres, pas les mêmes conséquences d'art). Le plus grand cependant du point de vue de ce que "l'écriture" engagea pour quelqu'uns de cette génération, ou tenta d'engager, engagement auquel si peu se tiennent encore

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